Fyctia
Chapitre 1 ★ Maxym
Enzo, Loïc et moi rigolons encore de la petite, qui m'est rentré dedans.
— Elle a dû voir un beau tas de muscles, rigole Enzo.
— Elle avait l'air perdue, fait remarquer Loïc. On aurait peut-être dû lui demander de l'aide.
— Elle était sûrement plus gênée que perdue, je lui dis.
Mes amis réfléchissent déjà à qui va être dans leur classe. Moi, je stresse. Je redouble ma terminale. Tous les petits de l'année dernière sont avec moi. Les «nuls», comme j'appelais ceux qui redoublaient, j'en fais partie maintenant. Heureusement que Enzo, mon meilleur ami a un an de moins que moi. C'est grâce à lui que j'ai fait la connaissance de Loïc. C'est déjà pour moi un point rassurant. Je ne serai pas seul.
Lorsque nous pénétrons dans la salle de classe, je reste figé sur le seuil en apercevant deux personnes: en premier, mon professeur de français de l'année dernière. Lui aussi me reconnait. Il m'adresse un petit signe de tête et fronce les sourcils avec une question muette. Qu'est-ce que je fais ici ? Je l'ignore. Je n'ai pas envie d'admettre que toutes ses aides pour m'améliorer au niveau de ma langue natale, je les ai laissées sur le banc de touche. Je n'y ai pas accordé la moindre importance. Il avait pourtant été le seul professeur à croire en moi, lorsqu'il a vu que mes moyennes ne dépassaient pas les 40%. Il avait pourtant tout fait pour m'aider. Et moi, j'avais jeté ça comme un bout de papier. Ouais, c'est ma faute si je me retrouve ici, aujourd'hui. Et malgré que je ne tienne jamais une résolution plus de trente secondes, je me promets de passer cette année, d'accepter toute l'aide qu'on pourra m'apporter.
Mais dès que je la vois, elle tombe à l'eau. Elle. Elle me regarde, les yeux grands ouverts, avant de détourner précipitamment le regard, les joues rougies par la gêne.
— Hé ! Max, c'est la petite ! me fait remarquer inutilement Loïc.
Je me dirige vers le tableau et cherche mon nom.
Je rate un battement de cœur. Encore elle. À côté de moi. Stella Bella. Stella. Jolie étoile.
Non. Non. Non. Je ne peux pas penser à elle comme ça. J'ai dix-huit ans. Elle en a dix-sept. Et on ne se connait pas. Et surtout, je ne l'aime pas. De toute façon, même si c'était le cas, ça ne marcherait pas entre nous. Elle est bien trop... Tout ce que je ne suis pas. Et je ne pourrais pas lui montrer mes sentiments. Alors non. Non. Non.
Avant qu'un de mes amis ait l'idée de poser une question à laquelle je ne veux pas donner de réponse, je me dirige à ma place, et m'assois. M'avachit, serait le terme le plus exact, si j'en crois la phrase que me répétait sans cesse mon professeur l'année dernière !
La deuxième cloche retentit et les élèves se taisent. Monsieur Ribel se présente. Son discours m'ennuie. Sa voix est trop douce. Et ses paroles, je les ai entendues l'année dernière. Une fois, ça suffit.
Alors je divague. Je pense à ce que serait ma vie, si je n'avais pas redoublé. Qui auraient été mes camarades ? Je ne connaîtrais sans doute personne, car je ne serais plus au lycée. Je serais sûrement à l'université pour devenir avocat. C'est ça mon rêve. Soutenir les victimes qui portent plainte. Les aider à rendre justice. Je veux être utile à des gens, pouvoir faire le bien dans ce monde où tout n'est pas rose comme on le pense lorsqu'on est enfant. C'est à Gide que je veux postuler. C'est un cabinet d'avocat réputé. Le meilleur à Paris.
— Maxym, je sais que tu connais mon discours, mais si tu veux éviter de redoubler une seconde fois, tu ferais mieux de commencer par écouter, même les choses les plus ennuyeuses, et celles que tu connais.
Je sursaute, et ma chaise, que je maintenais sur deux pattes, tombe en arrière. Je finis sur le dos, les joues rouges de honte et un mal de tête. Quand je me redresse, les visages sont tournés vers moi. Loïc et Enzo rient de moi.
— Oui monsieur, je réponds en me relevant.
La petite que j'ai bousculé – Stella – a une main posée sous son menton et lorsque nos regards se croisent, ses yeux pétillent. Je suis cramoisi. Le professeur continue son discours, j'essaie de rester concentré. Mais c'est dur. C'est lassant d'entendre ma même chose que l'année dernière. Bla bla bla, je serais là pour vous toute l'année. Bla bla bla, il y aura un examen à la fin de l'année. Bla bla bla. Tout ça, je le connais. Alors forcément, je divague. Mais un coup de pied dans la cheville me ramène à la réalité.
Stella regarde le professeur, semblant boire ses paroles. Pourtant, sa jambe est déplacée vers la droite. J'ouvre la bouche pour la remercier, mais aucun mot n'en sort. Je me reconcentre. Le professeur nous sort déjà quelques papiers et les distribue. Lorsqu'il arrive à mon bureau, il s'arrête et me regarde droit dans les yeux.
— Maxym, cette année, tu dois réussir. Gide ne va pas embaucher un mec qui redouble soixante fois sa terminale. Ce qu'ils veulent, c'est la perfection. Et tu peux y arriver. Il te faut juste arriver à te concentrer et surtout, à travailler. Je peux t'aider si tu veux, mais il faudrait que mes aides servent à quelque chose.
Je hoche la tête. Il a su mettre le doigt sur le point sensible. Et je sais qu'il a raison. Plus je redouble, moins j'ai de chance d'intégrer le cabinet.
6 commentaires
Alice.M
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Il y a 3 mois
Naelly2023
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Il y a 3 mois
Angel Guyot
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Il y a 4 mois
Naelly2023
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Il y a 4 mois