Fyctia

Lorsque j’arrive dans l’immeuble de Liam, il règne une douce quiétude qui m’apaise instantanément. Pour la première fois, je commence à avoir l’impression d’être… chez moi ?

Je tourne la clé dans la serrure, et je salive en sentant les effluves de nourriture qui arrivent à mes narines. Je meurs de faim, n’ayant presque rien avalé depuis l’hôpital.

– Liam ?

Seul le silence me répond. Je me dirige donc vers ma chambre et y dépose mes affaires, avant de prendre une douche. Lorsque je sors, mes cheveux sont propres et je me sens un peu mieux.

J’essaie de m’habiller, mais ma cicatrice me tire dès que je lève les bras. Tant bien que mal, j’enfile une robe d’hiver et un collant : je ne peux pas rencontrer la meilleure amie de Liam en pyjama.

J’entends la porte claquer et des rires emplir l’appartement. Je reconnais le timbre grave et agréable de Liam, ainsi qu’une voix féminine que je suppose être celle de Jade. Je prends mon courage à deux mains avant de sortir de la chambre. Je ne suis pas une adepte des rencontres : j’ai toujours été timide, un peu sur la réserve.

Pourtant, je me pare d’un beau sourire et me dirige d’un pas assuré vers la cuisine. Liam me voit le premier. Jade me tourne le dos, penchée sur la casserole, son long carré noir ondulant sur ses épaules.

Mon fiancé pose ses clés sur le comptoir et se dirige vers moi, l’air inquiet :

– Olivia ! Enfin, te voilà ! Comment te sens-tu ? Comment s’est passée ta journée ? Tu n’as pas trop forcé j’espère ?

Je hoche la tête. Il se rapproche, prend mon visage en coupe, comme s’il cherchait à s’assurer que j’étais vraiment là, devant lui. Ses yeux trouvent les miens dans une caresse mentale qui n’appartient qu’à nous. J’y vois toutes les questions qu’il n’ose pas poser, toutes les émotions qu’il n’arrive pas à verbaliser.

Ne sachant pas comment réagir, je lui souris, et il m’embrasse délicatement sur la joue. J’aimerais tourner la tête et trouver ses lèvres, mais je me retiens, réprimant le frisson de plaisir qui anime mon cœur.

Je me tourne ensuite vers Jade, qui s’est rapprochée.

– Salut, je suis ravie de te rencontrer ! me dit-elle avec un sourire sincère.

– Enchantée ! Liam me parle souvent de toi.

Elle glousse :

– Et si tu savais combien de fois il a mentionné le prénom d’Olivia ces dernières semaines ! Je pense que je te connaissais avant même de te rencontrer !

Liam se râcle la gorge et nous nous retournons simultanément vers lui. En voyant son air gêné, je jette un œil en direction de Jade, qui me regarde elle aussi, et nous partons toutes les deux d’un rire franc devant le malaise palpable de mon fiancé.

Puis elle me demande :

– Tu as faim ? Nous avons préparé des spaghettis et des boulettes de viande. Un super plat réconfortant qui va te sortir des plateaux de l’hôpital instantanément !

Son enthousiasme me fait sourire : elle est telle que je l’avais imaginée. Pétillante, solaire, mais posée. Elle me fait penser à Diane.

– Je suis affamée !

Je lui adresse un immense sourire et me dirige vers les placards pour mettre la table, mais Liam me devance :

– Non, Olivia, tu plaisantes ? Toi, tu t’assois ! Je m’en occupe.

Le fait de lever le bras m’étourdit car je tire trop sur ma cicatrice, mais j’essaie de ne rien laisser paraître et m’installe sur un tabouret en espérant cacher mon moment de faiblesse. Jade a perçu mon malaise, mais elle ne dit rien, et je l’en remercie intérieurement.

Nous dégustons notre repas en échangeant ensemble, sur le passé de Jade et de Liam, qui se renferme à la mention de ses années de jeunesse. Puis Jade nous parle longuement de son fiancé et de l’organisation de leur mariage avant de se tourner vers moi :

– Et pour vous, comment avancent les préparatifs ?

Je n’ai toujours pas la tête à ce mariage. Ma robe est choisie, tout est réservé, mais j’ai reçu la liste d’invités et je n’en connais que le quart. Moi qui espérais un petit mariage, je pense que je n’aurai pas gain de cause. Je suis dépitée, mais je n’ai plus envie de me battre à ce sujet : de toute façon, Raphaël sait déjà tout, je n’ai plus rien à cacher.

J’en ai parlé rapidement à mon père lors de sa visite à l’hôpital hier, et il m’a expliqué que ma mère avait tout organisé. J’ai l’impression que les tensions entre mes parents sont de plus en plus fréquentes, mais au fond, c’est le cadet de mes soucis pour le moment.

Je réponds donc à Jade :

– Tout suit son court, et j’ai hâte d’arriver enfin à ce jour !

– Et bien oui, une fois que tout sera fini, il n’y aura plus que la nuit de noces !

Je rougis, gênée par son allusion, et Liam se tortille sur sa chaise. Jade perçoit notre trouble et fronce les sourcils :

– Oh, je plaisante !

Elle marmonne :

– Vous n’avez aucun humour.

J’essaie d’esquisser un sourire, mais impossible de ne pas penser à Liam, aux nuits passées proche de lui, à l’apaisement qu’il me procure, et au fait que, oui, j’ai de plus en plus envie d’être dans ses bras à chaque instant.

J’essaie de chasser mes pensées et me reconcentre sur la conversation.

Lorsque nous finissons le dîner, Jade se dirige vers le couloir puis s’arrête tout à coup.

– Liam.

Mon fiancé relève la tête :

– Oui ?

– L’araignée.

Une araignée ? De quoi parlent-ils ? J’observe Liam, qui se décompose.

– Oh non. L’araignée.

– Tout va bien ? je demande.

Liam ne répond pas, et Jade prend le relais :

– Nous avons fui une araignée dans la chambre de Liam ce matin. Je ne sais pas comment je vais dormir cette nuit.

Je m’esclaffe :

– Tu as peur des araignées ?

– Bien sûr ! s’offusque le concerné. Leurs pattes, leur corps, leurs poils ! C’est immonde !

– Tu plaisantes ? dis-je en éclatant de rire.

Les insectes, araignées et autres petites bêtes, je n’en ai aucune crainte. Je prends une boîte et me dirige vers la porte de la chambre de Liam. Les deux amis reculent à l’unisson, ce qui m’amuse davantage.

L’araignée est effectivement toujours là. Je la sors par la fenêtre puis reviens sur mes pas. Mon fiancé me regarde avec des yeux admiratifs en murmurant :

– Waouh ! Mais comment as-tu fait ?

Je ris encore en leur souhaitant bonne nuit, puis chacun se dirige vers sa chambre. D’ailleurs, je me demande si Jade et Liam dorment ensemble. A cette pensée, une pointe de jalousie transperce mon cœur, mais je m’efforce de la chasser.

Aussi, quand je retourne à la cuisine boire un verre d’eau et que je distingue Liam allongé sur le canapé, un soupir de soulagement me traverse. Puis je vois sa posture : les jambes de travers, le dos tordu… Il semble souffrir le martyre.

Je l’interpelle :

– Liam ?

Il se relève, intrigué.

– Que fais-tu là ?

– Je ne pouvais pas laisser le canapé à Jade, marmonne-t-il.

– Ne reste pas là, viens dormir avec moi.

Les mots s’échappent de ma bouche avant même que je puisse les retenir. Et dans ses yeux luit un éclat que je ne lui connaissais pas. Il me regarde, intensément, afin de bien vérifier que c’est ce que je veux, et quand je lui confirme juste d’un regard, il se lève et me suit dans ma chambre.