Fyctia

Dès que nous sommes rentrées de chez Mimi, j’ai donné des directives à Mila pour que les choses aillent le plus vite possible.

Elle m’a répondu au moins trois fois « Oui chef ! », ce qui m’exaspère, mais ce n’est pas bien méchant.

La pluie n’a pas baissé en intensité, et je commence à être vraiment inquiète.

Est-ce vraiment la météo qui me stresse, ou la rencontre avec le beau Joan ? J’avoue que je ne sais pas vraiment… Peut-être un mélange des deux ! Mais je ne suis vraiment pas sereine, et je sens que mon deuxième cerveau : mon ventre, est en train de se nouer.

Je pousse un petit cri de joie quand je vois nos bagages prêts à côté de la porte d’entrée de la grande pièce à vivre.

— Mission accomplie ! On a bouclé nos bagages en un quart d’heure chrono. Bravo Mila !

Lily est étonnée et un peu vexée que je sois si pressée. Elle prend une moue boudeuse.

— On dirait que tu as envie de fuir ma maison ! Qu’est-ce qui t’arrive ?

— Je serais bien restée s’il faisait beau, mais là j’ai peur d’être coincée sur la route s’il y a des glissements de terrain. Je préfère être en bas de la vallée avant la nuit, tu comprends ?

Lily soupire mais acquiesce, et m’aide à porter les sacs.

— C’est vrai que la nuit tombe à dix-sept heures à cette saison. Vous ne devez pas tarder. Vous allez trop me manquer !

On se fait un gros câlin comme on les aime. Je la serre fort dans mes bras et hume son doux parfum de fleur de pêche.

Je sais que je ne suis pas tout à fait honnête avec elle sur les raisons de mon départ, mais je n’ai pas le temps ni l’envie de lui expliquer maintenant. Plus tard peut-être, quand on se passera un coup de fil.

Lily attrape un gros parapluie et nous nous engageons toutes les trois dehors sous le vacarme des gouttes.

Nous descendons vers l’unique parking du village où est garée ma petite Twingo vert délavé.

Vu le temps qu’il fait elle va être plus lavée que délavée…

J’ouvre le coffre et laisse Mila et Lily déposer leur fardeau en premier.

Des torrents de boue se déversent dans le lit de la rivière qui s’est transformée en un démon rugissant. Je contemple un instant le spectacle, un peu inquiète.

Un petit attroupement s’est formé non loin de là, près du vieux pont de pierre, et les gens semblent avoir une discussion animée.

J’entends leurs cris s’élever pour couvrir le fracas de la rivière mêlé à celui de la pluie. Nous nous regardons un instant avec Lily, et comme cela arrive souvent, sans parler, nous nous comprenons.

Je parle fort pour que Mila m’entende.

— Monte en voiture pour ne pas te tremper, ma chérie ! Je vais aux nouvelles avec tata.

Je prends Lily sous le bras et m’abrite sous son parapluie tandis que nous rejoignons le groupe.

Quand nous arrivons près d’eux, je m’aperçois trop tard qu’il y a Joan.

Zut ! Je ne peux plus faire demi-tour sous peine de paraître bizarre. Lily comprendrait direct qu’il y a baleine sous gravillon…

Quand nous sommes toutes proches, je pousse Lily à dévier légèrement vers la gauche, où se trouve Sylvie, la maire du village. Nous la connaissons depuis notre enfance. Lily lève le parapluie au-dessus de nous et nous lui faisons la bise. J’entame la conversation avec elle.

— Bonsoir Sylvie, il y a un souci ?

— Bonsoir ma petite Lou ! Ça fait plaisir de te voir ! On surveille le niveau de la rivière qui monte trop rapidement. On est deux mètres au-dessus de la côte d’alerte. C’est énorme !

Je sens le regard de Joan qui glisse sur moi. Je décide de l’ignorer totalement.

— Ah. Pas de souci avec la route ? je peux descendre à Genève ?

— Je ne sais pas ma chérie. Je serais toi, j’attendrais demain pour rentrer. Tu travailles ce dimanche ?

— Non, mais je bosse lundi, et demain ce sera peut-être pire !

Un grondement sinistre, comme un début de tremblement de terre, raisonne tout à coup près de nous.