Fyctia

Quand je reviens à moi, Maxym a fini de se présenter. Ma respiration est saccadée. Le professeur m'observe et lève un sourcil interrogateur. Je lui sourit faiblement. Il s'en va.

Autour de nous, peu à peu le silence se fait, et la sonnerie retentit. Prochain cours dans quinze minutes. Je me lève, tremblante. Alors que je me dirige vers la porte, le professeur me fait signe de le rejoindre à son bureau. J'avale difficilement ma salive.

- Stella, j'ai vu que ça n'allait pas, tout à l'heure. Souhaites-tu m'en parler ? me demande-t-il d'une voix douce lorsque tous les autres sont partis.

J'hésite. Je ne peux pas lui dire. Il ne doit pas savoir. Mais en même temps, il pourra peut-être m'aider. À surmonter tout ça. À oublier.

- Je... Pas tout de suite, je lui dis finalement.

Ce n'est pas un non. Ce n'est pas un oui. Pas tout de suite. Plus tard.

- N'hésite pas, à n'importe quel moment tu peux me parler. La sécurité et le bien-être de mes élèves sont importants.

Il n'a pas insisté. Et je l'en remercie intérieurement.

Je me rends à mon casier, les joues encore rouges, les mains moites. Avancer. Un pas après l'autre. Faire attention à ceux qui sont sur le chemin. Mettre un pied devant l'autre. Avancer. Et oublier.

J'ouvre le cadenas et y récupère mes affaires pour le cours de philosophie. Une de mes matières préférées. Je referme mon casier et m'apprête à partir, mais je m'arrête net. Devant moi, il y a Maxym.

Il m'observe, il attend. Quoi ? Je ne sais pas.

— T'es devant mon casier, me dit-il.

Je me décale d'un pas, les joues rouges. Il faut toujours que je me retrouve dans les situations les plus embarrassantes.

Je ne sais pas ce qu'il m'arrive avec lui, mais il me procure des sensations étranges. Des sensations que j'aimerais mieux ne pas ressentir. Il faudrait que je les ignore. Mais dès qu'il est dans les parages, ils reviennent à la charge. Un petit courant électrique. Des frissons. Mon cœur qui bat plus fort. Mes joues qui rougissent. Je les connais, ces effets. Et je m'interdis d'y penser. De penser à lui. Je ne peux pas. Je n'ai pas le droit. Je ne le connais pas. Et le coup de foudre n'existe pas. L'amour non plus. Ce n'est qu'un mythe. Ça n'existe pas.

Alors comment tes parents t'aurait mis au monde ?

L'amour existe, ok. Mais pas pour moi. L'amour n'est pas fait pour moi. Je ne veux pas en ressentir. Je ne peux pas en ressentir. C'est tout. Simple. Facile à comprendre. Mais difficile à vivre. À appliquer.

En philosophie, le professeur parle, nous répète son discours de bienvenue. Sa voix est longue et monotone. Je divague dans mes pensées. Et ça ne me ressemble pas. Un coup de pied dans la cheville me ramène à la réalité. Je peste intérieurement. Qui a osé me frapper ?

Je me tourne vers le coupable et reste bouche bée. Encore lui. Je ne peux décidément pas lui échapper.

Maxym.

— Ferme ta bouche, je peux te garantir qu'une mouche a pas bon goût du tout ! me dit-il.

Hein ? Quoi ? D'où me sort-il ça ?

Il se détourne, visiblement gêné.

— Désolé, me dit-il après un court silence. J'aurais pas dû dire ça, je sais pas ce qui m'a pris.

Je ne réponds pas. Devrais-je ? Mais je m'interdis de parler aux garçons, d'entretenir la moindre relation avec eux. Sauf avec papa. Les autres, je les considère tous comme des potentiels David. Gentils en apparence, horrible à l'intérieur. Bien à l'extérieur, à vomir dans leur cœur.

Devrais-je vraiment considérer tout le monde comme David ? Me renfermer juste à cause de lui ? Faire vivre l'enfer aux autres à cause de lui ? Ne plus avoir de vie sociale à cause de lui ? Mourir à petit feu à cause de lui ?

— Bella ?

Je me retourne vers Maxym, l'esprit chamboulé. Il m'a appelé par mon nom de famille ?

— Je t'ai posé une question.

— Je... Hum.... J'ai pas entendu.

Je plains ma voix aiguë. Il y a trop de vulnérabilités.

— Tu viens d'arriver ici ? répète-t-il.

Je hoche la tête.

Parler le moins possible. Communiquer en signe dès que possible. Éviter tout contact physique. Tout ce qui pourrait m'attirer dans un piège.

— Donc... T'as pas encore d'amis ?

Manque de tact évident.

Mais je ne m'en préoccupe pas.

Je hoche la tête.

— Mon pote a une copine qui a pas trop d'amis aussi parce qu'elle vient d'arriver. Si tu veux je peux te présenter à elle ?

Je manque un battement de cœur.

Une amie. Une fille. Qui est dans ma situation aussi. J'accepte ? J'accepte pas ?

J'accepte.

Et il sourit. Un petit sourire en coin. Mais qui illumine légèrement ses yeux. Et qui me fait frissonner. Je ne devrais pas réagir de cette manière. Ce n'est qu'un inconnu. Et cette future amie aussi.