Fyctia
Chapitre 10 - Olivia
– Bonsoir mademoiselle, est-ce que tout va bien ?
Lorsque j’entends cette phrase et que je sens une main se poser sur mon bras, mon cerveau se déconnecte de mon corps et je panique : Raphaël est là. Je sursaute, en proie à une angoisse profonde, avant de relever la tête pour m’assurer de l’identité de mon interlocuteur. Mais alors que je balaie l’inconnu des yeux, ma peur se mue en agacement : ce n’est pas Raphaël, seulement un homme qui s’est dit qu’apostropher une jeune fille seule, en larmes et perdue dans ses pensées était une bonne idée. Quelle idée de venir déranger quelqu’un qui pleure et qui ne vous a rien demandé ? Je pense que mon regard doit être plus assassin que ce que j’imagine car l’homme a un léger mouvement de recul. Dans la pénombre, je le distingue mal : je discerne juste qu’il est grand et brun, contrairement à Raphaël. Je n’arrive pas à déterminer les contours de son visage, mais il me semble vaguement familier. En réalité, je me fiche éperdument de ce à quoi il peut ressembler. A peine remise de ma frayeur, je continue à le dévisager. Il semble revenir d’un jogging : il est en survêtement, de la sueur luit sur son front, et tandis qu’il s’approche, je remarque qu’il ne sent pas la rose. Je rétorque, un peu froidement :
– Est-ce que j’ai l’air de vous demander de l’aide ? De plus, vous m’avez fait horriblement peur.
– Il faut croire que non, mais le parc va fermer. Il m’a semblé que vous n’étiez pas au mieux de votre forme, et je n’aimerais pas que vous vous retrouviez bloquée ici, sans même un manteau pour vous couvrir.
Je jette un coup d’œil discret à ma montre : 20h55. En effet, il ne reste que cinq minutes avant la fermeture. C’est honorable de me prévenir, mais les gardiens s’assurent chaque soir que tout le monde est sorti avant de fermer les grilles. Je ne réponds rien, ce qui pousse l’inconnu à reprendre d’une voix taquine :
– En plus, j’estime qu’il est de mon devoir d’aider une jeune demoiselle en détresse lorsque j’en vois une.
Encore avachie sur mon banc, qui finit par me faire mal aux fesses tant il est inconfortable, je me relève. Je suis plutôt grande, mais j’ai l’impression d’être minuscule lorsque je me retrouve face à lui. Je le contourne sans même le regarder : je ne veux pas qu’il voie le mascara qui a coulé le long de mes joues. Je dois ressembler à un panda. Une fois hors de son champ de vision, je lance par-dessus mon épaule :
– Merci, mais je n’ai pas besoin d’aide. Je vous souhaite une bonne soirée.
– Ok, message reçu, à la semaine prochaine, Evans !
Je me fige, incertaine. Il est vrai que son visage me semble familier, mais j’ai beau fouiller dans ma mémoire, je n’arrive pas à savoir où je l’aurais rencontré. Je sais qu’il n’est pas un employé de mon père car il m’a appelée par mon nom de famille, ce qui n’arrive jamais. Je suis aussi soulagée que ce ne soit pas Raphaël. Alors qui est-il donc ? Un fan qui me suit sur les réseaux sociaux ? Une personne mal intentionnée ? Il n’en avait pourtant pas l’air et semblait désolé de m’avoir effrayée. J’entends ses pas et n’ose pas me retourner. Je retiens mon souffle quand il passe à côté de moi et qu’il s’éloigne en secouant la tête, sans doute dépité par ma stupeur.
Puis soudain, je réalise : ce dos, cette démarche, ces cheveux, je les ai vus un nombre incalculable de fois à la télé et dans des soirées mondaines. Liam Williams. Le fils du plus gros concurrent de mon père. Ce jeune héritier d’une immense fortune que les médias s’évertuent à faire passer pour un irresponsable.
– Williams, c’est toi.
Il se retourne, et dans la lumière blafarde d’un lampadaire, je crois distinguer une lueur amusée au fond de son regard.
– Ah, quand même ! Je pensais que tu ne me reconnaîtrais jamais.
– Disons que je n’ai pas l’habitude que tu m’adresses la parole. Trop occupé avec tes conquêtes, je réponds, sarcastique.
– Touché.
Il porte les mains à sa poitrine et fait mine de défaillir, trébuchant au passage et se rattrapant au lampadaire. Je réprime un gloussement et me donne une gifle mentale en essayant de me souvenir que non, je n’ai pas le droit de rire avec Liam Williams. Alors je me contiens et, pleine de volonté, je passe devant lui en faisant passer mes longs cheveux blonds derrière mon épaule d’un geste que j’espère confiant.
– A samedi, Williams.
Seul son rire me répond, et ce son se répercute bien plus longtemps que nécessaire dans mon cerveau. Je continue ma route, la tête haute et la démarche affirmée : pas question de m’effondrer à nouveau et de lui montrer ma fragilité. Pour Liam Evans, je dois être une force de la nature, une adversaire de taille.
❃❃❃
Quand je rentre chez moi à peine cinq minutes plus tard, je me flagelle mentalement d’avoir été presque amicale avec lui. Si mon père l’apprenait, je crois qu’il pourrait lui pousser des cheveux blancs sur son crâne dégarni. Quelle idée d’aller fraterniser avec le diable. Liam, ennemi, Liam, ennemi, Liam, ennemi. Je me répète cette phrase comme un mantra pour éviter de penser à son rire et à ses taquineries qui m’ont plus retournée que ce que je veux bien l’admettre.
Je n’aurais peut-être pas dû sortir de chez moi après la soirée déjà catastrophique : entre les messages inquiétants de Raphaël, la dispute avec ma mère, et maintenant, la rencontre inattendue avec Liam, je pense qu’il est grand temps que la journée s’arrête.
Après avoir enfilé mon pyjama, je prends un livre et me glisse enfin sous mes draps. Il est à peine 22h, et avec le sentiment que cette journée a duré une semaine, je finis par m’assoupir, incapable de lire une seule page de mon roman.
Il fait sombre et je n’entends que le bruit saccadé de ma respiration. J’ai l’impression que mes yeux sont fermés, pourtant ils sont bien ouverts. Que je tourne la tête à droite ou à gauche, aucun rayon de lumière ne me parvient.
Je suis allongée, mais j’ai la sensation de ne pas pouvoir me lever. J’essaie, mais dès que je parviens à soulever mon cou, ma tête heurte une surface dure. Je tâtonne avec mes mains, mais je ne peux pas bouger : je suis coincée.
Où suis-je ? Je hurle, encore et encore, à m’en déchirer les poumons et les cordes vocales. Je supplie : aidez-moi ! Au secours ! Par pitié ! Mais personne ne vient à ma rescousse. Je suis seule, enfermée dans une boîte, et plus je respire, plus je sens que je vais m’évanouir. Plus je me débats, plus je sens les ténèbres m’engloutir. Et au loin, avant de sombrer, j’entends une voix murmurer : « Tu m’as cherché, bébé ».
Je me réveille en sursaut, un cri étouffé s’échappant de ma gorge. J’ai les larmes aux yeux et je suis en nage. Encore et encore ce même cauchemar, qui me ramène toujours à Raphaël et à l’emprise qu’il a sur moi.
Je jette un coup d’œil au réveil posé sur ma table de chevet : 3h56. Mes cauchemars sont réglés comme une horloge. Je n’en peux plus. Je me lève pour boire un verre d’eau, puis je me recouche, sans parvenir à me rendormir.
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Anaïs Tehci
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Il y a 2 mois
Aline Puricelli
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Il y a 2 mois
_Celestya_
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Il y a 2 mois
Aline Puricelli
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Hello_Darling
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Aline Puricelli
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mima77
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Aline Puricelli
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Keni
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Il y a 2 mois
Aline Puricelli
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Il y a 2 mois