Fyctia
Chap 6.3 Mauvais destinataire
Je m’empresse de tourner la page où un dernier paragraphe conclut cette lettre. Et son contenu me laisse perplexe ! Il me faut d’ailleurs plusieurs longues secondes pour réaliser que moi, Odin Bjornsson, contribue au malheur de ma voisine ! Je relis le même passage : « Je vais certainement finir vieille fille, avec Boo pour seul compagnon, dans cet appartement minuscule et bruyant ! Avec un connard de voisin Anglais, arrogant et hautain, qui passe son temps enfermé entre quatre murs et qui, chaque fois qu’il me croise, me fait me sentir comme une pauvre fille. Je ne sais pas ce que j’ai signé comme contrat avec l’Univers avant de m’incarner sur cette Terre, mais je n’ai pas pu choisir cette vie ! »
Ses quelques mots me frappent comme des coups de poing.
Je ne m'attendais pas à une telle perception, teintée d’animosité.
« Connard de voisin Anglais, arrogant et hautain ». Je ne suis même pas Anglais ! Cependant, la tristesse qui se dégage de sa lettre m'incite à ne pas prendre la mouche. Son désespoir est palpable et je suis, apparemment, un bon défouloir.
Mon regard s’abaisse vers la dernière phrase : « Alors, Méline du futur, je t’en supplie… peu importe le temps que ça prendra, mais quand tu liras cette lettre, promets-moi que ta vie sera plus belle que celle d’aujourd’hui. »
Une dernière phrase est écrite un peu plus bas, comme un appel à l’aide :
« P.S : j’ai besoin d’un fiancé pour Noël ! ».
Je reste immobile.
Et pensif.
Le courrier glisse d’entre mes doigts pour atterrir au centre de mon bureau. Mon bras vient doucement reposer sur l’accoudoir, tandis que mes ongles grattent mon menton, où une barbe est en train de peu à peu s’installer. Mon corps est parcouru d’une impulsion électrique, quand mon esprit, lui, est en parfaite ébullition. Et cela faisait bien trop longtemps que ça ne m'était pas arrivé !
CHAPITRE 7 - Merci Boo !
Méline
Puisque la personne derrière ma porte a décidé d’insister, me voilà à nouveau en train de regarder par l’œilleton. Qui ose s’aventurer… ?
J’écarquille les yeux en découvrant que mon voisin n’a visiblement pas quitté l’immeuble et qu’il n’a pas l’intention d’en sortir, puisqu’il est juste vêtu d’un simple pull… moche, qui plus est. Son poing s’écrase contre ma porte avec force. Un peu plus et il va la défoncer, et entrer par effraction ! Je vois à son visage fermé qu’il s’impatiente. Serait-ce à cause de la musique ? Cela fait un moment que j’ai baissé le volume ! Mon pouce et mon index triturent mes lèvres comme chaque fois que je suis stressée. Respire, tu peux t’exprimer normalement, pas question que ce type te mette mal à l’aise une fois de plus !
Je tourne la clé dans la serrure et ouvre la porte.
— Que voulez-vous ? attaqué-je d’une voix pressée.
Odin a entrouvert la bouche en même temps que moi, mais j’ai parlé la première. Ses lèvres se referment et se pincent dans un demi-sourire, comme s’il s’y attendait. Ses yeux marron-dorés m’examinent attentivement et je détourne les miens, gênée par son silence. Alors que je m’apprête à réitérer ma question, mon voisin attrape la poignée de ma porte et la referme.
Mon regard va-et-vient, cherchant à comprendre ce qu’il vient de se passer.
Il est timbré ou quoi ?!
Quand son poing s’écrase sur le battant, je sursaute.
Mais, enfin ! À quoi est-ce qu’il joue ?!
J’ouvre avec une expression à la fois déroutée et excédée sur le visage.
— Bonjour, Méline, annonce son timbre grave et posé.
J’affiche une moue contrariée en croisant les bras.
— Passons les banalités, nous n’en avons jamais fait usage vous et moi.
— Et c’était une erreur, je m’en excuse.
Sa réponse me cloue le bec et, puisque je suis incapable de cacher mes émotions, ça se lit sur ma mine déconfite qui le fait sourire. Un sourire chaleureux et sympathique. Qu’est-ce qui lui arrive ? Où est passé le voisin muet, hostile et condescendant ?!
— Est-ce que vous m’inviteriez à entrer ? suggère-t-il.
De mieux en mieux.
Je me mets sur la pointe des pieds pour regarder derrière lui. Odin se tourne légèrement, cherchant à comprendre ce que je cherche. J’avoue ne pas bien savoir non plus… Ou bien peut-être le passage successif d’un chat blanc qui indiquerait un problème dans la Matrice ? Il y a quelque chose qui cloche, et j’aimerais découvrir pourquoi mon voisin, ce serial killer, tente de pénétrer mon appartement.
— Passer des banalités à une invitation chez moi me semble un peu excessif, répliqué-je. Que me voulez-vous au juste ?
Odin comprend aisément que je ne le laisserai pas mettre un pied dans mon appartement, alors il finit par ne plus taire la raison de sa présence. Sa main droite récupère quelque chose dans la poche de son jean… Une arme ? Un couteau ? Mon cœur s’accélère.
Une enveloppe !
Mon cœur décélère.
Putain, Méline, faut arrêter les émissions criminelles !
— Ceci vous appartient, enfin… je pense, déclare-t-il en me fixant intensément.
Mes doigts attrapent le papier rectangulaire, mais quand ils tirent dessus, les siens résistent. Nos regards plongent alors l’un dans l’autre. Mes iris se veulent farouches tandis que ses pupilles sont déterminées.
— Vous ne lâchez pas ? murmuré-je.
Ses yeux s’abaissent vers nos mains, avant qu’il ne réagisse enfin.
— Si si, bien sûr, souffle-t-il doucement en desserrant sa prise.
Il est vraiment étrange aujourd’hui.
Mon regard se porte sur l’inscription maladroite notée sur le courrier, « Méline du futur ». Aussitôt, la chaleur inonde mon visage. Mes joues doivent être aussi rouges que ma porte d’entrée. Qu’est-ce que…
Oh-Mon-Dieu !
Tout me revient comme un violent tsunami.
Ma soirée arrosée et cette lettre qui m’avait semblé être l’idée du siècle. Sous l’influence de l’alcool, c’est fou comme tout paraît plus fun et évident !
Odin, dont je ne perçois plus que le bout des chaussures, a forcément lu l’adresse pour savoir que cette lettre ne lui était pas destinée…
Le malaise est de retour. Loupé pour cette fois.
Je ne sais comment, j’ose relever les yeux vers lui. Un sourire gêné se dessine sur mes lèvres. Celles-ci se pincent, ma tête dodeline de haut en bas, cherchant une idée, un subterfuge, n’importe quoi qui m’aiderait à retrouver une contenance. Rien ne m’aidera à justifier ce que je tiens si désespérément entre mes doigts. Cette enveloppe n’est pas une bouée.
— Hum… eh bien, merci ! hésité-je avant de lui claquer la porte au nez.
Tout mon être se crispe, mes paupières se ferment et mes paumes se plaquent sur mon visage. Je retiens un gémissement de désespoir. Pourquoi est-ce que j’ai fait ça ? Je n’en sais strictement rien. Enfin, si, parce que j’ai trop honte ! Bon sang, j’étais bien mal placée pour juger mon voisin ! Si nous participions au concours de « la réaction la plus bizarre », à présent, nous serions à égalité. Ses pas s’éloignent, je le perçois au plancher qui craque entre nos deux logements. J’expire de soulagement.
5 commentaires
gaelle56
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Il y a 19 jours
Sonia J. SAM
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Il y a 19 jours
la-mahie
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Il y a 20 jours
Sonia J. SAM
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Il y a 19 jours
loup pourpre
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Il y a 20 jours