Sonia J. SAM PS : Je serai ton fiancé pour Noël ! Chap 8 - Repas improvisé

Chap 8 - Repas improvisé

ODIN

Est-ce qu’il y a deux jours, j’ai proposé à ma voisine de venir vivre chez moi ? Oui. Temporairement, bien sûr. Mais quand j’y pense… et j’y repense souvent, j’ai envie de me flageller. Quelle inconnue -qui me désigne comme un connard d’Anglais, qui plus est- accepterait cette proposition farfelue ? Qu’est-ce qui a bien pu me traverser l’esprit ?! Le manque de sommeil et d’inspiration m’a rendu confus et beaucoup trop avenant !

J’ai la sensation que cette lettre du futur m’a bouleversée, bien plus que je ne veux l’admettre. Elle me poursuit jusque dans mes rêves. J’imagine souvent que j’en suis l’auteur et que mon éditeur trouve l’idée incroyable, tous mes problèmes s’envolent et ce second manuscrit est une réussite. Évidemment, quand je comprends que rien de tout ceci n’est vrai, chaque réveil est plus pénible que le précédent. Quelle amère déception !

Quand je repense aux mots rédigés par Méline, à ce sentiment de solitude qui transcende les lignes, ma cage thoracique se comprime. Je n’ai de l’empathie que pour les personnages que je crée, et pour mes proches, qui se comptent sur les doigts d’une seule main. Rarement, pour ceux en dehors de ce cercle restreint. Mais, étrangement, concernant ma voisine, cela me perturbe.

Lorsque je l’ai vue dans son pyjama trempé, le regard perdu vers son couloir inondé, j’ai eu envie d’agir, ça a été plus fort que moi ! Au point de lui proposer la chambre vacante de mon appart… Je vais finir par croire ma sœur, Mila, qui pense que je suis du signe de l’hypersensible, ascendant coincé des sentiments. Mes amis me disent que mes réactions sont parfois démesurées, quand j’aime, je ne compte pas, au risque d’être trop bon, trop con. Le problème avec ça, c’est qu’on vous trahit plus facilement et Méline a apparemment vécu une situation assez similaire à la mienne, même si je n’ai eu que les grandes lignes. À force d’y réfléchir, je pense que je me suis retrouvé dans sa lettre, et c’est ce qui a déclenché cette irrépressible envie de lui tendre la main.

Le pire dans tout cela, c’est que je ne l’ai pas recroisé depuis qu’elle loge au rez-de-chaussée. M’éviterait-elle ? Ça n’aurait rien de surprenant.

Mon estomac émet un grognement. Installé à mon bureau depuis l’aube, je n’ai rien avalé mis à part deux cafés. Ma montre indique 11 h 45, je me lève pour regagner la cuisine, ouvre mes placards, puis le frigo, néanmoins le constat est le même : tout est quasiment vide. Il ne reste que quelques paquets de pâtes, un bidon de lait entamé et du fromage râpé. Rien qui puisse contenter ma faim. Par fainéantise, commander à emporter ou rejoindre le café de Fatou me semble être les deux meilleures alternatives. Mais, que vais-je manger ce soir, et les autres jours à venir… ? Il serait temps de faire quelques courses, mais c’est une corvée que je repousse. Il va pourtant bien falloir se nourrir. Billie serait folle si elle se penchait sur mon hygiène de vie. Mes parents sont malheureusement partis trop tôt, et bien que je n'en ai pas besoin, mon agente s'est transformée en mère de substitution. Elle venait régulièrement fourrer son nez dans mon appartement de Londres et râlait chaque fois devant mes placards vides.

Même si ça n’a pas toujours été ainsi. Nostalgique, je repense à l’époque où j’adorais cuisiner. Chaque plat était une symphonie de saveurs, un instant d’évasion et de création, un peu comme lorsque j’écris des romans. Un acte solitaire qui finissait par un moment de partage. C’est ce que je préférais : faire plaisir à la personne qui mangeait à mes côtés. La voir goûter et apprécier ce que j’avais préparé pour elle, plus que pour moi, était le meilleur des sentiments. Néanmoins, certaines trahisons remettent tout en question, votre vie et vos attentes en celle-ci. Je pousse un soupir résigné. Il est temps de briser cette routine malsaine. Je décide de m’habiller et de rejoindre la supérette non loin de chez moi pour faire quelques courses pour la semaine. Peut-être retrouverai-je le plaisir de la cuisine, même si c’est seulement pour moi. Ce sera déjà un bon début.


Je déambule entre les rayons, poussant un caddie que je remplis à peine, sur fond de musiques de Noël. Mes yeux naviguent sur les étalages à la recherche de portions individuelles… Les plats industriels sont bardés de cochonneries, je préfère encore ne rien manger. Ma main passe dans mes cheveux, mes joues se gonflent, j’expire lentement. Quelle plaie !

En parfaite contradiction, un « c’est génial ! » retentit un peu plus loin, sur ma droite. Une femme qui m’évoque quelqu’un est emmitouflée dans un épais manteau beige, tandis qu’un bonnet de même couleur retient difficilement une cascade d'ondulations brunes. Elle est de dos, mais quand elle s’arrête et pivote pour examiner les tablettes de chocolat, je reconnais aussitôt le profil de Méline. Je comprends mieux pourquoi sa voix m’a interpellé. Mon ouïe a toujours apprécié son accent clair et distingué qui articule chaque syllabe. L’une de ses mains gantées tient fermement son portable, l’autre un panier aussi peu rempli que mon caddie, et les écouteurs blancs dans ses oreilles m’indiquent qu’elle est en communication. Mon attention se reporte sur les pâtes à tartiner, je ne sais même pas ce que je fais dans ce rayon… Ce magasin aura ma peau.

« Je suis ravie que vous ayez passé le cap de vivre ensemble, Priya ! Sarah doit être aux anges, depuis le temps qu’elle te le demande… »

Ce doit être à cause des écouteurs vissés dans les oreilles, mais sa voix porte loin. En tout cas, jusqu’à moi.

« Je comprends, ne t’en fais pas, ma biche. Je vais contacter Ben, il aura bien une chambre à me louer au-dessus de son… »

Sa locutrice lui coupe momentanément la parole, car ma voisine ne termine pas sa phrase. S’ensuit un simple « Oh » désappointé.

Pour ma part, ne sachant que faire, sans pour autant m’éloigner, j’examine un pot de beurre de cacahuète comme s’il s’agissait d’une incroyable découverte. Quand Méline poursuit : « Je ne savais pas que Ben était parti en Italie ! En même temps, il n’a pas beaucoup parlé de lui. Ah, je m’en veux… [Un court silence] Ce que je vais faire ? Eh bien, réfléchit-elle, il ne me reste plus qu’à prendre une chambre d’hôtel. Mais mon salaire va y passer ! »

Elle lève ses yeux désespérés vers le ciel.

« Impossible de vivre chez ma proprio, même Boo est sur le point de faire un burn-out ! Les caniches grattent derrière notre porte. Jour et nuit ! Télétravailler est infaisable. Je n’en peux plus. Et attends, est-ce que tu sais le type de matelas qu’ils ont choisi pour leur fils ? à eau ! À EAUUU, Priya ! » crie-t-elle plus fort. « L’univers se moque de moi ! Ils ont dû créer une petite réception là-haut avec pour thème : « foutre sa vie en l’air » et ça doit bien se marrer, moi j’te le dis ! »

Je suis abasourdi par ce que j’entends. À tel point que j’ai abandonné la contemplation du troisième pot de beurre de cacahuète pour fixer mon ex-voisine depuis plusieurs secondes.

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4 commentaires

Tmxaddictbooks

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Il y a 11 jours

Vivement la colocation 🙄

Sonia J. SAM

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Il y a 9 jours

Hihi ! Elle arrive 😋

la-mahie

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Il y a 12 jours

Ce n est pas bien d écouter les conversations des autres ... mais on ne peut pas s en empêcher 😅

Sonia J. SAM

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Il y a 11 jours

Oh oui surtout quand il s’agit de la personne qui ne quitte pas nos pensées 👀
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