Emy_pwr Psychanalyse d'une bête à cornes Les bienfaits du Lambig

Les bienfaits du Lambig

Un premier verre de pommeau lui sucre l'intégralité du palais. C'est délicieux, fruité et réconfortant.


– L'équilibre est harmonieux, commente Christelle.

– Mon père le laisse vieillir 5 à 6 ans en fûts de chêne. C'est aussi de là que lui vient cette belle couleur ambrée.

– Il est excellent. Maurice a du talent.

– Attendez de goûter ça, poursuit-elle en servant une rasade de liqueur de prune.

– Hmmm… Elle est plus sèche, observe Christelle. Ça n'est pas ce que je préfère. Je m'attendais à quelque chose de plus fort.

– Plus fort ? Ok. Essayez ça alors, conclut Julia en versant le Lambig dans son verre. Cul-sec !

Christelle s'exécute, bien qu'elle ait remarqué à l'odeur que le liquide aux reflets de miel était corsé.

– Ça désinfecte, crache-t-elle en ouvrant la bouche comme pour laisser filer les vapeurs de l'alcool.


Julia, hilare, se sert enfin un verre pour accompagner son hôte dont les joues rosées en disent long sur son état d'ébriété naissant. Elle l'entrechoque contre le sien et avale à son tour le nectar d'une traite.

D'un regard provocateur, Julia la défie de survivre à une autre tournée. Mais il en faut plus à Christelle pour trembler.

– Vous avez l'air de tenir le coup, lui lance Christelle.

– Vous êtes sans doute plus habituée que moi à ce genre de concours.

– Insinuez-vous que les Parisiens boivent comme des trous ?


Julia éclate de rire. Une fois calmée, elle reste silencieuse et dévisage Christelle. Cette dernière aimerait bien savoir ce qu'elle a en tête pour se gausser ainsi. Mais le mystère reste entier tandis qu'elle remplit les deux contenants vides.

– Vous voulez ma mort ?

– On pourrait peut-être se tutoyer ? Sauf si vos manières vous l'interdisent.

– Même éméchée, il vous reste encore de l'humour. Va pour le tutoiement, Julia.

– Ça fera toujours une barrière de moins entre nous, suggère-t-elle en l'examinant.

– J'ai du mal à vous... à te cerner. Je ne sais pas ce que tu t'imagines réellement à mon sujet.

– Tu veux vraiment le savoir ?


Christelle hoche la tête, aussi impatiente qu'anxieuse de le découvrir. Julia prend une grande inspiration, engloutit son verre, fait un signe du menton pour qu'elle en fasse de même et sert la troisième tournée.

– Je pense que l'éducation et l'environnement jouent un rôle là-dedans.

Les yeux ronds de Christelle la pousse à développer.

– Plutôt que d'essayer d'imaginer quelle vie tu mènes, j'aurais plutôt tendance à me demander comment tu as pu en arriver là.

– Je ne sais pas comment je dois le prendre. Qu'entends-tu par arriver là ?

– On ne peut pas dire que tu sois avenante et altruiste. Le nier serait de la pure mauvaise foi.

– À ce point ? ironise-t-elle.

– Quant à tes amies, elles semblent toutes être à ton image, vu le peu de considération qu'elles ont pour toi.

– Je te garantis qu'elles vont le payer cher ! lance-t-elle avec un sourire vengeur.

– Il paraît qu'on a que ce que l'on mérite... La question que je me pose, c'est pourquoi ? Pour quelle raison te comportes-tu comme tu le fais ? Quand on te voit, on ne peut que constater que c'est ancré en toi, murmure-t-elle.

– C'est-à-dire ?

– Tu es vraiment méchante, Christelle. On dirait même que c'est un réflexe chez toi.

– C'est rude, ce que tu dis. Je pensais en avoir terminé avec les reproches, rétorque-t-elle vexée.

– Ça n'est pas une critique, c'est un constat. Ça me fait de la peine. Je ne te dis pas ça parce que je suis en colère, mais parce que je devine que quelque chose est à l'origine de ton agressivité. Pour en arriver à être aussi dure avec les autres, tu as forcément dû en chier à un moment. Je ne connais pas ton histoire, alors je m'interroge, c'est tout.

– Qu'est ce que tu veux dire ? Tu me plains maintenant ?

– En quelque sorte. Je me demande ce qu'il y a sous cette rigide carapace. Parce que par moment, tu es...

– Sympa ?

– Presque, pouffe-t-elle.


Un ange passe dans la campagne Bretonne. Les yeux dans le vague, Christelle paraît soudain ailleurs. Un soupir lui échappe avant de regarder Julia, qui semble la sonder comme un sonar. Mal à l'aise, elle préfère prétexter un début de mal de tête pour mettre fin à la soirée.


Au chant du coq, Christelle ouvre les yeux. Le cœur battant dans ses tempes, elle cherche de quoi réduire sa migraine dans sa petite trousse à pharmacie de voyage. Merci le Lambig ! Elle se souvient vaguement avoir accepté de prêter main forte à la ferme aujourd'hui. Une façon de découvrir ce milieu rural qu'elle connait peu. Si elle avait su qu'elle se retrouverait dans cet état au réveil, elle aurait refusé.

Ponctuelle, Julia toque à la porte à huit heures du matin. Quand elle découvre la mine embrumée de Christelle, elle ne peut s'empêcher de sourire.

– Mon père s'est chargé du nourrissage. On va sortir les bêtes et s'occuper du paillage. Mais j'ai une mission toute particulière pour toi, pendant que je déroulerai les balles de fourrage.

– Qu'est-ce que c'est ? demande-t-elle méfiante.

– Tu verras !


Habillée comme une pro avec une cotte de travail bleu roi, Christelle a fière allure. À voir la sincère admiration dans les yeux de Julia, elle imagine que le vêtement est plutôt bien ajusté. Une paire de bottes vient compléter son attirail. Ce n'est certes pas beau, mais c'est très confortable, admet-elle. Si ses amies la voyaient, elle serait bonne pour une séance de blagues d'une cruauté déconcertante. Iris, qui la trouverait grotesque, n'hésiterait pas à la désigner miss péquenaude sur le champ.


Suivant Julia le long d'un bâtiment, elle aperçoit au loin quelques petites têtes dépassant à peine des barrières. Sans s'en rendre compte, son sourire s'élargit à mesure qu'elles se rapprochent de l'enclos. Galopant fébrilement dans un espace plus réduit que celui des adultes, les petits veaux attendent leur pitance. Elle fond littéralement et s'accroupit naturellement au centre du troupeau de nouveau-nés. Instinctivement, ses mains parcourent leurs flancs, leurs cous, s'attardent derrière leurs petites oreilles. Appréciant ce contact maternel et bienveillant, les petits se regroupent autour d'elle, tendant leur museau pour attraper tout ce qu'ils peuvent téter. Ses doigts, un morceau de tissu et même ses oreilles semblent les contenter.


Happée par ce spectacle attendrissant, Christelle n'entend pas arriver une invitée bien plus imposante. Juste derrière elle, une vache curieuse, venue admirer le spectacle, vient de passer sa tête par dessus la balustrade de l'enclos. Alors qu'elle se relève franchement, sa tête la heurte violement.

Elle se rassoit illico, des étoiles devant les yeux et un voile noir en toile de fond.

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8 commentaires

Cendre Elven / Mary Ann P. Mikael

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Il y a 4 ans

J'ai hâte de la voir évoluer. On voit doucement mais sûrement quelques petites choses se caler.

Angèle G. Melko (ColibriJaune)

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Il y a 4 ans

J'aime bien l'avancée discrète et timide entre les deux jeunes femmes...

Emy_pwr

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Il y a 4 ans

😉😘

Lyaminh

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Il y a 4 ans

Le choc de la deuxième rencontre 😂 J'adore toujours autant 👍

Aziliz Bargedenn (Melocoton)

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Il y a 4 ans

Décidément !

AuroreChatras

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Il y a 4 ans

Son second contact avec la vache ne s'est encore pas bien passé... Elle va en avoir la phobie ;)

Emy_pwr

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Il y a 4 ans

Mais non… mais jamais deux sans trois ou pas ? 🤔

AuroreChatras

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Il y a 4 ans

C'est ce que j'ai hâte de savoir ;)
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