Fyctia
Chapitre 4 ♪ Stella
— C'est mon frère.
J'ai l'impression que l'écho résonne dans la pièce. Un écho interminable. C'est le frère de papa. David est le frère de papa. Papa connait David. David connait papa. Ils ont vécu ensemble une partie de leur vie.
Je me lève de ma chaise. Elle tombe en arrière. Maman se lève à son tour.
— Lala, murmure-t-elle.
Non. Non, je ne peux pas y croire. Non. Non, je ne veux pas y croire. Non, c'est impossible.
— Lala, s'il te plaît, parle nous, dit papa.
Je ne suis pas capable d'articuler un mot. Je ne suis pas capable de dire quoi que se soit. Mes pensées sont figées.
Et sans même voir le regard désespéré et inquiet de maman et papa, je sors dehors. J'enfile mes chaussures et attrape mon téléphone avant de sortir. Derrière moi, maman fait pareil. Papa aussi.
— Lala ! Reviens !
Je ne sais pas c'est lequel des deux qui a crié. Tout ce que je sais, c'est qu'il faut que je m'éloigne. Il faut que je parte loin d'ici. Alors je cours. J'emprunte les raccourcis que je connais, je zigzag, je les fuis. Je ne veux pas parler. Je ne veux pas voir leurs regards. Je veux juste partir, m'éloigner, réfléchir à tout ça.
Je ne sais pas combien de temps je cours, ni même à combien de kilomètres je suis de chez moi. Je suis loin. Et plus personne n'est derrière moi. Il n'y a que des passants qui me jettent un coup d'œil avant de retourner à leur activité.
Il est 22 heures, d'après l'horloge dans un centre commercial, lorsque je me décide à m'arrêter. Et maintenant, que je suis seule, maintenant que je suis perdue, maintenant, je pleure. Les larmes sortent, me brûlent les yeux. J'essuie ma morve dans la manche de mon tee-shirt. Je pleure à en suffoquer. Je pleure à m'en écrouler par terre. Je pleure sans que personne ne vienne me déranger. Je suis seule. Et je l'ai toujours été. Je pleure pendant tant de temps.
Lorsque je me réveille, le soleil est haut dans le ciel. Neuf heures, je pense. Et je suis toujours dans cette rue. La même qu'hier. J'ignore son nom. Mes yeux sont secs, j'ai mal au dos. Dormir à même le sol n'est pas confortable par rapport au lit que j'ai chez moi.
Chez moi... Je me souviens de l'existence de mon téléphone dans ma poche et le sort. Des dizaines d'appels en absence de maman et papa. Des centaines de messages, certains qui n'ont aucun sens. Je ne clique sur aucun. Je n'ai pas encore digéré tout ça. Tout ce qui s'est passé hier soir.
Le ventre gargouillant, je marche dans les rues de Paris, je traîne des pieds.
Avenue Montaigne.
Je m'arrête net. Je reconnaîtrais cette avenue entre mille. Ce n'est pas bien difficile de la différencier des autres. Ici, le seul mot pour parler de cette avenue, c'est Richesse. Les arbres bordent la route. Les magasins sont tous plus luxueux et plus beaux les uns les autres. Les passants sont calmes, professionnels. La rue est propre. C'est l'avenue Montaigne. Le luxe est présent partout ici.
Je déambule sur les pavés, me sentant de trop dans cet environnement relativement propre. Mais je ne peux pas m'empêcher de m'émerveiller. Cette vie à laquelle plusieurs centaines de personnes ont accès dans le monde, moi, je n'y aurais pas accès. Jamais.
Jusqu'à ce que je le vois. Et, oh mon dieu, je rougis. Et, oh mon dieu, je tente d'avoir une tenue présentable, malgré mes cheveux emmêlés, mes yeux cernés et mes vêtements sales. Mais il ne me voit pas. Il entre dans une boutique, et moi, je reste coincée sur le trottoir. Je l'observe.
Maxym.
Jusqu'à temps qu'un passant me bouscule. Il grogne, mais cela suffit pour me distraire du garçon qui fait battre mon cœur et pour prendre précipitamment une autre avenue. Non, je ne devrais pas l'aimer. Non, je ne devrais pas être ici. Non, je n'aurais pas dû réagir comme ça. Mais, oh mon dieu, comment se fait-il qu'il soit entré dans Yves Saint Laurent ? Est-il issu de la population riche ? Serais-je tombée amoureuse d'un fils à papa et maman ? Non, je ne peux même pas y penser. Je ne dois pas y penser. Il est hors de question que cet inconnu – ce bel inconnu – rentre dans mon cœur et mon esprit. Et encore moins dans ma vie ! Je devrais lui livrer mes pensées, ma vie, mon passé. Je devrais lui présenter ma famille, le laisser rentrer dans ma maison, dans ma chambre. Non, hors de question.
Mon cerveau débat.
Aime le.
Oublie le.
Retourne y !
Fuis cette rue !
Regarde ses beaux yeux verts...
Regarde le sol.
Et ses fossettes quant il sourit...
Baisse la tête.
Oh ! Et ses lèvres...
STOP !
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