Fyctia

Blake

Je garde mon expression neutre et prends mon temps avant de répondre.

— Quelle joie, vraiment, je dis avec un flegme maîtrisé. J’espérais retrouver mon sapin de Noël préféré.

Gabriel rit. Un rire bas, traînant, avec cette note de suffisance qui me donne aussitôt envie de grincer des dents.

— C’est toujours un plaisir de voir quelqu’un apprécier les fêtes de fin d’année, il ricane.

Oh, il y a erreur sur la personne, face de poulpe. 

Je devine déjà que le type ne m’embauchera jamais après l’altercation du parking. Alors, autant en profiter.

— Moi Noël, je l’aime juste pour un feu de joie à la fin.

Un sourire étire ses lèvres, lentement. Un sourire de prédateur qui sait exactement ce qu’il fait. Son regard capte le mien et je sens le poids de sa présence s’imposer comme une évidence. Pas le genre d’homme qui occupe l’espace par la force, non. Plutôt celui qui s’installe dans une pièce comme s’il en était déjà le maître.

Je refuse de cligner des yeux.

Nous sommes au bord d’un précipice invisible, chacun jaugeant l’autre, testant les limites. L’électricité est tangible, une vibration sous la surface.

June secoue la tête, amusée.

— Gabriel, laisse Blake respirer. Tu vas lui faire peur.

Gabriel arque un sourcil.

— Oh, mais il ne m’a pas l’air du genre à se laisser impressionner, il murmure en me scrutant.

Il veut jouer à ça ? Très bien.

— Vous me surestimez, Monsieur. J’ai juste l’habitude des types qui aiment s’écouter parler.

Un éclat traverse ses yeux, un mélange d’amusement et de défi.

La tension danse entre nous, légère, mais affûtée comme la lame d’un couteau.

June, inconsciente de l’intensité qui s’installe, intervient à nouveau.

— Arrête tes bêtises, Gab. Je veux que tout se passe bien entre vous deux. Blake est celui qui va sauver mon mariage.

Je fronce les sourcils.

— Ton mariage ? Ce n’est pas plutôt votre mariage ?

Gabriel me jette un regard moqueur, mais c’est June qui répond en riant.

— Oh non, pas le nôtre. Gabriel finance, il n’est pas le marié.

Je cligne des paupières.

— Attendez… vous n’êtes pas… ?

— Non, souffle Gabriel. Dieu merci. June est ma petite sœur.

Je laisse mes yeux glisser de l’un à l’autre, cherchant la ressemblance. Elle est là, dans l’assurance naturelle, la manière dont ils s’intègrent sans effort à l’espace autour d’eux.

Gabriel Beaumont.

Le nom claque dans ma tête, une révélation brutale. Gabriel Beaumont, Pdg de Beaumont Luxuries. L’un des hommes les plus puissants du Colorado. Je me raidis, et crispe les mâchoires.

— Alors qui est le futur marié ?

June ouvre la bouche, mais avant qu’elle ne puisse répondre, la porte du restaurant se fait entendre dans un grincement.

L’air froid s’engouffre à nouveau, mordant. Un frisson court le long de ma nuque.

Un homme entre.

Le bruit des conversations s’estompe, remplacé par un silence tendu, artificiel.

Une nouvelle fois, je le sens avant même de le voir. La posture assurée. La démarche fluide, trop décontractée pour être sincère. Une ombre qui s’étire sur le parquet ciré, s’approchant lentement de notre table.

Puis, le visage apparaît, et c’est le choc.

Un instant de latence.

Ma gorge se serre. Mon estomac se tord si violemment que j’ai l’impression qu’un poing invisible vient de me frapper.

Non !