Fyctia

La vie a repris son cours. J'ai fini mon année de terminale. Je l'ai réussi. J'ai changé d'idée pour mon avenir. Je fais maintenant des études en psychologie, je suis active sur les réseaux et j'essaie de monter ma propre association de lutte contre les agressions sexuelles.

J'avance dans ma vie, j'oublie peu à peu le passé. Oublier n'est pas le bon mot. Je le mets de côté. J'essaie de penser à autre chose tout en laissant le passé me guider dans mes choix et mes actions.

Il m'impacte encore. Parfois, quand je suis avec Max, je ne suis pas capable de supporter certains gestes, certaines paroles. Ça n'a pas l'air de le vexer. Il a compris que j'ai besoin de temps pour moi. Et c'est grâce à lui que j'en suis là aujourd'hui.

Pour David, je n'ai plus à m'en faire. Il est en prison et purge une peine de trois ans encore. D'ici-là, il aura disparu de ma vie.

Maintenant, cinq ans après, en train de cuisiner, je souris à ces souvenirs. La porte s'ouvre et des bras viennent m'enlacer par derrière et les mains se posent sur mon ventre arrondi. Quelques kilos en plus, qui m'ont remplumés, comme me dit Maxym. Lorsqu'il pose ses mains dessus, je pose les miennes par-dessus et guide les siennes vers les petits coups de pied qui me martyrisent. Je sens son souffle chaud dans mon cou. Il sourit.

— 6 mois, hein. Bientôt petit bébé sera là, murmure-t-il au creux de mon oreille.

— Oui. Faut vraiment qu'on se mette d'accord sur un prénom, je crois qu'il va sortir en creusant un trou à force de me frapper, rigolé-je.

— Que dirais-tu de Eden ?

Je prononce son nom lentement, et souris. Oui, il me convient.

♪♪♪

Je m'étais informée sur l'accouchement. Je savais que ça allait faire mal. Je n'imaginais pas que ça allait autant faire mal. Mais en tenant mon petit garçon dans les bras, la douleur a disparu. Il ne reste plus que de l'amour. De l'amour pour lui. De l'amour pour ma mère qui m'a soutenu. De l'amour pour mon père, qui attend derrière la porte. De l'amour pour mon conjoint. Cet homme qui est conjoint, ami, père.

Mon petit bébé.

Mon petit garçon.

Mon fils.

Eden.

♪♪♪

— Allez Eden, viens vers maman ! lui dis-je.

Mon petit garçon, maintenant âgé d'un an, se tient accroché à sa cuisinette en bois. Il me regarde surpris. Dans ses mains, il tient deux jeux et essaye d'en attraper un dernier.

—Eden, l'appelé-je, viens.

Il fait un pas vers moi. Je souris. Derrière lui, son père reste proche, au cas où. Je me souviens parfaitement de la première fois où il a tenté de marcher, mais il est tombé en arrière et s'est ouvert la tête contre un meuble. On a dû l'emmener à l'hôpital – plus parce que je suis trop protectrice envers mon premier enfant.

Il enchaîne les pas. Deux. Trois. Quatre. Il tombe sur les fesses.

— Bravo mon chéri !

Je souris à Maxym. Il me rend mon sourire. Je l'embrasse. Il me rend mon baiser.

Finalement, le coup de foudre, ça existe.

Finalement, l'amour, ça existe.