Fyctia
Chapitre 1
Une trahison, voilà le terrible évènement qui a retourné mon existence l’année dernière, et qui a fait de moi une femme éteinte, sans lumière. J’avais tout prévu, du moindre détail du mariage, aux activités de la lune de miel. J’étais si fière d’arborer ma magnifique bague de fiançailles. J’allais enfin épouser l’homme de mes rêves, celui qui partageait ma vie depuis cinq longues années. Jamais je n’aurais imaginé que les choses pouvaient déraper à ce point. La vie est une belle emmerdeuse, et le destin un beau fils de …
— Amara, m’interpelle Jade, ma mère.
Assise dans le fond du canapé en cuir de mes parents, je sors brusquement de mes pensées. J’ai presque oublié qu’on est dimanche, et que par tradition, je suis chez eux pour déjeuner.
— Tu es encore dans les nuages, s’agace-t-elle. Savoir comment ma semaine s’est passée ne t’intéresse pas ?
— Non, pas du tout.
— Préviens-moi avant que je ne commence mon monologue dans ce cas.
— Comme si ça allait t’arrêter.
— Tu es toujours aussi désagréable ?
— Tu es la seule à te plaindre, lui indiqué-je en haussant les épaules.
— Évidemment, puisque tu passes tes journées avec des morts.
— Eux au moins, ils ne me gavent pas avec leurs histoires, dis-je en passant ma main sur mes joues creuses.
— Tu es devenus beaucoup trop cynique. Comment veux-tu remonter la pente avec une attitude pareille ?
— Je suis très bien là où je suis, inutile de remonter quoi que ce soit.
— Ça va faire un an, Amara. Il est temps d’avancer.
— Dit-elle alors qu’elle vit depuis toujours avec l’homme de sa vie, et qu’elle n’a jamais vu son fiancé partir avec sa meilleure amie, rétorqué-je d’une voix mesquine.
Je déteste ces fichus dimanches. Depuis ma séparation, ils sont devenus un véritable enfer dans lequel je suis le centre d’attention. Quand ce n’est pas mon travail qui est affublé de reproches, c’est ma personnalité, mes choix, ou encore ma vie sentimentale. Pour ma mère, rien ne va plus chez moi. Elle me voit comme un vulgaire torchon que Daniel et Léa, mon ex-fiancé et mon ex-meilleure amie, ont jeté derrière eux en partant vivre leur idylle à la Réunion. Et sur ce point, elle n’a pas tout à fait tort. Intérieurement, je me sens tout aussi morte que les personnes que j’autopsie. Il n’y a ni joie, ni envie, ni positivité, qui m’habite. Tout s’est essoufflé quand ils m’ont asséné leur coup de poignard en plein cœur.
Je ravale les sanglots qui me chatouillent la gorge, ce n’est pas le moment de pleurer. Sans un mot, je gagne la véranda sous laquelle mon père est déjà attablé. Contrairement à ma mère, il ne m’a jamais reparlé des évènements passés, car sa maladie d’Alzheimer les lui a fait oublier. Je ne devrais pas m’en réjouir, mais ça me fait du bien d’être en compagnie d’une personne pour qui rien ne m’est arrivée. Avec lui, je retrouve des morceaux de la Amara d’avant, celle qui adorait les jeux de mots.
Cette époque, où j’étais heureusement, me semble être si lointaine. Mon corps ne sait plus comment rire, et mes lèvres sont incapables de sourire. Telle une statue de cire, je suis figée dans une enveloppe terne et sans gaieté, derrière laquelle la tristesse ronge tout sur son passage. Dès l’instant où mon cœur s’est arrêté de battre, le monde est devenu noir et blanc, comme si j’étais piégée dans un vieux film muet. Le temps passe, la vie autour continue, même mes parents ont toujours de beaux projets, mais moi, je ne bouge pas. Je suis spectatrice d’un monde que je ne reconnais plus.
— Un peu de salade ? me demande mon père avant de me servir. Tous les légumes viennent du jardin, tu sais. C’est bon pour la santé.
— Avec plaisir, aquiécé-je en lui tendant mon assiette. Merci, papa.
— N’hésite pas à te resservir. Je te trouve un peu pâlotte ces derniers temps.
— J’ai beaucoup de boulot.
— J’espère que tu prends aussi un peu de temps pour toi. Dans la vie, il y a bien d’autres choses plus importantes que le travail.
— J’essaie, tenté-je de le convaincre, et moi aussi par la même occasion. Mais ce que je fais me plaît, alors j’y reste souvent plus longtemps que prévu.
— Je me reconnais bien là, rit-il. Tu es la fille de ton père, c’est évident.
Notre conversation prend fin au retour de ma mère. Dès qu’il la voit, ses yeux s’illuminent comme s’il tombait sous son charme pour la première fois. Il enroule sa paume autour de son fin poignet, et la tire contre lui afin de déposer un doux baiser sur sa joue. Elle sourit, comblée par ce geste affectueux. Leur relation a toujours été ainsi : adorable. Je désirais tant vivre la même chose. Pourquoi a-t-il fallu que je tombe sur un mec aussi détestable ? Maintenant, par sa faute, je ne crois plus ni en l’amour, ni en la gent masculine. Il m’en a dégoûté.
Une fois le repas terminé, j’aide à débarrasser et fais même la vaisselle. J’ai beau détesté ces repas du dimanche, je dois admettre que j’y mange bien mieux que chez moi. Laver trois assiettes est donc ma petite contribution pour ne pas me sentir redevable de ma mère. Il n’y aurait rien de pire que ça.
— Tu veux ramener les restes chez toi ? me questionne-t-elle en posant le dernier verre dans l’évier. Ton père a raison, tu as beaucoup maigri ces derniers mois.
— Au moins, tu ne pourras pas me reprocher d’être trop grosse.
— Amara, soupire-t-elle d’une voix plus douce. Tu es ma fille, je ne cherche que ton bonheur.
— Vraiment ? Parce que j’ai du mal à comprendre ta technique.
— Daniel nous a tous pris de court. Du jour au lendemain, je t’ai vu changer, et je n’ai pas su comment te réconforter, avoue-t-elle, le regard rempli de compassion. J’étais moi-même trop troublée pour avoir les idées claires.
Je revois le visage dur de Daniel ce fameux jour où, sans gêne, il m’annonce que tout est fini entre nous. Son regard bleu était glacial. Je l’entends encore me demander de lui rendre ma bague, requête que je n’ai pas su honorer. Il a donc fini par me l’arracher du doigt en voyant que je ne réagissais pas. Après ça, il s’est tourné, il a descendu les quelques marches se trouvant devant chez mes parents, et il a rejoint Léa dans sa voiture. Cette dernière a détourné les yeux, trop lâche pour voir sa meilleure amie en pleurs.
Ces affreux souvenirs me font vaciller. Je fais tomber l’éponge sur le sol avant de me rattraper in extremis au rebord de l’évier. Je n’ai plus la force d’affronter cette partie de ma vie. Elle est trop douloureuse.
— Chérie, s’inquiète ma mère. Assieds-toi sur la chaise.
J’obéis sans rechigner, sentant mon poids devenir trop pesant pour mes jambes. Des larmes glissent le long de mon nez mince et allongé, tandis que ma mère me tend un mouchoir que je m’empresse de saisir.
— Ce n’est pas un remède miracle, mais j’ai quelque chose qui pourrait t’aider à avancer, me confie-t-elle.
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H-G de Retz
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