Fyctia

Oh mon dieu ! Pourquoi lui ai-je adressé la parole ? Pourquoi ai-je plaisanté avec cette histoire de mouche ? Et pourquoi lui ai-je proposé d'être amie avec Lexia ? Lexia, c'est Lexia. Elle attire les regards avec ses cheveux blonds or et les yeux toujours pétillants, son charme sans pareil... Mais elle a surtout du caractère. Et ça ne plaît pas à tout le monde. Lexia, c'est le genre de fille qui est soit amie avec quelqu'un, soit son ennemi. Soit tu l'apprécie, soit tu la détestes. C'est une fille particulière. Mais elle est vraiment gentille, drôle et amicale. Je pense que les deux pourraient bien s'entendre, mais bon... C'est Lexia... Et elle pourrait être offensée que je lui présente quelqu'un en disant qu'elle est nouvelle comme elle.

En me dirigeant vers mon casier, justement, je la croise. Elle embrasse Enzo. Ouais, ils sortent ensemble. Et moi, je suis célibataire. Trop occupé à... À... À ne pas dire ce que je ressens. À construire un mur contre mes sentiments, malgré moi.

Je m'avance et leur fait un signe de main.

- Lexia, je... Hum, il y a... Je peux te parler en privé ? Deux secondes ? finis-je par dire.

Elle me suit un peu plus loin et je lui explique la situation.

- Il y a une fille dans ma classe qui vient d'arriver et... Hum, je pensais,... Je lui... Je...

- Tu lui a parlé de moi, devine-t-elle.

Sa voix douce résonne à mes oreilles. Je ne le cacherai pas que je l'ai aimé. Lexia est une fille magnifique. Mais elle n'éprouvait que de l'amitié pour moi. Alors, on est restés amis. Enzo est au courant. Mais je ne pense pas qu'il m'en veuille. Ou, tout du moins, il ne me le montre pas.

Je hoche la tête, et après quelques secondes, elle fait de même.

- D'accord. Je vais aller la voir. Elle est où ?

Justement, elle vient d'arriver à son casier. Et lorsqu'elle se retourne, je suis là, encore une fois, nez à nez. Elle recule et bafouille, gênée, mais ne se déplace pas pour autant.

- T'es devant mon casier, je lui fais remarquer.

Elle rougit encore plus et s'enfuit, presque en courant. Je me tourne vers Lexia.

- C'est elle, Stella Bella.

- Jolie étoile, dit-elle en souriant.

J'ouvre mon casier, trouvant une excuse pour me dissimuler au regard de Lexia et Enzo, qui vient de nous rejoindre. Non, je ne l'aime pas. Elle me procure des sensations bizarres. Je ne sais pas qui elle est, mais c'est étrange avec elle.

Nous allons déjeuner à notre table habituelle, et en arrivant Lexia part, moitié marchant, moitié courant, vers un coin de la salle. Enzo et moi la suivons du regard, avant de comprendre que Stella est là-bas, l'air perdue. Nous allons nous installer, et observons les deux discuter. Lexia sourit gentillement à Stella, et cette dernière affiche d'abord une expression angoissée, puis de la perplexité et enfin un sourire illumine légèrement son visage. Puis, elles se dirigent vers nous.

Stella ne dit rien, concentrée sur son repas.

- Alors... Comme ça, tu es nouvelle ? interroge Enzo.

Elle relève la tête et répond d'un hochement de tête.

- T'étais où avant ?

- Au lycée Chaptal, répond-t-elle. Je voulais changer d'établissement.

Lexia et Enzo continuent de l'interroger, elle leur répond de plus en plus facilement. Et moi, je dérive dans mes pensées. Pourquoi sont-ils capables de discuter avec elle sans difficultés ? Pourquoi, moi, ne suis-je pas capable de parler avec elle sans bégayer, devenir rouge ou remettre en question chacune de mes phrases ? Y a-t-il un problème avec moi ?

- Youhouuuuu ! Max, t'es là ? Allo allo ! crie Lexia à quelques centimètres de mon oreille.

Je sursaute et m'aperçois que toute la table me regarde. Merde. Ils ont dû me poser une question. Qu'est-ce que je réponds ? Je vais me foutre la honte totale !

- Tu viens à la soirée que ta copine organise ? me redemande Enzo.

Ma copine ? Ah oui ! Merde. Je ne leur ai pas dit pour Esther et moi. Du coup, ils pensent encore qu'on est ensemble, alors que c'est fini depuis une semaine.

- Ta copine ? demande Stella.

Dans ces yeux, il y a une sorte de petite étincelle. Pas de joie, pas de peur, de... Je ne sais pas quoi. Le ton sur lequel elle a posé ces deux mots, me fait tressaillir. Il y a... On dirait qu'il y a de la déception et peut-être même de la colère, je crois.

- Il sort avec Esther, la fille là-bas, lui indique Lexia.

Sans aucune discrétion, ils tournent tous les trois la tête d'un coup. Je me cache derrière mes mains, jouant avec ma fourchette dans mon assiette de pâtes. Pitié, un éléphant qui pénétrerait dans la cafétéria aurait moins attiré l'attention que leurs regards ! Alors, bien évidemment, Esther tourne la tête vers nous, et voyant mes amis, elle se dirige vers nous.

- Coucou Maxou ! glousse-t-elle.

Puis elle me pose un baiser sur la joue avant de rejoindre son groupe d'amis. Dont Nolan. Je la suis du regard, à la fois furieux et nostalgique. Elle me manque, oui. Même si notre relation n'était qu'une façade, je l'ai réellement aimée, moi. Quand je reviens à la réalité, Stella mange silencieusement. Je ne sais pas à quoi elle pense, mais son expression a changé du tout au tout en l'espace de quelques minutes. À cause d'Esther. Quoi ? Pourquoi ? Serait-elle jalouse ? Je ne pense pas. Mais après tout, tout le monde est jaloux d'elle. C'est LA fille.

Le reste du repas se déroule en silence de son côté. Je tente de faire la discussion avec les autres, mais Esther remplit mes pensées. J'aurais dû m'affirmer, lui dire que je ne lui appartient plus. J'aurais dû le dire à Enzo et Lexia. J'aurais dû... J'aurais dû faire tellement de choses. J'aurais dû être quelqu'un d'autre, être mieux et ainsi, j'aurais gardé Esther. Elle ne serait pas partie voir ce Nolan.

L'après-midi me parait morose. Avant, je ne voyais que très peu Esther. À présent, j'ai l'impression qu'elle est à chaque coin de couloir. Avec Nolan. Toujours collé à lui. Toujours en train de l'embrasser avidement, comme si sa survie en dépendait. Avant, c'était moi à la place de ce gars. Avant, c'était moi qu'elle embrassait comme ça.

Lorsque je sors de l'école, les rues sont inondées. Il pleut des cordes. Mais je m'en fiche. Ça représente mon humeur. La capuche relevée, le sac sur les épaules, je me fraye un chemin parmi les autres élèves, espérant passer inaperçu afin de rentrer chez moi et me cloîtrer dans ma chambre. Râle l'bol des questions. Et de Esther. Et demain je vais devoir aller à cette foutue soirée. Même pas en rêve. Je vais trouver une excuse.