Fyctia
Chapitre 5* - SKYE
Je ferme mon sac à dos, vérifie une dernière fois le matériel, puis rejoins mon père dans la cuisine. Il retourne un dernier pancake dans la poêle tandis que je m'installe à table.
La semaine a été épuisante, ce qui est une bonne chose. Les clients se bousculent pour les balades en traîneau, j'ai accepté trois chiens en pension et les inscriptions pour les activités de Noël se multiplient.
— Tu es prête pour le départ ? demande mon père, me tirant de mes pensées.
— Oui. Tu es sûr que ça ira jusqu'à demain ?
Partir deux jours durant cette période n'est pas idéal, mais cette randonnée annuelle avec mes amis me fait toujours du bien. Après la visite de Jay la semaine passée, j'en ai besoin plus que jamais.
— Évidemment ! Tu oublies que je gérais cet élevage avant même que tu viennes au monde.
— Je sais, papa, mais avec ta hanche…
— Je ne suis pas totalement invalide non plus ! Et puis, Josh sera là tout le week-end. Tu peux partir tranquille.
J'ai confiance en Josh, je sais qu'il va assurer. Ce qui m'inquiète, c'est mon père. Depuis la mort de ma mère, il s'est coupé du monde. Ses sorties en ville se résument à des rendez-vous médicaux, il ne voit plus ses amis et passe tout son temps seul à la maison. Si mon père continue de se lever le matin, de s'occuper des chiens et de préparer tous les repas, c'est uniquement pour moi. C'est pourquoi je limite autant que possible mes absences.
— Au fait, Mona nous invite chez elle pour le réveillon de Noël.
Mon père pousse un soupir.
— C'est gentil de sa part, mais tu sais que je préfère rester ici.
Évidemment. Depuis quatre ans, les fêtes n'ont plus aucune saveur pour lui. Elles lui rappellent la perte de ma mère, alors que pour moi, c'est une façon de me sentir encore proche d'elle. Je n'insiste pas et termine mon repas en silence.
Un peu avant 9 h, je rejoins Mona, Lucy et Dim sur le parking du lac Minnewanka. Seul Cal manque encore à l’appel.
— Notre guide n’est pas encore là ? lancé-je.
— Je viens de lui envoyer un message, il doit être en route, répond Dim.
Quelques minutes plus tard, le pick-up de Cal arrive enfin. Je me fige en remarquant qu'il n'est pas seul. Jaden descend du côté passager, équipé d'un ensemble de ski vert kaki, lunette de soleil en prime, les cheveux légèrement décoiffés. Peu importe la tenue, cet homme transpire l'élégance. Et l'arrogance !
— C'est pas vrai ! Jaden ! s'exclame Dim.
Le groupe s’agglutine autour de lui tandis que je reste en retrait avec Mona. Accolades, rires et tapes dans le dos s'enchaînent comme si Jaden n'était jamais parti. Je fulmine. C'est un cauchemar !
Cal s'écarte du groupe, puis me prend à part.
— Ça va, Skye ? Tu tires une de ces têtes.
— Tu te fous de moi ? Pourquoi tu l'as pris avec toi ? Et pourquoi vous faites tous comme s'il ne nous avait jamais rayé de sa vie ?
— Skye… le temps a passé, et puis, il reste mon cousin. Je me suis dit que ce serait sympa de se retrouver à nouveau tous ensemble.
Abasourdie par ses mots, je mets quelques secondes à réaliser que cette rancœur n'appartient qu'à moi. Si les autres ont été déçus à l'époque, ils sont tous passés à autre chose. La blessure était moins forte pour eux qu'elle ne l'a été pour moi. Parce que tu l'aimais. J'observe Dim et Lucy, leurs visages rayonnants, ravis de revoir leur ami, et je ravale mon amertume.
— Très bien, soupiré-je.
Cal pose une main réconfortante sur mon épaule avant de s'adresser au groupe.
— Bon ! S'exclame-t-il. On fait un rapide inventaire de nos sacs et ensuite, on se met en route. Une pause déjeuner est prévue à Ghost Lakes, alors ne traînons pas !
Nous partons en file indienne, Cal en tête du groupe. Je reste à distance de Jay qui traîne à l’arrière.
— Alors Foster, t'es déjà fatigué ? lui lance Dim.
— Il est encore temps de faire demi-tour, ajouté-je.
Une étincelle de défi s'allume dans son regard.
— Tout va bien, je profite juste des paysages, répond-il, un sourire aux lèvres.
Le trajet se poursuit sans encombre. Mon esprit s'évade dans cette nature endormie sous la neige, tandis que le ciel dégagé laisse le soleil me caresser la peau.
Nous arrivons à Ghost Lakes vers 12 h 30. Les lacs gelés, dont la surface lisse scintille de mille éclats, sont entourés par de hautes montagnes enneigées, offrant une vue splendide pour cette pause bien méritée. Je dépose mon sac, puis m'assois dans la neige, le regard perdu sur l’horizon.
— Tu comptes m'ignorer pendant tout le week-end ? me lance Jaden en prenant place à côté de moi.
— Dixit le mec qui m'a ignorée pendant neuf ans.
— Skye…
Mon prénom dans sa bouche sonne comme une mélodie entêtante et douloureuse à la fois. L'effet Jaden Foster me balaie toujours avec la même intensité, et je m'en veux de ressentir encore autant de choses pour lui.
— Non. Je ne veux pas te parler, alors profite de tes anciens/nouveaux amis et laisse-moi tranquille.
Sans lui donner le temps de répondre, je me lève pour rejoindre Mona un peu plus loin.
Cal frappe dans ses mains pour attirer l'attention de tous.
— On ne prend pas plus de quarante-cinq minutes de pause, annonce-t-il. Ensuite, on repart direction nord-est pour atteindre le col d’Aylmer. L'objectif est de monter le campement avant la tombée de la nuit.
— À vos ordres, chef ! plaisante Dim.
Cal ignore la remarque de son ami, gardant son rôle de guide très au sérieux, puis il ajoute :
— Cette deuxième partie est plus rude, alors j'aimerais que tu fermes la marche, Skye, pour assurer la sécurité du groupe.
J’acquiesce d’un hochement de tête, puis chacun reprend ses discussions.
— Ça va ? me demande Mona. Je ne savais pas que Cal avait prévu d’emmener Jaden, je te l’aurais dit sinon.
— Ne t’inquiète pas, je vais bien. Le revoir après toutes ces années… je ne m’y attendais pas.
Mona est la seule à savoir combien j'ai souffert après son départ. Elle a essuyé chacune de mes larmes, m'apportant un soutien sans faille.
— Je sais. S’il te fait à nouveau souffrir, je te jure que cette fois, il restera définitivement à Banff : sous un tas de neige !
Nous éclatons de rire. Bien que l'idée de la voir botter le cul de Jay me réjouisse, je refuse de laisser mes vieilles rancœurs empêcher mes amis de passer du temps avec lui. Peu importe nos différends, cela ne regarde personne d’autre que nous.
— C’est du passé, Mona, je ne ressens plus rien pour lui depuis longtemps.
Prononcer cette phrase à haute voix sonne plus faux qu’un piano désaccordé, mais je préfère ne pas y penser pour l’instant.
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petites.plumes
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Il y a 2 jours
Scriptosunny
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Il y a 6 jours
Ady Regan
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Il y a 5 jours
mima77
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Ady Regan
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Sarael
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Ava D.SKY
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Ady Regan
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Il y a 22 jours
Soäl
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Il y a un mois