Fyctia
Chap 7 - Merci Boo !
Mes yeux se réouvrent pour se lever vers le ciel, ainsi que mon poing menaçant :
— On n’est pas tous censé avoir un guide ou quelqu’un qui nous conseille là-haut ?! houspillé-je. Si on m’a assigné Dionysos, j’aimerais changer avec Athéna, s’il vous plaît ! insisté-je en regagnant ma chambre pour abandonner la lettre dans le tiroir de ma petite table de nuit.
Je ne suis pas prête à relire mes élucubrations d’ivrogne.
En retrouvant ma place devant mon ordinateur, je reprends mon travail durant plusieurs heures bien que mes pensées vagabondent régulièrement vers l’attitude étonnante de mon voisin. Pourquoi me demander d’entrer alors qu’il n’avait qu’une lettre à me rendre ? Depuis son emménagement, il y a six mois, nous n’avons jamais cherché à faire ami-ami. Pourquoi devenir aimable si soudainement ? Ces questions me tourmentent jusqu’à la fin de la journée.
Et ce n’est qu’au moment du coucher, allongée confortablement sous la couette et après avoir éteint la lumière, que mon buste se relève brusquement.
Et si… ?
Je me tourne, allume la petite lampe et tire vivement sur la poignée du tiroir pour récupérer le courrier. Mes doigts palpent l’enveloppe, la saisissent pour la retourner. Mes yeux s’attendent à découvrir le rabat soulevé… mais, contre toute attente, il n’en est rien. Le pli est un peu froissé, certes, mais encore bien collé. Odin ne l’aurait donc pas ouverte ?! C’est étrange, mais j’étais persuadée d’être sur la bonne voie. Son attitude était si… déroutante ! Ne pas trouver d’explication me perturbe plus que de raison. Cependant, j’ai déjà suffisamment de mélodrames dans ma vie pour en rajouter avec le voisin ! Je range le courrier, éteins la lumière et me rallonge.
Quand je pense qu’Arsène ne m’a toujours pas écrit… Pas même un SMS. Vraiment, je ne saisis pas comment c’est possible d’être aussi proche de quelqu’un un jour, pour finalement devenir de parfaits inconnus le lendemain ! Je me soucie trop des gens que j’aime pour m’en détacher aussi facilement. Oui, même ceux qui m’ont trahie. La tristesse est un serpent qui s’enroule autour de mon cœur et resserre lentement ses anneaux. Je me sens étouffer quand un ronronnement apaisant s’installe à côté de mon oreille.
Boo.
Du moins deux billes reflétant les rayons lunaires, me fixent dans la nuit. Mon chat est un capteur à émotions négatives. Dès qu’il sent monter une crise d’anxiété -et j’y suis sujette depuis toute petite-, il rapplique, tel un précieux doudou. Je soulève la couette et ma boule de poils ne perd pas une seconde pour venir se lover contre ma poitrine. Mon bras l’entoure et j’embrasse le dessus de sa petite tête.
« Merci Boo », lui chuchoté-je.
En réponse, il cligne des yeux tandis que je ferme les miens, rassurée par sa présence réconfortante. Les animaux sont de véritables êtres magiques, dépourvus de méchanceté, contrairement à certains êtres humains. Sur cette pensée, je m’endors d’un sommeil mouvementé.
Cette nuit-là, la trahison d’Arsène se rejoue indéfiniment sous mes paupières closes. Alors, quand je me réveille en sursaut, je pense à tort qu’un cauchemar en est la cause. Seulement, le miaulement plaintif de Boo m’interpelle. C’est la première fois que je l’entends miauler de cette façon ! Comme un appel à l’aide.
Mes doigts tâtonnent jusqu’à trouver l’interrupteur de la lampe de chevet.
La petite lumière éclaire la chambre, ainsi que Boo en équilibre sur le pied de mon lit, cherchant à descendre sans passer à l’acte.
Que lui arrive-t-il ?!
Je me frotte les yeux, pivote et pose mes pieds sur le s… dans l’eau froide !
DE L’EAU ?! De l’eau roule sur le parquet verni !
Un glapissement jaillit de ma bouche.
Bien réveillée, je constate que ma chambre est inondée !
Est-ce que je suis encore en train de cauchemarder ?!
Boo et moi nous regardons du même air déconcerté. Je comprends que ce sont ses miaulements d’alerte qui m’ont réveillée ! J’attrape mon chat entre mes bras et rejoins le couloir de l’entrée, puis la cuisine… Le même désastre s’est répandu partout : le sol de mon appartement ruisselle. Le tapis de mon salon est imbibé. Je pose Boo en hauteur puisqu’il s’agite entre mes bras, puis je file dans la salle de bains où je suis persuadée que la catastrophe a débuté…
Dans le mille !
En poussant la porte, je découvre une immense tâche sombre sur le mur de gauche, qui fait quasiment ma taille et rejoint le meuble sous l’évier. L’eau coule abondamment sous les deux petites portes blanches. Je m’abaisse et mes mains agrippent les poignées, révélant un trou béant d’où l’eau jaillit. Je m’empresse de récupérer de grosses serviettes pour essayer de colmater la fuite, mais la pression est trop forte ! Je ne réussis qu’à créer un geyser plus important et à m’asperger la face. Je tombe sur les fesses, les bras ballants, sous le choc.
Seigneur… mes affaires… gémis-je.
Mes papiers ?! Ils sont rangés en hauteur dans ma penderie.
Bon.
Je dois appeler quelqu’un. Qui ?! Les pompiers ?
Je panique totalement !
On ne dérange pas les pompiers pour une fuite d’eau !
Putain, Méline, réfléchis !
Je me lève en observant le désastre.
Couper l’eau ! Il faut couper l’eau. Mais, où est-ce qu’on fait ça ?!
Madame Garnier !! Je dois prévenir madame Garnier !
Ni une, ni deux, je me précipite à l’extérieur, descends les escaliers et frappe des petits coups paniqués sur la porte de ma propriétaire. Je n’ai même pas regardé l’heure, mais étant donné que le sas d’entrée est plongé dans la nuit noire, l’aube n’a pas encore pointé le bout de son nez.
Viiittteee…
Nous sommes au beau milieu de la nuit, malheureusement je n’ai pas d’autre choix que de les réveiller ! Personne ne vient, je tambourine plus fort des deux poings.
— MADAME GARNIER ?! crié-je. IL Y A UNE URGENCEEEE !
Un trousseau s’agite de l’autre côté de la porte, qui s’ouvre enfin. Suzanne apparaît, les yeux plissés, dans un peignoir de coton rose.
— Mais, enfiiiin, vous avez vu l’heuuuure, il est à peine 2 h ! se plaint-elle.
— Je suis désolée, m’empressé-je de dire, mais mon appartement est inondé ! Il faut couper l’eau !
Ses yeux s’écarquillent un peu plus.
— Vous êtes sûre ?
Sa question m’étonne tellement que ma bouche s’entrouvre d’hébétement.
— Sûre de l’inondation ?! répété-je comme si j’avais mal compris. Je me suis réveillée les pieds dans l’eau, la fuite vient du mur de la salle de bains, là où j’entends les bruits dont je vous parle tout le temps ! déblatéré-je sans reprendre mon souffle.
— JEAN ! réagit -enfin- Suzanne en appelant son mari.
Elle retourne dans son appartement, je reste à piétiner dans le couloir tandis qu’elle se met à crier sur son conjoint : « Dépêche-toi de t’habiller ! Apparemment, c’est inondé dans l’appartement de la p’tite Joly ! ».
Apparemment.
Le temps me paraît bien long avant que monsieur Garnier ne fasse son apparition. Il termine d’enfiler son pull, et passe son habituel béret gris sur son crâne chauve en me saluant d’un rapide mouvement de la tête.
2 commentaires
la-mahie
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Il y a 19 jours
Sonia J. SAM
-
Il y a 19 jours