Fyctia
Chapitre 1* - SKYE
Le vent glacial fouette mon visage tandis que j’inspire l'air pur de la montagne. Les timides rayons du soleil dansent entre les sapins enneigés, diffusant la douce lumière de l'aube dans un cadre où tout semble figé dans le temps. La neige est reine, tapissant monts et plaines de son manteau scintillant.
Je traverse un monde encore endormi à une vitesse folle, seule au monde, sillonnant les sentiers enfouis dans cette nature brute et sauvage. Une sensation de liberté dont je savoure chaque instant, déconnectée du monde. Voilà ma vision du paradis.
J'ajuste mes pieds sur les patins, puis resserre mes mains autour du manche.
— Hike ! crié-je.
Les chiens accélèrent sur ce long bout droit. La neige s'envole dans le sillage du traîneau, laissant un nuage presque statique derrière moi. Mes joues brûlent, mon souffle se coupe un instant. Extase. Adrénaline. Frissons. Le traîneau réduit ensuite sa vitesse, les patins frémissant sur la neige. Je me prépare au virage en basculant mon corps légèrement sur le côté.
— Haw !
Réactifs, les chiens bifurquent à gauche de manière fluide et synchronisée. Le traîneau prend un virage parfait, puis nous empruntons la dernière descente avant le retour à la maison.
Comme mes parents et mes grands-parents avant moi, je suis une musher dans l’âme. Toute ma vie réside dans ces montagnes, aux côtés de mes chiens. Un quotidien solitaire parfois pesant, mais que je n’échangerais contre aucun autre.
Après avoir détaché mes compagnons, je passe de longues minutes à les féliciter. Nuna, Tala et Siku restent en retrait pendant que Bolt, Dash et Loki me saute dessus comme des fous, me couvrant de bisous râpeux et mouillés. Chacun d'entre eux est unique, avec son caractère, ses qualités et ses défauts. Mais ils sont tous sincères et fidèles, bien plus que la plupart des êtres humains.
Je les ramène ensuite dans leur enclos, remplis les gamelles d'eau tiède et leur donne une ration de nourriture avant de m'occuper du traîneau et des harnais. Puis, je rejoins mon père pour le petit-déjeuner.
L’odeur du café et des toasts grillés me donne l’eau à la bouche. S’il ne peut plus travailler avec les chiens depuis son accident, mon père fait ce qu’il peut pour se rendre utile.
— Bonne balade, ce matin ? demande-t-il en posant une tasse fumante devant moi.
— Excellente, comme toujours.
Il pose sa canne, puis prend place à côté de moi.
— On a reçu un nouveau courrier de l'administration fiscale. Il faut trouver un moyen de rembourser la dette, sinon ils vont saisir le terrain.
Mon estomac se retourne. Depuis un an, notre situation financière se dégrade. L'accident de mon père a bouleversé notre quotidien. J'ai dû tout gérer seule, m'occuper de lui après son opération, et les dettes se sont peu à peu accumulées.
— Ne t'inquiète pas, je vais m'occuper de ça, réponds-je d'une voix assurée.
Son air inquiet me serre le cœur. Mon père a tout perdu ce jour-là. Sa passion, son travail, sa vie de musher. Un virage mal géré, une chute violente et tout s'est effondré.
— Tu ne peux pas faire des miracles, Skye, comment tu comptes rembourser une telle somme ?
— La haute saison démarre, je vais tout faire pour attirer un maximum de clients. Mona a accepté de partager son stand au marché de Noël. Je vais distribuer des flyers, et même vendre mes sculptures.
— Ça ne sera pas suffisant pour tout payer avant Noël…
Je pose une main sur son bras dans un geste réconfortant.
— Je passerai demander un délai de paiement. Ça ira, je te le promets.
Il m'adresse un sourire attendri, accentuant les petites rides au coin de ses yeux gris. Si je reste optimiste et souriante en permanence, la pression reste énorme. Tout repose sur mes épaules.
En milieu d'après-midi mon employé à mi-temps arrive pour prendre le relais. Chaque vendredi jusqu'à la mi-décembre, je travaille au stand du marché de Noël. Josh a donc modifié ses horaires pour aider mon père durant mon absence.
Dès la fin du mois de novembre, la petite ville de Banff s'anime d'une ambiance de fêtes. Les guirlandes fleurissent comme les bourgeons au printemps, les gens affluent dans les boutiques à la recherche de cadeaux, tandis que l'odeur de biscuits et de vin chaud enveloppe le petit marché de Noël du centre-ville.
Mona est déjà derrière le stand, ses pâtisseries joliment dressées sur la table.
— Ce sont tes sculptures ? demande-t-elle en désignant le carton dans mes bras.
Je hoche la tête, un peu angoissée à l'idée de les sortir de la boîte. C'est la première fois que j'expose mon travail, enfin, si je peux l’appeler ainsi. Pour moi, c’est avant tout un passe-temps, un héritage de mon grand-père. Il reproduisait chacun de ses chiens. Une façon de les garder près de lui pour toujours, comme il disait.
J’adorais le voir à l'œuvre, concentré sur son morceau de bois, les copeaux jonchant le sol autour de lui. Mon grand-père m’a aidé à tailler mes premières pièces, qui ressemblaient davantage à des ours déformés qu’à des huskies, mais avec le temps, ma technique s’est affinée.
— Je ne pense pas que ça intéressera qui que ce soit de toute façon, réponds-je en alignant les figurines.
— Tu plaisantes ? Elles sont magnifiques ! Et faites à la main en plus.
En sortant la dernière figurine de la boîte, une vague de nostalgie me submerge sans prévenir. Le bois est usé et le travail grossier, on reconnaît à peine le chien qu'elle représente.
— Tu ne devrais pas l'exposer celle-ci, elle n’est pas très réussie, me conseille Mona.
Je tourne la pièce entre mes doigts, puis passe mon pouce sur la surface rugueuse et irrégulière tandis que des souvenirs presque oubliés me reviennent en mémoire.
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petites.plumes
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Natia Kowalski
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Soäl
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