Fyctia
Chap 7.1 - Merci Boo !
Je le suis dans les escaliers, Suzanne sur les talons.
— Ah oui, en effet, marmonne-t-il en pataugeant dans le couloir.
Je me retourne vers son épouse catastrophée dont la main recouvre sa bouche. Jean s’agenouille difficilement devant le meuble vasque comme je l’ai fait plus tôt.
— Mais pendant combien de temps avez-vous laissé couler ça ?! bougonne-t-il.
— Je n’ai rien laissé couler ! m’exclamé-je. Je dormais.
— Et hier soir, il n’y avait pas de fuite ? s’étonne ma propriétaire.
Alors là, je suis scotchée.
— Bien sûr que non ! Si j’avais vu de l’eau quelque part, je serais venue vous alerter !
— Est-ce que tout va bien ? questionne une voix depuis le couloir, que je reconnais sans mal.
Il ne manquait plus que lui !
— Oui, tout va bien ! crié-je.
— Non, il y a une fuite, monsieur Bjornsson ! s’empresse de rétorquer madame Garnier en quittant la salle de bains pour rejoindre mon voisin. Vous vous y connaissez peut-être en plomberie ?
Vu qu’il reste enfermé chaque jour dans son appartement, ça m’étonnerait que ce soit son métier.
— Non, malheureusement, l’entends-je répondre à notre propriétaire. Je ne vous serai pas d’une grande utilité.
— Bon, il faut couper l’eau, soupire Jean en se redressant, le pantalon trempé jusqu’aux genoux.
Oui, s’il vous plaît, imploré-je dans mon for intérieur.
— C’EST CE QUE JE T’AVAIS DIT DE FAIRE ! s’emporte sa femme.
Sans répliquer, son mari se précipite au rez-de-chaussée. Le pauvre homme me fait un peu de la peine… Toujours en train de se faire houspiller par son épouse. Après m’être assurée que Boo attend sagement sur la table du salon, je retrouve Suzanne sur le palier qui fixe d’un air satisfait mon voisin, vêtu de la même tenue qu’hier soir. Est-ce qu’il dort tout habillé ? En parallèle, je réalise que mon inondation n’a plus l’air d’affoler notre chère proprio depuis que Odin a fait son apparition.
— Savez-vous où vous allez loger en attendant ? me questionne soudainement ce dernier.
Excellente question, que je ne m’étais pas encore posée. Mon regard va de lui à Suzanne, puis se pose sur mon couloir.
— Je n’en sais rien, murmuré-je.
— Il faudra compter une quinzaine de jours, me coupe-t-elle. Il faut faire venir l’assureur…
— Quinze jours ?! glapis-je.
— Minimum ! insiste-t-elle. Vous savez, pour un sinistre, les démarches administratives prennent du temps. Le temps de faire les travaux…
— Suzanne, c’est coupé ! l’interrompt son mari du rez-de-chaussée. Tu vérifies ?
Celle-ci lui hurle : « j’y vais ! » et retourne d’un pas rapide dans mon appartement, nous laissant seuls, Odin et moi.
— Vous pouvez retourner vous coucher, lui soufflé-je avant de détailler ses vêtements. Enfin, si vous dormiez…
Je ne sais pas pourquoi ces derniers mots sont sortis de ma bouche. Ils dépassent toujours ma pensée. Qu’il dorme, ou non, ne me regarde absolument pas. Cependant, aussi surprenant que cela puisse paraître, Odin se justifie :
— Je ne dormais pas, j’essayais de…, hésite-t-il en quittant mon regard…, de travailler.
Donc, il a bien un travail. Mais que trafique-t-il à cette heure de la nuit ? Décidément, sa profession est de plus en plus intrigante !
— En attendant de trouver un endroit où dormir, intervient Suzanne que je n’avais pas vue réapparaître, vous pouvez vous installer dans la chambre de Jules. Notre fils ne rentrera que fin de semaine prochaine pour les fêtes.
Dormir dans l’appartement des Garnier avec mon chat, sous l’œil attentif de leurs trois chiens hargneux, ne m’enchante guère, mais dans l’instant, je n’ai pas d’autre choix malheureusement.
— D’accord, merci, murmuré-je tandis qu’elle disparaît au rez-de-chaussée. Je vais récupérer Boo.
Odin est encore là et m’observe attentivement. Je hausse les sourcils, sans trop savoir quoi lui dire. Qu’attend-il au juste ? Il se racle la gorge comme s’il cherchait ses mots, son regard énigmatique se tourne vers son appartement, puis se repose sur moi.
— Bonne n…
— Si jamais…
Nos deux voix se confondent.
— Navré. Vous disiez ? demande-t-il.
— J’allais simplement vous souhaiter bonne nuit.
Nos regards se détaillent.
— Et vous, qu’alliez-vous dire ?
— Hum, réfléchit-il à nouveau. Si jamais vous ne trouviez pas de logement temporaire, mon appartement dispose d’une chambre d’ami, que je n’utilise pas.
Ma bouche s’entrouvre sous le coup de la surprise. Sa proposition est des plus inattendues ! Odin s’en rend compte, ou bien mon visage lui fait prendre conscience que cette suggestion est pour le moins étonnante, dans tous les cas, il se met à bafouiller et cherche à se raccrocher aux branches :
— Vous… vous avez probablement de la famille, ou… ou bien des amis, chez qui loger, bien sûr… ! Mais, je disais seulement ça parce qu’avec les fêtes, quelquefois les gens sont occupés, voire absents…
Durant son laïus décousu, il marche à reculons, sans me quitter des yeux, pour regagner le seuil de sa porte.
— Je sais que nous ne nous connaissons pas, mais… je suis quelqu’un de bien.
Ses propres mots lui soutirent une grimace. Et moi, je me retiens de sourire face à son monologue incertain.
— Non, je ne voulais pas dire ça comme ça. Disons que j’essaie… d’être quelqu’un de bien, précise-t-il par crainte que je ne suive pas. Mais… comme tout le monde, je suppose ?
Odin se mord la lèvre inférieure comme s’il aimerait cesser de parler, mais qu’il n’y arrive pas. Il saisit la poignée de sa porte, puis son corps massif parvient à se faufiler dans l’entrebâillement lorsqu’il ajoute :
— Bref, si besoin… n’hésitez pas.
Sur une mine à la fois sérieuse et embarrassée, il referme la porte que j’examine durant plusieurs secondes. Le serial-killer aux multiples personnalités a tenté de me dire qu’il essayait d’être quelqu’un de bien. Quel personnage… singulier ! Je ne trouve pas d’autre mot pour le décrire.
Je côtoie de nombreux Anglais dans mon travail, et s’ils sont tous avenants et prêts à vous rendre service, Odin ne fait pas partie de ceux-là. Enfin, c’est ce que je pensais… Ma foi, j’ai plus urgent à traiter que l’attitude troublante de mon voisin. Mes pieds se détournent enfin, et clapotent jusqu’à ma chambre, où j’attrape un sac pour y fourrer des affaires de rechange, mon portable et mon ordinateur. Boo patiente sur le montant de la cheminée du salon. Une fois capturé, je pars rejoindre l’appartement des Garnier avec beaucoup d’appréhensions.
4 commentaires
Tmxaddictbooks
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Il y a 14 jours
Sonia J. SAM
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Il y a 13 jours
la-mahie
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Il y a 16 jours
Sonia J. SAM
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Il y a 15 jours