Naelly2023 Reasons why... Prologue ♪ Stella

Prologue ♪ Stella

C'est presque fini...


Les mains au-dessus de la tête, mes cheveux relevés sur l'oreiller, les yeux crispés et fermés, les dents me mordant les lèvres pour ne lâcher aucun cri. Je ne lui ferai pas ce plaisir. Pas celui-là en tout cas. Ça lui ferait trop plaisir.


Bientôt délivrée...


Une larme s'échappe de mon œil droit. Elle coule, je sens son goût salé s'écraser dans le coin de ma bouche. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ça lui ferait trop plaisir. Je ne veux pas qu'il se sente supérieur. Qu'il sente qu'il a gagné. Même si c'est déjà fait.


Pleurer, mais pas tout de suite.


Seulement quand il sera parti. Je pourrais me libérer à mon tour. Je pourrais pleurer. Mais là, non, je n'ai pas le droit. Ça lui ferait trop plaisir.


- Allez, Lala, détends-toi, tout va bien, me susurre-t-il à l'oreille.


Me détendre... Non, je ne veux pas. Et je ne peux pas. Et je n'y arrive pas.


Son souffle chaud se propage dans mon cou, je frissonne. De désarroi ou de peur ? Je ne sais pas.


- Lala, tu pleures ? continue-t-il de me murmurer. Ouvre les yeux, ça ira mieux, tu verras.


Je les crispe encore plus. Ne pas les ouvrir. Ne pas les ouvrir. Ne pas les ouvrir. Il ne veut que ça. Voir mon regard brisé, mes yeux rempli de larmes non échappées. Ça lui ferait tellement plaisir. Et je ne veux pas le lui donner.


Alors je m'enfuis, loin de tout ça. Je cours, je gambade, l'herbe verte sous mes pieds, le soleil sur ma peau. Je cours, je pars très loin de tout ça. Je fuis dans un monde que je ne connais pas, un monde où il ne serait pas là, où je ne risquerais plus rien. Je cours. Je plie bagage. Je vis la vie que je ne peux vivre là où je suis. J'imagine. Je pars dans mon esprit, je me recule le plus profondément, là où il fait toujours nuit.


Et j'attends.

J'attends qu'il parte.

J'attends qu'il laisse mon corps froid dans ce lit qui n'est plus mien depuis tant de nuits.


J'attends.

Encore.

Inlassablement.


J'attends.

Et mon esprit répète en boucle des paroles pleines de douleur, de colère, de tristesse, de mots non-dits et qui ne seront jamais dits.


Va-t'en.

Va-t'en.

Va-t'en. Va-t'en. Va-t'en. Vatenvatenvaten.


Quand je reviens à moi, je ne saurais dire combien de temps s'est écoulé. Un instant ? Une minute ? Une heure ? Tout ce que je sais, c'est qu'il n'est plus là. Je peux sentir l'air sur ma poitrine, mes cuisses, mon ventre. Je peux inspirer et expirer, plus rien ne bloque ma respiration. Son souffle chaud n'est plus dans mon cou. Il n'y a plus aucun bruit. Seulement le son de ma respiration lourde et rapide.


Il est parti.


Mon corps se relâche doucement. Mes doigts lâchent mes paumes, laissant couler quelques gouttes de sang. Ma poitrine se soulève aux rythmes de mes inspirations.


Il est parti.


Les larmes coulent, de plus en plus. Je les laisse faire. Je les fais partir. Elles quittent mes glandes lacrymonales. Encore une fois. Encore une nuit. Ça fait dix jours qu'il n'était pas revenu.


Mon beau-père.

Lui.

Oui.

Beau-papa comme je devrais l'appeler, d'après maman.

Mais je ne peux pas le considérer comme tel. Pas quand il me fait traverser l'enfer quand elle n'est pas là.


Maman, c'est la femme que chaque homme voudrait avoir. Elle est tellement belle, gentille, aimante et à l'écoute. Maman, c'est la femme qui est capable de concilier sérieux et humour en un seul corps. Maman, c'est ma maman. La mienne. Et je suis fière d'elle. Fière qu'elle fasse partie des casques bleus, ces gens qui font des missions humanitaires dans des pays en développement.

Mais il y a des choses que je ne peux pas lui dire. Des choses comme celle-là. Je ne veux pas lui dire.


«Beau-papa» - David - a rencontré maman il y a maintenant deux ans. Ils étaient collègues jusqu'à ce qu'un événement traumatisant l'ait forcé à arrêter les missions humanitaires. Maintenant, il travaille dans les bureaux. Et depuis ce temps, maman a pris soin de lui. Elle me parlait beaucoup de ce David. Jusqu'à ce qu'un lundi soir, je rentre de cours et le trouve à table, un verre de bière à la main, ses doigts de l'autre main caressant le poignet de maman. Ce n'était plus juste un collègue. Il était devenu bien plus que ça. Et j'ai mis du temps à l'accepter.


Elle n'a pas mis longtemps à remplacer papa. Seulement cinq ans. Longtemps est un grand mot, peut-être, mais pour moi, c'est un tout petit mot. Minuscule. Comme si c'était hier. Du jour au lendemain. Papa... Que dire... Papa, c'est papa. Un ancien prisonnier pour trafic de drogues. Tombé en dépression suite à son arrestation, il avait écopé de deux ans de prison. Pas beaucoup. Mais suffisamment pour qu'il se prenne une claque mentale lorsqu'un beau jour maman est venu lui rendre visite et lui a annoncé sa grossesse. Lorsqu'il est sorti de prison, il s'en ai voulu. Il a raté ma naissance, le moment le plus beau de la vie d'un enfant. Il ne m'a connu que lorsque j'avais un an. J'avais grandi, déjà.

C'est pour ça que, lorsqu'il a commencé à trop boire, il y a cinq ans, il est parti.


Papa, ce n'est pas un lâche.

Papa, c'est tout sauf un lâche.


Il nous a protégé, maman et moi. Il s'est éloigné, car il savait que l'alcool aurait pu me rendre violent. Et ça, il ne l'aurait jamais toléré.


Je revois encore son visage défait, les larmes contenues dans ses yeux quand il m'a regardé, pour la dernière fois.


- T'es forte, chérie. Tu pourras venir me voir, si tu veux, hein, tu le sais ? m'avait-t-il dit.


Je le voyais une fois toutes les deux semaines. Avant qu'il parte en voyage de sevrage. Maintenant, je dois attendre son retour, dans deux jours, pour lui parler.


Les souvenirs s'arrêtent brusquement lorsque j'entends un fracas dans la cuisine. Je sursaute. Des voix. Je me redresse. Des chuchotements. Maman et David. Ils se font plus forts.


Un autre fracas.


J'ouvre la porte de ma chambre, lentement. Sur la pointe des pieds, je descends trois marches, jusqu'à avoir une vue sur la cuisine où se trouvent les adultes.


- David ! Répond-moi ! chuchote maman.


- Ne t'en fais pas, Nath, lui répond David sur le même ton.


- David, je veux savoir ce qu'il s'est passé. Que faisais-tu dans la chambre de Lala ?

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34

34 commentaires

Sabrina PAUGAM

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Il y a 3 mois

Ce chapitre prend aux tripes. J'ai ressenti la souffrance et le désarroi de Lala. Tu n'as pas choisi un sujet facile mais en tous cas c'est très bien écrit et décrit.

Olympiaa

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Il y a 3 mois

Wahou, tu commences fort ! ça met dans le bain tout de suite. j'espère que tout les chapitres ne sont pas comme ça car je ne sais pas si mon coeur pourra le supporté lol

Naelly2023

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Il y a 3 mois

Non, ne t'en fait pas:)

DIANA BOHRHAUER

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Il y a 3 mois

Aborder la question du viol est très courageux. Je te compte bien te lire. Petit conseil: Insiste un peu plus sur la douleur de la salissure du viol. L'aspect psychologique de ton héroïne doit pouvoir nous saisir, nous faire pleurer. Bon, je vais voir la suite ☺️

Naelly2023

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Il y a 3 mois

d'accord, merci beaucoup !

Alice.M

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Il y a 3 mois

Je ne me sens pas bien en le lisant (parce que la scène est bien écrite)... Heureusement sa mère est arrivé. J'espère que cela s'est arrangé. T-T

Naelly2023

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Il y a 3 mois

En effet !

Angel Guyot

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Il y a 4 mois

C'est incroyablement dur et bien écrit. Je suis impressionnée. Tu décris parfaitement l'horreur de la scène, la résilience et l'échappatoire dans ses pensées de ton personnage principal. Je ressens une forte haine pour ce David, et j'espère qu'il paiera vite, qu'elle ne restera pas d'à cette situation. Cette scène d'ouverture est forte et brutale, on a envie de lire la suite

Naelly2023

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Il y a 4 mois

Merci beaucoup pour ton commentaire !

Botbot3444

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Il y a 4 mois

Ton prologue est incroyablement puissant. Il m'a happé dès les premières lignes. L'atmosphère que tu crées est lourde et oppressante, mais tellement vivante qu'on ne peut pas s'en détacher.
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