Fyctia
Chapitre 4* - JADEN
Skye Warren. Skyttles.
À peine arrivé à Banff, je n'ai pu m'empêcher de débarquer au chenil afin de vérifier s'il était toujours actif. Mais pour être tout à fait honnête, je voulais avant tout voir si la fille qui a volé mon cœur il y a tant d'années vivait toujours là.
Quand ses yeux bleu lagon ont rencontré les miens, la terre a cessé de tourner une seconde. Skye n’a pas beaucoup changé, si ce n’est ses cheveux plus longs et plus foncés qu’avant. Elle est toujours aussi pétillante et diablement belle. Si je n’ai rien laissé paraître, ce simple contact visuel a suffi à me mettre en vrac.
Mon imbécile de cœur a bondi comme une balle en caoutchouc au son de sa voix familière, et je n’ai pas trouvé le courage de lui dévoiler la véritable raison de ma venue. Au lieu de ça, je me suis conduit comme le dernier des crétins. Elle était folle de rage, à juste titre, alors que je n'avais qu'une envie : la serrer contre moi. Pauvre idiot ! Les choses s’annoncent plus difficiles que prévues.
Je rejoins le centre-ville pour mon deuxième rendez-vous émotion : ma mère et ma grand-mère. En remontant l'allée encombrée de lutins et autres babioles lumineuses, ma valise traînant derrière moi, je souffle un bon coup avant d’arriver devant la porte. La sonnette n’est autre qu’une foutue mélodie de Noël et ma mère apparaît quelques secondes plus tard, les yeux déjà humides.
J’ai à peine le temps de lâcher ma valise qu’elle est déjà dans mes bras. Je la serre un long moment contre moi, inspirant son odeur fleurie.
— Laisse-moi te regarder, exige-t-elle en reculant d’un pas. Tu es encore plus beau qu’en vidéo !
Ses mains passent sur mes bras, mes joues, dans mes cheveux. Elle m’analyse de haut en bas avec une énergie qui m’arrache un sourire. Elle m’avait manqué.
— Salut, maman.
Elle me serre encore une fois contre elle, puis me tire à l’intérieur. Une délicieuse odeur de biscuit me chatouille les narines tandis que mes yeux se posent un peu partout. Revenir dans cette maison après autant d’années me serre le cœur. Tout est exactement pareil, sauf que presque dix ans se sont écoulés.
— Ta chambre est prête, tu peux t’installer. Je t’attends au salon avec Nana.
J’acquiesce avant de grimper les escaliers, dont le bois craque sous mes pieds. En poussant la porte de mon ancienne chambre, mes yeux parcourent la pièce avec émotion. Mes vieux posters des Calgary Flames ornent les murs, des photos de mes amis, de mes parents et de Skye décorent mon bureau. Ma vieille planche de snowboard est toujours accrochée au fond de la pièce.
Mon regard se pose ensuite sur un objet posé sur la table de chevet. Je m’empare du petit chien en bois, puis le tourne plusieurs fois dans ma main, le cœur lourd. Balto était l’un des chiens de la famille Warren. Je l’ai vu naître, grandir et nous sommes vite devenu inséparables. Il y avait un lien inexplicable entre nous. Skye a taillé mon compagnon dans ce morceau de bois, puis me l’a offert pour Noël. Elle a même peint la petite tâche en forme d’étoile sur son flanc.
Je le remets à sa place avant de poursuivre mon exploration. Suspendu à la poignée de la penderie, la sacoche de mon vieux Nikon. Je m’empresse de sortir l’appareil photo en me demandant s’il fonctionne encore.
Ma mère a gardé cette pièce intacte, comme si son fils unique n’avait jamais quitté la maison. Une multitude d’émotions contradictoires me serre la gorge. Apaisement. Nostalgie. Regrets.
— Jaden ? Tout va bien là-haut ? crie ma mère, me tirant de mes pensées.
Je rejoins le salon quelques minutes plus tard. Le sapin décoré trône fièrement à sa place habituelle, près de la cheminée. Nana est installée dans son fauteuil, les yeux rivés sur l'écran de la télévision, un châle en laine couvrant ses épaules avachies.
Ma mère revient de la cuisine avec un plat dans les mains.
— Cookies chocolat, caramel et noix de pécan, déclare-t-elle. Tes préférés.
Elle le dépose sur la table basse avant de s'adresser à ma grand-mère.
— Nana, regarde qui est là.
La vieille femme agite sa main sans quitter l'écran des yeux.
— Laisse-moi tranquille, Lauren.
— C'est pas Lauren, maman, c'est moi, Grace. Et il y a Jaden qui est là, regarde.
Ma grand-mère souffre de démence depuis quelques années, elle est souvent confuse et ne peut plus vivre seule. Ma mère a préféré l’accueillir chez elle plutôt que la placer dans un institut. Avec ma tante, elles ont organisé leurs emplois du temps pour que Nana ne soit jamais seule.
— Lauren ! Grace ! C'est pareil ! Qu'est-ce que tu…
Nana s'interrompt en posant son regard sur moi. Ses yeux s'écarquillent légèrement, comme si elle venait de se rendre compte de ma présence.
— Salut, Nana, lâché-je en m'approchant.
Ses sourcils blancs se froncent au-dessus de ses yeux verts, qui me transpercent d'un regard intense.
— Bon Dieu, le p’tit con est rentré au bercail !
— Nana ! la réprimande ma mère.
— C'est bon, maman, je l'ai bien mérité. Je peux te faire un câlin, Nana, ou tu vas me planter avec une aiguille à tricoter ?
Un semblant de sourire étire ses lèvres minces.
— Je n'ai pas encore décidé, répond-elle en ouvrant ses bras frêles.
Je la serre contre moi avec tendresse. Malgré son sale caractère, je sais que Nana m'aime profondément. Et c'est réciproque quand elle ne me traite pas de tous les noms.
— Voilà, c'est bon, laisse-moi regarder mon feuilleton maintenant, marmonne-t-elle.
J'attrape un cookie avant de m'installer sur le canapé, à côté de ma mère.
— Alors dis-moi, comment se fait-il que tu prennes des vacances cette année ? Tout va bien au travail ? me demande-t-elle.
Le projet que je dois mener ici est délicat. Tant que je n’aurai pas réalisé mes premières analyses et discuté avec Skye, je préfère rester vague.
— Oui, tout va très bien. Ce n'est pas réellement des vacances, je dois quand même travailler.
— Je m'en doutais, mais l'important, c'est que tu sois là. J'ai prévenu ton père et tante Lauren, ils sont impatients de te voir !
Mon père et moi avons toujours eu une relation compliquée. Quand il a quitté ma mère pour une autre femme, j'avais à peine dix ans. Leur divorce m'a marqué, et je n'ai jamais vraiment pardonné à mon père d'être parti.
— Dis-moi que tu n'as pas prévenu toute la ville de ma visite, maman.
— Mais non, voyons ! s’esclaffe-t-elle. Mais tu devrais contacter tes amis, ils seraient heureux de te revoir.
Quand je suis parti à l’université de Vancouver, j’ai coupé les ponts avec eux. Garder le contact aurait été trop dur à supporter au quotidien.
— Nous ne sommes plus amis depuis longtemps, maman.
— Normal, t’es qu’un p’tit con, intervient Nana.
Ma mère la sermonne une nouvelle fois. Bien que Nana manque de tact, elle a raison sur toute la ligne. J’ai blessé des personnes à qui je tenais sincèrement, par égoïsme, par peur ou par lâcheté, je ne sais plus vraiment. Mais en y repensant, j’aurais peut-être pu gérer les choses différemment à l’époque. Surtout avec Skye.
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petites.plumes
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Il y a 2 jours
Eva Boh
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Il y a 4 jours
mima77
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Ady Regan
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Scriptosunny
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Sarael
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Ava D.SKY
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