Fyctia

Gabriel

— Pardon ?

Il me scrute comme si je venais de tomber du ciel, puis secoue la tête, agacé.

— Tu veux une version plus claire, monsieur costume hors de prix ? Il pointe ma voiture d’un geste sec. T’as failli me rentrer dedans avec ton bolide de frimeur !

Je le fixe, incrédule.

— J’étais déjà en train de me garer !

Je désigne la place d’un mouvement du menton, mais il ricane et hausse un sourcil, blasé et arrogant.

— Ah ouais ? Parce que moi, j’ai vu un type en Porsche hésiter trois secondes, alors j’ai pris ma chance.

Je lève les yeux au ciel, exaspéré.

— Hésiter ? Je mettais mon clignotant !

Il lève les mains, faussement désolé.

— Oh, pardon. J’ai dû rater ton signal royal pendant que je me débattais avec la réalité.

— C’est-à-dire ?

Il souffle bruyamment, croise les bras et me jauge un instant avant de lâcher :

— C’est-à-dire que j’ai appris hier que mon psychopathe d’ex se mariait. Avec une fille parfaite. Une gentille femme, adorable, qui fait du yoga et des tartes maison.

Son sourire s’élargit… mais son regard trahit une colère à peine maîtrisé.

— Et moi ? Je me retrouve à galérer avec une bagnole qui menace de rendre l’âme à chaque feu rouge. Alors, ouais, j’ai pas le temps d’hésiter.

Je le scrute, pas certain de deviner comment réagir.

— D’accord… et en quoi c’est une excuse pour me piquer ma place de parking ?

Il émet un rire sec, sans joie.

— Tu sais ce que ça fait d’apprendre que l’homme avec qui tu as partagé des années t’a remplacé par une version améliorée et plus fine de toi-même ?

Je hausse un sourcil.

Honnêtement ? Vu son attitude, son ex n’avait peut-être pas tout à fait tort… mais je tiens à ma vie, alors je me retiens de le dire à voix haute.

— Tu veux vraiment que je réponde à ça ?

Ses yeux verts se plissent.

— T’as pas l’air du genre à t’être déjà fait larguer.

— Et toi, t’as pas l’air du genre à laisser passer une opportunité d’avoir le dernier mot.

Il esquisse un sourire en coin.

Un sourire qui a le culot de me plaire.

— Un point pour toi, face de poulpe. J’aime bien avoir raison.

Je lâche un rire, malgré moi.

— C’est quoi cette insulte, d’ailleurs ?

Il hausse les épaules.

— Je suis trop poli pour dire ce que je pense vraiment.

— Et pourtant, t’as l’air de bien t’en sortir.

Il recule d’un pas, ajuste son bonnet et attrape son sac posé sur le siège passager de sa voiture.

— Bref. Profite bien de ta journée.

— C’est ça, laisse-moi planté ici après m’avoir volé ma place.

— Exactement. Il me jette un regard en biais, faussement compatissant. Dis-toi que c’est comme quand tu repères un magnifique sapin de Noël. Tu arrives pour l’acheter, et il ne reste plus que celui qui est tout tordu, tout seul dans son coin. La star est déjà partie. Pouf, envolée.

Je croise les bras sur ma poitrine.

— Donc, moi, je suis le sapin mal taillé ?

— Précisément. Son visage est un pur chef-d’œuvre d’insolence. Et maintenant, faut assumer.

Je le regarde s’éloigner, tranquille, comme si rien ne s’était passé. Ses boots s’enfoncent dans la neige molle, ses mèches brunes dansent au gré du vent glacial.

Je devrais être furieux.

Il vient de m’insulter, de me voler ma place, et de me clouer le bec avec un aplomb qui défie l’entendement.

Mais au lieu de ça… Un sourire étire mes lèvres.

Putain.