Fyctia
Nice to meet you-2
Blake
Je n’ai pas besoin de lever les yeux pour savoir qui vient d’entrer.
L’air change. C’est infime, presque imperceptible, mais je le ressens dans chaque fibre de mon être. Comme une onde invisible qui se propage, imposant un nouveau centre de gravité à la pièce. L’espace feutré du restaurant, jusqu’alors baigné dans une chaleur tamisée et des conversations discrètes, semble suspendu dans une attente silencieuse.
L'effluve u bois brûlé dans la cheminée et des épices de Noël, omniprésent depuis mon arrivée, devient insignifiant. Il est remplacé par une autre sensation. Une présence. Une senteur précise, plus travaillée. Une odeur de cèdre et d’agrumes, subtile, mais affirmée. Un parfum de quelqu’un qui n’a pas besoin de parler fort pour être entendu, qui n’a pas besoin de réclamer l’attention pour qu’on la lui donne. C’est entêtant, insupportable.
Quand je lève enfin la tête, c’est encore pire.
Tout en lui m’exaspère.
Son manteau en cachemire noir, coupé à la perfection, tombe avec une élégance insultante sur ses épaules. L’écharpe en laine fine, sûrement hors de prix, est négligemment jetée autour de son cou, comme si elle s’y était posée seule, par pur caprice. Il enlève ses gants en cuir avec une lenteur qui sent la maîtrise. Chaque mouvement est fluide, calculé. On dirait qu'il a répété cette scène un million de fois devant un miroir doré.
Son visage est à l’image du reste. Une provocation en soi.
Des traits ciselés avec une précision presque arrogante. Une mâchoire forte, des pommettes saillantes, une bouche finement dessinée, sur le point de sourire, ou pire, de lancer une remarque mordante.
C’est surtout sa lumière qui m’exaspére.
Il la capte. Où qu’il soit, elle semble s’arrêter sur lui, souligner chaque courbe de son profil. Elle glisse sur sa peau comme si même le soleil se mettait à son service. Ses cheveux blonds, coiffés avec cette négligence savamment maîtrisée, accrochent chaque éclat d’éclairage ambiant. Ils sont miroitants, presque trop parfaits pour être réels.
Et ses yeux, on en parle ? Ils sont d’un bleu clair, glacial et perçant. Un bleu qui ne tremble pas. Il scrute, analyse, décortique sans jamais donner le moindre indice sur ce qu’il pense. Ce n’est pas juste une couleur, c’est une intensité. Un regard habitué à obtenir ce qu’il veut sans avoir à le demander. Il pourrait être la réincarnation moderne d’un prince de fucking conte de fées. Et il sait qu’il en a l’allure, ça, c’est le pire.
Il m’agace !
Un serveur ralentit en le voyant passer. Il hésite une fraction de seconde, puis rebrousse chemin, comme s’il avait compris par instinct qu’il ne faut pas déranger ce genre de personne. June, elle, s’illumine aussitôt. Moi, ma mâchoire se décroche quand elle l’interpelle.
— Gab ! Tu as trouvé une place ?
L’homme, Gabriel je suppose, ne répond pas tout de suite. Il finit d’ouvrir son manteau, défait un bouton, puis deux, avec cette désinvolture qui donne envie de renverser son café juste pour voir s’il garde son flegme. Il relève la tête, pose un regard sur sa sœur, et sa voix grave brise le silence.
— J’ai failli renoncer et acheter l’hôtel, il lâche ironique. Heureusement, j’ai trouvé une place entre deux SUV volumineux.
Pauvre bichon. Tu veux un mouchoir ?
Enfin, il me voit. Et c’est comme si, d’un coup, la tension ambiante changeait. Elle passe d’électrique à plus acérée.
Ses yeux se posent sur moi, m’analysent avec une lenteur exaspérante. Il me scanne de haut en bas, une évaluation silencieuse qui me donne envie de lui renvoyer son regard en pleine figure. Puis, lentement, son sourire s’étire.
— Tiens, tiens.
Sa voix grave résonne dans le restaurant, et un frisson me parcourt.
Je n’aime pas ce sourire.
Trop tranquille. Trop sûr de lui.
Il s’installe face à moi, s’accoude à la table, et prend tout son temps avant de lâcher, d’un ton affreusement satisfait.
— On se retrouve, Mister Sapin mal taillé.
Je sens mes muscles se contracter, ma mâchoire se serrer.
Putain.
9 commentaires
Oswine
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Il y a 14 jours
Ady Regan
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Il y a 21 jours
Mapetiteplume
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Il y a 23 jours
Gottesmann Pascal
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Il y a 23 jours