Fyctia
Carol of the bells/2
Blake
Les guirlandes scintillent autour de nous, et un haut-parleur diffuse une version jazzy de Jingle Bells. Le contraste entre la chaleur de la boutique et le froid qui me ronge de l’intérieur est cruel.
— Ce que je te propose, ce n’est pas de leur faire plaisir, elle continue. C’est de leur prouver à tous à quel point ils ont eu tort de te sous-estimer.
Je secoue la tête.
— T’as pas idée de ce que c’était, Livia.
— C’est toi qui n’as pas idée de ce que toi, tu vaux.
Ses yeux flamboient d’une détermination qui me désarme.
— Tu veux te venger de Ronan ? Alors brille. Montre-lui que t’es intouchable. Que t’es meilleur que lui.
J’inspire, mes doigts sont crispés sur le rebord d’une étagère en bois laqué.
Dans mon esprit, des flashs me reviennent. Les critiques à peine voilées de Ronan. Son sourire narquois quand il disait que mes plats manquaient d’ambition. Ses murmures venimeux, me convainquant que je n’étais rien sans lui. Puis une autre image surgit.
Moi, à Aspen.
Mon nom sur toutes les lèvres.
Mes recettes éblouissant chaque convive.
Ronan, incapable de détourner les yeux, forcé de reconnaître ma valeur.
Moi, savourant ma vengeance.
La vengeance, c’est ça.!
Une lueur dangereuse s’allume en moi.
Je rouvre les paupières et fixe Livia.
Elle attend, patiente, sachant qu’elle a déjà gagné.Je soupire.
— T’es une vraie garce manipulatrice, je finis par dire en secouant la tête.
Elle sourit, radieuse.
— Merci.
Je passe une main sur mon visage.
— Je vais avoir besoin d’un putain de bon whisky.
Elle rit et attrape mon bras pour m’entraîner vers la caisse.
— J’ai justement repéré un bar à cocktails en face. Allez, viens. On a un plan à mettre en place.
Et malgré moi, je me surprends à esquisser un sourire, car elle n’a aucune idée du plan auquel je pense.
Je m’arrête net devant l’entrée du Beaumont Luxuries. Livia me regarde, un sourcil levé.
— Qu’est-ce que t’attends ? On va boire ce whisky, oui ou non ?
Je soupire et secoue la tête.
— J’ai un coup de fil à passer avant.
Elle roule des yeux, mais ne proteste pas.
— Très bien, mais fais vite. Je commande pour toi, j’imagine que tu veux un single malt bien corsé, histoire de noyer tes frustrations ?
— Si tu peux éviter de raconter ça au barman avec ton grand sourire moqueur, ça m’arrangerait.
Elle me fait un clin d’œil et disparaît à l’extérieur, me laissant face aux immenses portes vitrées du magasin.
J’enfonce mes mains dans les poches de mon manteau, trop absorbé par mes pensées pour vraiment remarquer mon environnement.
J’ai besoin d’air.
Besoin d’un instant pour digérer tout ça.
Besoin, surtout, de ne pas exploser.
Je sors à mon tour.
Je suis en train de composer un numéro sur mon téléphone quand une silhouette s’approche de moi. Je m’arrête net en reconnaissant Gabriel Beaumont.
C’est justement lui que je cherchais. Même si je m’apprêtais à appeler sa sœur.
Il n’a pas l’air surpris de me voir. Ce qui est logique, je suppose, puisqu’il est ici chez lui.
Il se tient là, impeccablement vêtu de son long manteau noir par-dessus un pull en cachemire bleu nuit, et des gants en cuir. Un vrai cliché du milliardaire sûr de lui.
Son regard glisse sur moi, amusé.
— Hamilton.
Sa voix est égale, tranquille, comme s’il ne voyait rien d’étrange à cette rencontre impromptue. Mon corps se redresse instinctivement, reprend une posture plus défensive.
— Monsieur Beaumont, je lâche en le vouvoyant à nouveau.
Mon but, effacer toute trace de la familiarité qui s’était installée la veille.
— On est reparti sur du formel, je vois.
— Ce n’était qu’un égarement, je rétorque sèchement.
Un sourire effleure ses lèvres, mais il ne répond rien. Il observe, et c’est pire que s’il avait répliqué. Il m’agace. Il est si indéchiffrable.
— Je vous en prie, ne vous laissez pas distraire. Vous sembliez sur le point de fuir une nouvelle fois, il raille.
Je serre les dents.
— Je ne fuis pas.
— Bien sûr. Vous prenez juste un peu d’élan dans la direction opposée.
Ma main se crispe sur mon téléphone. Ce mec…
— Vous vouliez quelque chose, ou c’est une simple coïncidence ? je grogne.
Gabriel hoche la tête vers l’entrée du magasin.
— Disons que j’ai l’habitude de passer par mes propres magasins. C’est un concept fascinant, je sais.
Un hasard, donc.
Une foutue ironie du sort.
Je pense à lui, aussitôt il apparaît.
Il croise les bras, me scrute avec cette intensité agaçante qui donne l’impression qu’il voit à travers moi.
— On doit parler.
Je le fixe, méfiant. Il me prend de court. Je devais lancer cette réplique.
— De quoi ? je réponds.
— De vous.
Je ris, un rire sans joie.
— Désolé, mais je ne saisis pas en quoi ma vie vous concerne.
— Disons que je suis un homme curieux. Et que j’aime comprendre ce qui motive les décisions des gens.
— Vous voulez comprendre pourquoi je vais refuser ce contrat ?
Il ne cille pas.
— Exactement.
Il est sérieux. Il attend vraiment une réponse.
J’étais censé lui dire que j’acceptais. Mais, pourquoi je suis incapable de prononcer un mot alors qu’il est devant moi ?
6 commentaires
Oswine
-
Il y a 14 jours
Ady Regan
-
Il y a 17 jours
Gottesmann Pascal
-
Il y a 18 jours
Bianka Msria
-
Il y a 18 jours