Fyctia
Chapitre 35 - Liam (1/2)
Silencieux, je marche derrière Olivia, suivant le dédale de couloirs du commissariat.
Dans la salle, impossible d’avoir la notion du temps, les seules lumières étant des néons artificiels qui grésillaient au-dessus de nos têtes. Je ne sais pas si cinq minutes, une heure ou dix heures se sont écoulées depuis que nous sommes arrivés, mais le jour décline déjà lorsque nous quittons le bâtiment.
Olivia ne dit pas un mot, et je ne peux pas la blâmer : je suis moi-même incapable de réagir face à ce que je viens d’entendre.
Je repasse des bribes de la conversation en boucle, et certains mots résonnent en moi.
Violence.
Séquestration. Viol.
D’abord hésitante, elle a fini par réussir à parler librement. Je pense qu’elle n’était pas vraiment elle-même et qu’elle agissait principalement par automatismes. Elle n’est pas entrée dans le détail des sévices que Raphaël lui faisait subir, mais elle en a dit suffisamment pour me révolter pour le restant de mes jours.
La femme qui a pris sa déposition a été très à l’écoute et d’une grande patience. Lorsque nous avons abordé la question des messages de menaces reçus par ma fiancée et moi, elle nous a informés que rien ne prouvait qu’il s’agissait bien de la même personne.
Olivia a mentionné le nom de Raphaël, et la femme a semblé se crisper. C’était imperceptible, mais je l’ai remarqué. Lorsque nous sommes sortis de la pièce, elle nous a assuré de nous « tenir informés de l’avancée de la plainte », mais j’ai peur qu’il ne s’agisse que d’une simple formule de politesse pour nous dire que nous n’aurons jamais de nouvelles. Une plainte contre un membre des forces de l’ordre peut-elle réellement aboutir à quelque chose ?
Je ne compte pas parler de mes inquiétudes à Olivia : je suis déjà extrêmement fier qu’elle ait réussi à libérer sa parole. Mais je ne sais pas si la justice va réellement s’investir dans ce sujet. Va-t-il vraiment falloir que je protège ma fiancée tout seul ? Ce que j’ai entendu me donne envie de faire justice moi-même.
Nous ne sommes pas très loin de l’appartement, aussi je propose :
– Olivia, est-ce que tu préfères marcher jusqu’à chez nous ?
Elle sursaute en m’entendant l’interpeller, et hoche la tête sans se retourner. Je m’approche et cherche à prendre sa main dans la mienne, mais elle me repousse. Lorsqu’elle tourne enfin le regard vers moi, je ne discerne dans le bleu de ses yeux que tempête, tristesse et douleur.
A cette constatation, je me fais une promesse : je ferai tout pour raviver sa lumière.
– Viens avec moi, je murmure en prenant soin de lui laisser une certaine distance de sécurité entre nous pour ne pas la brusquer.
Je sais exactement où j’ai envie de l’emmener, et ce n’est certainement pas dans le calme et la solitude de notre appartement.
Elle accepte machinalement de me suivre et cale son pas sur le mien. J’appelle un Uber, qui nous récupère quelques rues plus loin. Olivia monte dans la voiture comme une automate.
Nous restons silencieux, et soudain, je sens ses doigts se poser sur les miens. Je prends sa main froide dans la mienne et trace de petits cercles dessus avec mon pouce.
– Où allons-nous ?
Sa voix est à peine audible.
– A un endroit où tu te sentiras forte et libre. Fais-moi confiance.
Elle ne réplique pas. Le lieu où je suis en train de l’emmener n’a rien d’original, et au fur et à mesure du trajet, je commence à douter de mon idée : et si elle ne l’appréciait pas ?
Le taxi s’arrête juste devant le pont qui mène à la Tour Eiffel. Nous sortons de la voiture et je l’emmène faire la queue pour les tickets. Un petit rictus au coin des lèvres, elle me demande :
– Et c’est ici, que je suis supposée être libre ?
– Suis-moi, tu verras.
Nous patientons, et lorsque nous prenons l’ascenseur pour monter au sommet du monument, le crépuscule teinte toute la ville d’une douce lueur rosée.
Une fois en haut, nous nous accoudons à la balustrade. Aucun de nous n’a encore pris la parole. Nous profitons un instant de la quiétude de ce moment : à cette heure, il n’y a presque plus de touristes et le lieu est plutôt calme.
Après un moment de silence, je lui dis :
– Tu sais, je suis souvent venu ici avec mon petit frère lorsque nous étions plus jeunes. C’était notre lieu préféré, car même si nous avions des ennuis, même si nous ne nous sentions pas à la hauteur, nous avions depuis là le sentiment que l’univers s’offrait à nous.
C’est la première fois que je mentionne Eliott à Olivia, mais elle ne relève pas, perdue dans la contemplation de la ville.
– Si je t’ai emmenée ici aujourd’hui, c’est pour que tu te rendes compte de l’étendue que le monde a à t’offrir. Tu as peut-être l’impression d’être brisée, enfermée dans ton passé et de ne pas être capable de t’en sortir. Mais aujourd’hui, tu as prouvé que tu pouvais avancer. Et regarde devant toi, l’immensité de la ville et de l’horizon : tout ça, c’est tout ce que la vie te réserve. Les hauts, les bas, la beauté, les difficultés, le rire, les larmes, la joie, l’amour.
Ses yeux sont désormais ancrés dans les miens, et elle semble subjuguée par mes paroles.
– Raphaël ne te brisera pas. Peut-être que pour l’instant, tu te sens vulnérable, et je le comprends. Mais aujourd’hui, tu as fait un premier pas pour retrouver la lumière que tu gardes au fond de toi.
Je marque une pause :
– Et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour t’aider à la rallumer.
A ces mots, nous assistons à l’arrivée de la nuit, projetant sa douceur paisible sur la ville. Les lampadaires s’éclairent, le ciel se pare de nuances d’orange et de rouge, et autour de nous, le monument se met à scintiller.
Elle m’attire contre elle et pose ses lèvres sur les miennes. Cette fois, j’ai la certitude que c’est le début de notre histoire, et dans mon cœur, tout scintille aussi.
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Lunedelivre
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Aline Puricelli
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