Sonia J. SAM PS : Je serai ton fiancé pour Noël ! Chap 6.1 Mauvais destinataire

Chap 6.1 Mauvais destinataire

En comprenant que ma voisine rentrerait difficilement jusqu’à notre immeuble, et qu’elle allait probablement perdre ses doigts qui viraient déjà au bleu, j’avais retiré mes gants pour les lui enfiler. Je n’avais pas vraiment réfléchi à mon geste, le plus urgent étant de lui venir en aide… La surprise, puis la tristesse avaient voilé ses iris bleus. Je ne lui ai donc pas laissé le choix, glissant son bras sur mes épaules, je l’ai ramenée jusque chez elle. Non sans difficulté.

L’enveloppe me brûle les doigts et me ramène dans l’instant présent. Je pourrai juste y jeter un rapide coup d’œil, cela n’engage à rien. Si ça se trouve, cette enveloppe est vide et j’aurai imaginé tout un tas d’écrits loufoques ! Mon cerveau d’écrivain va parfois trop loin… Je la palpe et la soulève pour la placer devant la fenêtre, afin que le soleil traverse le papier. Des lignes bleutées font leur apparition, je reconnais certains mots, mais isolés, ils ne veulent rien dire… Du moins, pas assez. Ma curiosité n’a jamais été aussi piquée.

Je n’y tiens plus. L’action du coupe-papier peut-être irréversible, mais si je réussis à ouvrir le courrier doucement, je pourrai le refermer et le remettre ensuite à sa propriétaire.

Faisons cela.

C’est un ouvrage délicat, je prends place dans mon fauteuil et pose la lettre sur mon bureau comme s’il s’agissait d’une bombe à désamorcer. J’étire mes bras, ma nuque, et fais craquer mes phalanges pour m’attaquer à cet exercice périlleux. La lame glisse sous le rabat de l'enveloppe avec une précision presque chirurgicale. Doucement, je retire le papier et découvre des lignes noircies d'encre, des mots difficilement alignés, preuve d'une chevauchée émotionnelle. Deux grosses auréoles ont altéré certaines lettres, mais rien qui n’empêche la lecture. Je commence à lire, bien conscient que mon regard n’a pas le droit de parcourir ces lignes.

« Chère Méline du futur, » commence-t-elle. Mes lèvres s’étirent à nouveau en un rictus mi-moqueur mi-attendri. « Mes pensées sont clairement embrouillées par l’alcool, et ce foutu stylo n’arrête pas de gigoter entre mes doigts ! Écrire me semble être la dernière solution pour changer les choses… Toute cette mascarade, tous ces efforts, toutes ces années gaspillées à courir après des chimères. Après lui ».

Je relève les yeux.

La plume de Méline, malgré l’alcool, est plutôt jolie. Je dois admettre que je suis surpris, car lorsque nous nous croisons, je n’ai droit qu’à des grognements, voire à quelques répliques acerbes. Évidemment, après ce trop court et mystérieux paragraphe, je me sens obligé de reprendre ma lecture. Je m’installe profondément dans mon fauteuil, dont le dossier s’incline légèrement, mon pied droit vient reposer sur mon genou gauche et mes doigts empoignent avec fermeté les bords du courrier.

« J’avance d’échec en échec. Le dernier porte ton nom, infâme Arsène. Je ne compte plus le nombre d’heures supp non payées, dédiées à ton travail ! J’étais prête à tout pour que tu m’aimes… alors ce soir, je me sens si bête ! Et si seule… », ajoute-t-elle d’une écriture tremblante. « Comment tu peux me faire ça à l’approche des fêtes… Tu savais pourtant… C’est encore plus cruel. Cela fera bientôt dix ans que ce maudit jour m’a arraché ce que j’avais de plus cher. Dix ans que je ne fête plus Noël, tu as rendu cette période encore plus difficile qu’elle ne l’était déjà ».

J’observe de petits ronds difformes, qui ont fait baver les derniers mots. Un profond soupir s’échappe d’entre mes lèvres. Je ne m’attendais pas à ça… Mon corps tendu cherche une meilleure posture. Je me racle la gorge avant de poursuivre : « J’ai des amis, mais ils ont leur vie à mener. Je ne dois rien attendre des autres. Pourquoi ai-je la sensation d’être un boulet ? Et aussi de n’avoir rien accompli ici ? Je foule les ruelles Parisiennes depuis mes études et qu’ai-je fait dans la capitale de l’amour ? Rien. Certainement pas rencontrer l’âme sœur ! ».

Pourtant, Paris ouvre un horizon des possibles. Cette ville a de quoi remplir le cœur et l’esprit ! J’y ai grandi, et avant mon départ pour Londres, Ismaël, Alex et moi y avons fait les quatre cents coups. Il n’y a pas un recoin de cette ville que nous n’avons pas parcouru. Adolescents, c’était l’un des challenges que nous aimions nous lancer : aucun toit du monde ne nous était interdit. Nous avions commencé à escalader nos maisons, puis l’immeuble d’Isma, jusqu’à passer la nuit au sommet d’une tour. Nous nous étions fait déloger le matin par trois seaux d’eau glacée et de copieux avertissements des gars de la sécurité, ce qui nous vaut l’une de nos meilleures anecdotes ! Je souris à ce souvenir avant que mon cœur ne se serre lorsque je découvre la liste des choses que Méline n’a jamais faites…

« Je passe tous les jours devant la tour Eiffel sans y avoir mis un pied… ; idem pour le Louvre. J’aimerai me promener dans les jardins du Luxembourg et faire un pique-nique… j’adore les pique-niques. En écrivant, je me rends compte du nombre de choses que j’aimerai faire et que je ne fais pas. Aller au marché dans le Marais, aller à l’Opéra, faire une croisière sur la Seine, découvrir un speakeasy… En même temps, je réclame de l’aventure mais je ne prends jamais de congés. Je passe mon temps à travailler. Alors ce voyage pour la promotion à Chamonix… c’est inespéré, mais je ne me fais plus d’illusion, mon scénario ne sera pas retenu. Moi qui pensait que le simple fait de travailler était l’unique moyen de réussir, je me suis mis un doigt bien profond dans l’œil ! Non, aujourd’hui, pour gagner en légitimité et que le « feeling » passe, il faut cocher des cases. Et il me manque la plus importante de toutes pour l’emporter : avoir un fiancé.

Personnellement, je suis passée de « célibataire » à « trompée ». Je ne sais même pas pourquoi je ris… Non, vraiment, Scarlett-parfaite a toutes ses chances… qu’elle aille se faire foutre au Mont Blanc avec son « Toddy-chéri » !

Bon sang, moche à l’extérieur, voilà que ça me contamine de l’intérieur…

J’en ai marre de faire les mauvais choix, et de répéter les mêmes erreurs.

En plus, j’ai la sensation que si l’année se termine mal, la prochaine se déroulera de la même façon. Comme les bonnes résolutions, on y pense très fort, on s’y prépare longtemps, et puis on tient deux jours. Clairement, je n’y parviendrai pas toute seule. »

Ce mot revient si souvent.

« Seule » sonne comme un triste refrain.

Tu as aimé ce chapitre ?

10

10 commentaires

gaelle56

-

Il y a 21 jours

Cette lettre, je relis le chapitre et j'ai le même ressenti. Vivement la suite.

Sonia J. SAM

-

Il y a 20 jours

Merci beaucoup pour ton retour 🤍✨

Tmxaddictbooks

-

Il y a 21 jours

J'ai hâte de lire la suite!

Sonia J. SAM

-

Il y a 21 jours

Merci 🥹✨

Ludivine 27

-

Il y a 22 jours

Quelle lettre... Ça m'a arraché une larme... la suite

Sonia J. SAM

-

Il y a 22 jours

❤️‍🩹 Merci pour ton retour 🥺

Eva Baldaras

-

Il y a 22 jours

A jour :)

Sonia J. SAM

-

Il y a 22 jours

Merci ✨

la-mahie

-

Il y a 22 jours

A cœur ouvert d une jeune femme perdue . Fallait pas l ouvrir maintenant il faut assumer

Sonia J. SAM

-

Il y a 22 jours

Il va assumer avec Brio 😍
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.