Fyctia
Chapitre 3 : Ana 🚓
Par la fenêtre de mon bureau, j’aperçois les voitures de police. Alexandre, le doyen, est en bas pour les accueillir. Même d’ici, son crâne luit sous le soleil matinal. Il agite ses bras en direction du bâtiment et je ne peux retenir le réflexe d’effectuer un pas en arrière lorsqu’il désigne dans ma direction.
Il ne leur faut que quelques minutes pour monter à mon étage. Je frotte mes yeux, laisse mon maquillage s’effriter sous mes doigts et maculer mes joues. Mon cœur s’emballe alors que je franchis la porte de mon bureau. Des policiers en uniforme déploient des rubans pour sécuriser la zone. Alexandre parle avec un homme en jean brut et chemise blanche. Un flic en civil, ce doit être lui qui supervise. La petite cinquantaine sans doute, cheveux poivre et sel et rasé de près. Pas vraiment beau, pas horrible non plus. Il entre dans le bureau. Alexandre m’aperçoit et se dirige vers moi.
— Ana, comment est-ce que vous allez ?
Je serre les bras autour de mon ventre.
— Je… je sais pas trop.
Le doyen, un paternaliste pas loin de la retraite, pose une main qui se veut rassurante sur mon épaule. Je dois faire preuve de tout mon self-contrôle pour ne pas m’écarter.
— Ce qui s’est passé est vraiment atroce, je suis désolé que ce soit vous qui soyez tombée sur le corps. Je crois que vous étiez proche ?
— Pas tant que ça, marmonné-je. C’était un ancien élève devenu un collègue.
Le type en civil ressort du bureau et Alexandre l’interpelle.
— Voici Ana Freiberg, me présente-t-il. Enseignante-chercheuse, c’est elle qui a découvert le corps et vous a appelé.
L’homme plante ses yeux gris dans les miens, il y a quelque chose de direct et de brut chez lui qui me met mal à l’aise.
— Madame Freiberg, je suis l’inspecteur Gallienne. Je serai chargé de l’enquête.
— Inspecteur.
— Pouvons-nous parler seul à seul quelques instants ?
Alexandre sursaute, sûrement peu ravi de se faire écarter.
— Oh oui ! Bien sûr. Si vous avez besoin de quoi que ce soit d’autre…
— Je n’hésiterai pas, affirme Gallienne avec un bref sourire.
Il regarde le doyen s’éloigner avant de désigner mon bureau d’une main. J’y entre sans l’inviter à s’asseoir, si bien que nous restons tous les deux debout. Il ne semble pas s’en offusquer.
— Pouvez-vous me dire quand vous avez découvert le corps ?
— Ce matin, je suis arrivée vers huit heures. Je voulais saluer Joanic, euh… monsieur Nicole, qui arrive souvent de bonne heure également. En ouvrant sa porte, je suis tombée sur…
Je porte une main à ma bouche, le regard braqué sur le sol. Gallienne a sorti son téléphone, sans doute pour noter mes dires, j’ose imaginer qu’il n’enverrait pas des textos en pleine discussion.
— Avez-vous remarqué quelque chose d’inhabituel ?
Je secoue la tête.
— Non, rien du tout.
— D’accord. Monsieur Nicole avait-il des ennemis ? Des personnes qui auraient pu lui en vouloir ?
— Le milieu de la recherche est concurrentiel et les places d’enseignants-chercheurs très disputées, mais rien qui ne justifierait de… de le tuer. Il était apprécié des collègues et des élèves.
L’inspecteur me fixe comme s’il jaugeait mes mots. Sans doute est-ce le cas.
— Quelles étaient vos relations avec lui ?
Nous y voilà.
— Nous étions collègues… amis aussi, en tout cas je le vois, voyais comme tel.
— Il vous arrivait de vous voir en dehors de votre lieu de travail ?
— Quand nous sortions entre collègues oui. Mais c’était assez rare.
— Bien.
Gallienne parcourt mon bureau du regard. Contrairement à celui de Joanic, il est parfaitement rangé, chaque chose est à sa place. Et le bouquet de fleurs n’y est plus.
— Autre chose à nous signaler madame Freiberg ?
— Je… je ne crois pas… dites, vous allez retrouver celui qui a fait ça, n’est-ce pas ? Est-ce que… est-ce que nous devons avoir peur ?
L’inspecteur me décroche un sourire tordu.
— Nous allons faire de notre mieux. Pour le moment rien n’indique qu’il ne s’agit pas d’une affaire isolée, alors ne paniquez pas.
J’acquiesce en resserrant mes bras autour de moi.
— Voici ma carte, si quoi que ce soit vous revient, vous pouvez me contacter directement. Et je vous demanderais de rester joignable pour la suite de l’enquête.
— Bien, inspecteur.
— Je suis désolé pour votre collègue et ami. Bonne journée, madame.
Les yeux rivés sur sa carte, je ne le regarde pas sortir.
Inspecteur Antoine Gallienne. A-t-il cru mes mots ?
9 commentaires
Alsid Kaluende
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Il y a 7 jours
Syllogisme
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Il y a 2 mois
Mikazolinar
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Il y a 2 mois
Gottesmann Pascal
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Il y a 2 mois