Bianka Msria Recette pour un Noël ( parfait) désastreux. À cœur ouvert

À cœur ouvert

Gabriel

Les environs du Beaumont Luxuries regorgent de lieux où l’on peut s’enfermer dans une bulle de luxe et d’intimité. Le bar en face du magasin, en est un parfait exemple.


C’est un refuge, un cocon loin du tumulte de la ville et du froid mordant de cette fin novembre. Ici, le monde extérieur semble s’arrêter à la porte. Les conversations sont basses, confidentielles, noyées dans la musique jazz qui s’échappe des enceintes. Une lumière tamisée baigne la pièce, tandis que les flammes dansent dans l’imposante cheminée de pierre. Elles crépitent doucement et, renvoient leur chaleur à ceux qui s’installent près d’elles. L’odeur du cuir patiné, du whisky vieilli et des épices de Noël flotte dans l’air, enveloppant chaque recoin d’une atmosphère réconfortante.


Je choisis une table près de la baie vitrée. La vue sur la ville est imprenable. Dehors, la neige s’accumule sur les trottoirs. Elle recouvre la ville d’un voile immaculé. Les passants emmitouflés se pressent sous les guirlandes scintillantes. Un musicien de rue joue un air de Noël à quelques mètres du bar. Tout ici respire la chaleur et l’élégance.

Pourtant, je doute que Blake remarque quoi que ce soit de ce décor enchanteur.


Il arrive quelques minutes après moi, le pas plus lourd qu’il ne le devrait. Il a hésité à venir, c’est évident. Lorsqu’il enlève son manteau, il révèle un pull en laine épaisse qui épouse ses larges épaules que je ne peux m’empêcher de détailler. Ses cheveux bouclés sont encore humides, quelques mèches collent à son front. Il me prend une soudaine envie d’aller les détacher.


Blake passe une main dans ses boucles, dans un geste nerveux, inconscient.

Il est tendu, à l’affût. Comme s’il s’attendait à un piège.


Derrière lui, perchée sur un tabouret haut au bar, Livia nous observe discrètement. Enfin, « discrètement » serait un grand mot. Elle sirote un cocktail d’une couleur douteusement festive, tout en feignant de s’intéresser à autre chose. Elle croit sans doute que je suis en train de convaincre Blake d’accepter le contrat.


Si elle savait…


Le concerné s’assoit en face de moi, mais il pourrait tout aussi bien être à mille lieues d’ici. Son dos est raide, sa mâchoire crispée. Ce masque de défiance qu’il arbore me donne envie de creuser.


J’ai rencontré des centaines de personnes dans ma vie. Des investisseurs cyniques, des rivaux prêts à tout pour me voir échouer à la mort de mon père. Des charmeurs qui pensent pouvoir me manipuler avec un sourire bien placé.


Mais Blake, lui, il est différent.


Il me voit.


Il ne se laisse pas impressionner par mon nom, par mon statut. Il me parle comme à n’importe quel autre homme. Et ça, c’est un vrai luxe.


Enfin, il me parlait ainsi. Jusqu’à maintenant.


Son regard est fuyant, rivé sur son verre de whisky qu’il n’a pas encore touché. Ses doigts pianotent sur la table. Un geste nerveux, incontrôlé.

Blake n’a pas envie d’être ici.

Mais il est venu quand même.


— Pourquoi vous insistez autant ? il lâche enfin.


Sa voix est basse, râpeuse. Elle trahit une fatigue bien plus profonde qu’un simple épuisement physique.

J’effleure le bord de mon verre du bout des doigts, tout en étudiant sa posture.


— J’aime comprendre ce que je ne peux pas expliquer.


Il esquisse un sourire sans joie.


— Il n’y a rien à expliquer. J’ai mes raisons de refuser ce contrat, point.

— Des raisons qui portent le nom de Ronan ?


Le choc est immédiat. Blake se fige.


L’espace d’un instant, son visage se ferme complètement. Plus de micro-expressions, plus de tension apparente. Rien qu’un masque lisse et impénétrable. Mais c’est ce vide soudain qui me confirme que j’ai touché juste.

Son souffle devient plus court. Sa gorge se contracte.


Il hait que je sache.


— Qu’est-ce que vous savez ?


Il y a un ton différent dans sa voix. De la peur. De l’usure.


— Pas grand-chose. Mais j’observe. Et vous êtes un livre ouvert, Blake.


Il éclate d’un rire sec, sans amusement.


— C’est bien la première fois qu’on me dit ça.


Son regard se détourne, dérive vers la fenêtre.


Dehors, la neige s’est arrêtée, mais la ville est habillée de blanc. Quelque part, le musicien de rue joue sûrement un autre air de Noël.


Une scène paisible.

Mais à cette table, c’est tout le contraire.


— Alors, confiez-moi. Ce qu’il vous a fait. Pourquoi sa simple présence suffit à vous faire fuir. C’est votre ex, d’accord. J’avais compris. Néanmoins il y a plus que ça.


Blake secoue la tête, se recroqueville malgré sa stature athlétique.


— Ça ne vous regarde pas.

— J'en conviens. Je marque une pause, puis poursuis. Pourtant, si vous comptez fuir, autant que ce soit pour une bonne raison.


Blake ferme les yeux une seconde. Je le vois lutter. Contre moi. Contre lui-même.

Puis, il cède.


Sa voix est basse. Presque un murmure. Comme s’il avait peur que quelqu’un d’autre puisse l’entendre.

Il parle d’une relation qui a commencé comme un rêve et s’est transformée en cauchemar. Il décrit la façon dont Ronan l’a isolé, l’a rabaissé, a fait de ses doutes une vérité indiscutable.

Comment il l’a lentement brisé, pour ensuite le calomnier

Il ne me regarde toujours pas. Ses yeux restent rivés sur son verre, comme s’il y cherchait du courage.


Quand il termine, un silence pesant s’installe.

Je pourrais parler tout de suite. Dire que je suis désolé. Que je comprends.

Cependant, Blake n’a pas besoin de pitié.

Il souhaitait raconter son histoire à une personne qui ne le connaissait pas. Qui n’aurait pas d’a priori. Pourtant, il a pris un risque. Après tout, Ronan est mon futur beau-frère.

Quelques secondes passent. Puis, je pose mon verre et me penche vers lui.


— C’est tout ?


Blake fronce les sourcils, méfiant.


— Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— Vous pensiez quoi ? Que j’allais douter de vous ? Que j’allais défendre Ronan ?


Blake ne répond pas. Mais je vois l’ombre de cette pensée dans ses yeux.

Il hoche la tête. Comme si c’était une évidence.


— Tout le monde le fait, il finit par dire. Parce que c’est Ronan. Parce qu’il est parfait, irrésistible, charmant. Parce qu’il sait manipuler les gens mieux que personne.


Il laisse échapper un rire amer.


— Parce que personne ne m’a jamais cru.


Et ça…


Ça, ça me tue.

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3 commentaires

Oswine

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Il y a 14 jours

J'aime beaucoup que tu n'es pas fait de dialogue lorsque Blake explique ce qu'il s'est passé avec Ronan, ça permet de ne pas avoir encore une répétition de l'histoire qu'on connait plus ou moins grace aux echanges de Blake avec Livia ! Et du coup, ça laisse une certaine dynamique et comme ça, Gabriel est au courant de toute l'histoire sans que ça soit un passage lourd pour nous ! Tu donnes les bonnes informations, sans trop en redire ou en dire et c'est très bien ! La fin est magnifique. On comprends que Gabriel est touché par son histoire, mais pourtant il ne dit rien parce que comme il le pense : Blake n'a pas besoin de pitié. Savoir que Gabriel le croit, qu'il se range de son coté et qu'il a compris tout de suite que Ronan etait un connard, c'est genial ! Au moins un qu'il ne faudra pas convaincre !

Ady Regan

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Il y a 17 jours

Gabriel le croit et ça va tout changer 🥰 Blake a eu le courage de se confier, c'est un pas en avant💪

Gottesmann Pascal

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Il y a 17 jours

Pauvre Blake, il n'en revient pas d'avoir trouvé un allié. Ça lui parait absurde tellement on lui a tourné le dos.
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