Fyctia

Une fois hors de ma vue, j’autorise mon souffle à se débloquer de ma poitrine et permets à mon cœur de retrouver un rythme régulier. C’est insensé !

Vous pouvez me trouver faible ou vous moquez de mes réactions aussi intenses et exagérées soient-elles, mais sachez une chose. J’ai toujours eu une très mauvaise estime de moi. C’est malheureux, car pendant longtemps, j’en étais à un stade où tout ce que je pouvais penser de moi passait par le regard des autres et principalement des hommes. Adolescente, j’étais la fille un peu ronde et mal dans sa peau. Très petite de taille, je voulais avoir de longues jambes fines. Mais les miennes ressemblaient davantage à des petits boudins saucissonnés. Puis, c’est sur mes cheveux que j’ai complexés. Tout bouclés et indisciplinés, je donnais tout le temps l’impression de sortir du lit.

Ce n’est qu’après le lycée que j’ai commencé à me prendre en main. J’ai passé un nombre d’heures inestimables à regarder des tutos coiffure pour dompter cette chevelure, j’ai fait plus attention à mon alimentation et me suis mise à la course à pied. Alors non, je n’ai toujours pas vingt centimètres de plus (parce que oui, j’aurais voulu faire au moins un mètre soixante-dix) et oui, je pourrais m’habiller au rayon enfant si mes jambes et mes fesses passaient dans leur pantalon, mais j’ai appris à aimer qui j’étais. La pensée positive a un impact radical sur les personnes (ça et toutes les femmes que je suis sur les réseaux, qui assument leur poids, leur taille et leur différence singulière qui les exclus des standards de beautés classiques, mais qui les rendent tout simplement magnifiques).

Et malgré tout ça, mes expériences avec les hommes ont toujours laissé des empreintes sur mon acceptation de moi-même. C’est bête, j’en suis consciente, mais que voulez-vous, il est difficile de changer totalement. Celle de Quentin aura, vous vous en doutez, laissé de grosses marques rouges, en gras, en majuscules et probablement au feutre indélébile. Le salaud par excellence, le maître du contrôle et de la domination mentale. Le manipulateur en chef.

Mettant ces mauvaises pensées de côté, je reprends mon travail. Plus que quinze minutes et j’aurai terminé ma journée. En attendant que Morgane ma collègue arrive, j’entame le nettoyage de l’espace de travail. Si Agathe n’avait pas décidé de se cacher nul ne sait où, elle aurait pu voir de ses propres yeux le couple Magique. Or, elle a choisi de ne pas réapparaître et c’est tant pis pour elle. Elle est probablement dans son bureau en train de faire les comptes.

Guettant l’heure du coin de l’œil, je m’active à ma tâche, pressée d’en finir avec cette journée. Mais encore une fois et comme je le disais récemment, quand le destin s’acharne, il ne fait pas les choses à moitié. Vous n’avez littéralement aucune chance de vous en sortir.

Et c’est ce que j’ai ressenti à cet instant, lorsque j’ai vu Monsieur Démarche Nonchalante sortir de la salle et avancer dans ma direction. Innocemment, j’ai tenté d’appliquer la règle de base lorsque j’étais à l’école primaire : si je ne le vois pas, il ne me voit pas non plus. Vous vous doutez bien que cette théorie n’est pas fondée. J’ajouterai même, et vous auriez dû le réaliser quand je lui ai tiré la langue au magasin, que parfois, j’agis comme une enfant. Et ça, c’est une théorie confirmée !

Mais bien évidemment, on sait tous qu’il m’a repéré et le regard qu’il me lance ne laisse aucun doute quant à sa destination finale.