Sonia J. SAM PS : Je serai ton fiancé pour Noël ! Chap 6 - Mauvais destinataire

Chap 6 - Mauvais destinataire

ODIN

L’inspiration a foutu le camp. Mon agonie va donc être longue jusqu’au prochain appel de Billie.

J’ai passé le week-end comme je l’avais malheureusement présagé : devant une page blanche, à ruminer sur mon sort. Mon bureau est un amoncellement de papiers froissés, de tasses abandonnées et de livres ouverts éparpillés à même le sol. Mila, ma petite sœur, ainsi que Ismaël et Alex, mes amis d’enfance, ont bien tenté de me faire sortir de ma caverne, en vain. J’ai des délais à respecter, même s’ils sont inatteignables, je dois au moins faire semblant d’essayer… Je lorgne l’endroit où j’ai caché un paquet de cigarettes, dans ma bibliothèque, derrière un exemplaire des « Fleurs du mal » . L’objectif étant de me souvenir que j’ai arrêté il y a bientôt dix ans et que replonger serait une grossière erreur. Alors, pourquoi conserver un paquet ? Cela a quelque chose de rassurant. De malsain aussi. Et lorsque mon esprit torturé se tourne vers ce genre de distractions un peu trop longtemps, je sais que le seul moyen d’apaiser mes tourments est de jouer du piano.

Je m’installe sur le petit banc, soulève le cylindre noir brillant marqué du nom « Pleyel » en lettres dorées. Mon précieux qui m’accompagne depuis tant d’années… Mes doigts parcourent les touches lisses et blanches, puis se mettent à interpréter une étude de Chopin. Les notes rapides me transcendent, mon anxiété se reflète dans ce morceau, mon cœur accélère et je suis transporté.

Brusquement, une musique d’un tout autre style s’enclenche de l’autre côté du mur et recouvre ma mélodie frénétique. Mes phalanges se crispent au milieu d’un mouvement compliqué. Je grimace.

Ma voisine est chez elle.

Pourquoi n’est-elle pas partie travailler ?! Si je fais attention de ne pas faire trop de bruit le week-end, je suis enfin libéré de sa dictature sonore la semaine ! Je tente de me concentrer et fredonne les accords suivants. Mes mains reprennent leur valse sur le clavier, mais le volume de la chanson hard rock s’intensifie d’un coup.

Quelle mégère !

Je me redresse vivement et mon poing rencontre la paroi devant moi.

Mais, rien ne change.

Mon regard las s’abaisse sur l’instrument. Apparemment, je ne vais pas pouvoir jouer aujourd’hui. Je soupire profondément. L’idée de déménager m’a maintes fois traversé l’esprit, mais j’ai épluché toutes les annonces : rien n’est aussi bien placé et peu cher que ce logement. Le loyer est abordable pour un écrivain et ce n’est pas évident de trouver un tarif raisonnable en plein cœur de Paris ! Je me résigne et prends mon mal en patience, elle va bien finir par quitter son logement, soit pour aller au travail… soit définitivement ! Cette colocation bruyante et non désirée va bien finir par la lasser. Je referme le cylindre à contre-cœur et décide de faire une pause, loin du paquet de cigarettes qui m’appelle. Nous sommes lundi, me souvins-je, et à cette heure, le facteur est déjà passé. Pour me dégourdir les jambes, un aller-retour à la boîte aux lettres fera l’affaire.

J’enfile mes chaussures, ainsi qu’un manteau, en prévision du couloir glacial que Suzanne refuse de chauffer, et passe devant la porte à la teinte rouge rubis de ma voisine. Je ne peux m’empêcher d’y jeter un œil en me demandant pourquoi elle n’est pas allée au travail… Ce n’est pas dans ses habitudes. Mais, ce ne sont pas mes affaires après tout ! Aussi, je descends d’un pas rapide les escaliers et rejoins le petit sas d’entrée. J’ouvre la petite boîte blanche, y découvre un paquet et une enveloppe blanche. Je fronce les sourcils en fixant le courrier, avant de m’en emparer. Il ne s’agit ni d’une facture ni d’une lettre en provenance de la maison d’édition. L’adresse est incorrecte, et ce qui m’interpelle le plus : le nom du destinataire écrit d’un trait hésitant, presque tremblant.

Méline du futur

6, rue du grand veneur

Apt (2 râturé) 3

75003 Paris

Mes paupières clignent plusieurs fois, pour être sûr de bien lire.

« Méline du futur » ?

Mon regard balaye les escaliers. Est-ce la fameuse lettre dont m’a parlé ma voisine, la nuit où je l’ai croisée complètement ivre ? Se serait-elle vraiment envoyé une lettre ?! À son quoi ? « Moi du futur » ? Je ne peux m’empêcher de pouffer. Elle est complètement givrée !

J’observe attentivement l’adresse. Elle a noté appartement 2, pour finalement se raviser et remplacer ce chiffre par le numéro de mon logement. Ce qui me donne une autre indication : elle était déjà saoule lorsqu’elle l’a rédigée. Le facteur n’a donc pas fait le lien entre la mention « Méline du futur » et le nom inscrit sur sa boîte aux lettres. Résultat : l’enveloppe a été glissée dans la mienne. J’observe cette dernière minutieusement sous tous les angles, et réfléchis un instant. Je pourrais la déposer dans sa boîte, ni vu ni connu. Je pourrais également la lui rendre en main propre, et profiter de son erreur pour la voir rougir. C’est si facile de la déstabiliser… Ça m’amuse chaque fois. Mais, le plus terrible, c’est que j’ai très -très- envie de la lire.

Le bruit d’un trousseau qui s’agite au rez-de-chaussée me fait réagir.

Je me suis trop attardé, il s’agit certainement de Suzanne qui part faire ses courses, comme chaque lundi !

J’attrape le colis, referme ma boîte aux lettres à la hâte et remonte quatre à quatre les marches avant de m’enfermer dans mon appartement. Le cœur battant, j’expire pour reprendre mon souffle en baissant les yeux sur mon butin. Je retire manteau et chaussures avant de me réfugier dans mon bureau. Plus un bruit, ma voisine a baissé le volume de sa musique. M’aurait-elle entendu descendre ? L’insonorisation laisse tellement à désirer qu’aucun de nos déplacements ne passe inaperçu. Le colis est rapidement abandonné dans un coin, puisque la lettre accapare toute mon attention. Je me poste devant la fenêtre et distingue madame Garnier dans la ruelle en contrebas, tirant son chariot à provisions derrière elle. Il s’en est fallu de peu…

Mon coupe-papier à la main, j’hésite une seconde.

Je suis en train de violer l’intimité de ma voisine. Alors, pendant un instant, les scrupules m’envahissent. Un gentleman ne ferait pas ça, cette lettre lui appartient… Mais, je ne peux m’empêcher de me questionner : qu’a-t-elle pu écrire dans un tel état ? Je me souviens de son accoutrement au beau milieu de la nuit. Je rentrais d’une soirée avec mes deux meilleurs amis lorsque nos chemins se sont croisés. Elle était à peine vêtue, titubante avec son manteau entrouvert et ses après-ski rose fuchsia… Un spectacle pour le moins surprenant. Déroutant, même.

En me voyant, elle s’est mise à brailler dans un dialecte incompréhensible. J’ai vite compris que la bouteille de vin avait été vidée. Dans son baragouin, j’ai tout de même perçu des insultes envers la gent masculine, et un dénommé Arsène qui ne méritait pas de vivre. Décidément, ce nom n’était porté que par des cons. Nous étions au moins d’accord sur ce point !

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6 commentaires

Ludivine 27

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Il y a 22 jours

Ha vivement la suite. J'ai hâte de découvrir son contenu et la réaction d odin. Même si s'est pas bien...

Sonia J. SAM

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Il y a 22 jours

Merciii!! C’est un homme bien, il va avoir des scrupules 🙂‍↕️

Lauralyna

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Il y a 22 jours

Je veux savoir ce qu'il y a dans cette lettre moi !!

Sonia J. SAM

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Il y a 22 jours

Bientôt 😍

la-mahie

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Il y a 23 jours

Nonnnn ne fais pas ca !!!

Sonia J. SAM

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Il y a 23 jours

Ahah ! Il va être surpris ^^
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