Fyctia
Chapitre 3 : Ana 🩸
Lundi 7 octobre 2024
Il n’est pas huit heures lorsque je pénètre dans le bâtiment Olympe de Gouges. Je n’ai pas cours avant neuf heures, mais j’ai de la paperasse à faire. Et puis surtout, je compte bien croiser Joanic avant que nous ne commencions nos journées. Ce type a le toupet de me prendre la tête pour un bouquet de fleurs pour ensuite me snober tout le week-end. Voilà pourquoi je ne veux pas être en couple, si déjà mes amants me pourrissent la vie à coup de jalousie mal placée, ce n’est certainement pas pour engager une relation qui pourrait leur faire croire que je leur appartiens.
Mes talons claquent sur les escaliers que je gravis jusqu’à notre étage. Je ne croise qu’une collègue de neuropsychologie à qui j’adresse un grand sourire en signe de salut. Le reste du bâtiment est calme, nous ne sommes pas tant à arriver si tôt un lundi matin. Si j’aime l’effervescence d’une salle de classe et de l’université grouillante d’étudiants, j’aime aussi ces matinées tranquilles, quand tout semble encore dormir à part moi.
Je traverse le couloir vide pour frapper à la porte de Joanic. Une fois. Deux fois. Pas de réponse. Une boule de colère gonfle dans ma poitrine. Non, mais il se prend pour qui ! Je pousse la porte et… reste figée par le spectacle qui s’offre à moi.
Joanic est allongé au sol dans une marre de sang si importante que je suis étonnée qu’elle n’ait pas coulée dans le couloir. D’une main, je couvre mon nez et ma bouche, l’odeur qui se dégage de son bureau est insupportable. Bon sang, qui a bien pu faire ça ? J’enjambe une traînée de sang pour entrer et le contourner. Comment… sa gorge n’est qu’une immense plaie béante, la peau a noirci, découpée de manière régulière, semble-t-il. Il a les yeux exorbités, les lèvres tout aussi ouvertes que son cou, figée dans une expression grotesque et répugnante. Merde. Merde. Il faut que je prévienne les flics. Je parcours la pièce du regard à la recherche du moindre indice, de l’arme du crime, de quelque chose d’inhabituel. Son bureau est légèrement décalé par rapport à d’habitude, son ordinateur est au sol, le pot à crayon est renversé, ainsi que des livres qui s’empilaient dans un coin. Il s’est donc défendu contre son agresseur.
Qui peut bien avoir voulu faire ça et pourquoi ? Joanic est un homme sans histoire, plutôt apprécié des collègues et des élèves. Je sors mon téléphone de mon sac et compose le numéro de la police.
— Police secours, j’écoute.
— Je suis Madame Freiberg, enseignante à l’université Paris Cité. Je vous appelle pour signaler un meurtre.
— Où vous trouvez-vous exactement ?
Le pot à crayon attire mon regard au sol. Les stylos y sont. Celui que je lui avais offert à Noël dernier.
— Bâtiment Olympe de Gouges, rue Albert Einstein, troisième étage.
— Avez-vous pu voir un suspect ?
Il manque quelque chose. Je contourne le cadre de Joanic pour tenter d’avoir une meilleure vision.
— Non, je pense que la mort date de vendredi soir.
— Comment pouvez-vous l’affirmer ?
Son cutter n’est pas là. Soit il a glissé quelque part hors de vue, soit c’est l’arme dont s’est servi le tueur.
— Il porte les mêmes habits que vendredi.
— Vous connaissez la victime ?
— Joanic Nicole, un de mes collègues.
— Bien, j’envoie des unités immédiatement. Surtout, ne touchez à rien et mettez-vous en sécurité.
— Merci.
Je raccroche sans préciser qu’il est parfaitement inutile que je me mette en sécurité si le crime date d’il y a trois jours. Non, même sous cet angle, je n’aperçois pas le cutter. Résignée, je sors et referme la porte. Pas la peine que qui que ce soit découvre ça avant l’arrivée des flics.
Je rejoins mon propre espace, pose mon sac sur mon fauteuil avant que ce que je viens de vivre ne me percute. Les mains à plat sur mon bureau, je laisse ma tête pendre entre mes bras. Joanic est mort. J’ai vu un cadavre. Quelqu’un dans cette fichue fac a tué mon amant. J’inspire doucement pour ralentir les battements frénétiques de mon cœur. Il faut que je réfléchisse. Il faut que je réfléchisse à ce que je vais dire ou non, avant l’arrivée des flics. Je suis l’amante cachée de la victime, nous nous sommes disputés vendredi supposément juste avant son assassinat. Si quelqu’un a été témoin de notre éclat, je suis dans la merde. Une suspecte parfaite. Il faut que je la joue fine. Inspire, expire. Le doyen, il faut que je prévienne le doyen aussi.
24 commentaires
Alsid Kaluende
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Il y a 7 jours
Syllogisme
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Il y a 2 mois
Mikazolinar
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Il y a 2 mois
Gottesmann Pascal
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Il y a 2 mois
Mikazolinar
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Il y a 2 mois