Sonia J. SAM PS : Je serai ton fiancé pour Noël ! Chap 4.1 Le silence est d'or

Chap 4.1 Le silence est d'or

— Aussi sérieux qu’on puisse l’être.

Un silence pesant s’étire entre nous. Je la connais suffisamment pour imaginer son expression et même sa posture : les sourcils, à moitié cachés par sa frange noire, sont certainement froncés ; sa bouche grande ouverte et sa main gauche levée vers le ciel dans l’espoir qu’une lumière divine apparaisse et la tire de ce mauvais pas.

— Non, non, tu ne peux pas me faire ça ! s’écrie-t-elle enfin. Ton éditeur me contacte par tous les moyens possibles… Appels, mails, sms… Bientôt, comme Harry, des hiboux vont débouler dans mon salon ! Il me harcèle pour recevoir ton manuscrit !

— Trouve une excuse, Billie, je suis dés…

— J’ai épuisé mon quota d’excuses, Odin !

Je ferme les yeux et me pince l’arête du nez. Que puis-je lui dire ? Si je lui avoue que je n’ai pas écrit une seule ligne, mon agente va faire un infarctus.

— Où en es-tu exactement ? s’impatiente-t-elle. Dis-moi que tu en as au moins écrit la moitié ?

Un tic nerveux me fait ouvrir les paupières, alors je réfléchis à ma réponse en jetant un œil par la vitrine. Comment ne pas mentir sans dire la vérité ?

— Odiiiinnn…, me menace sa voix grave.

— Presque, abdiqué-je.

Presque ? Presque quoi ?!

— J’ai presque atteint la moitié.

Failed. J’ai menti.

Elle expire longuement.

— Bon. OK. Me voilà un peu rassurée. Dès que tu as la moitié, tu me l’envoies, ça les fera patienter. D’ici une semaine ?

Je hausse les sourcils, deux émotions contradictoires me submergent : le soulagement et l’appréhension. Une semaine de répit. Mais, une semaine pour écrire la moitié d’un roman, alors que ça fait six mois que je peine à aligner trois mots ? Comment vais-je produire ce miracle ? Seulement, je dois être réaliste, je n’obtiendrai aucune autre prolongation.

— Une semaine, murmuré-je en me rendant compte que j’ai noirci la feuille devant moi.

Au moins, la page n’est plus blanche…

Billie a pris ma dernière réflexion pour une affirmation et enchaîne :

— Dans trois semaines, le vingt décembre à partir de dix heures, on réalise les entretiens avec les sociétés de production. Bloque la date dans ton agenda.

Suite au succès de mon roman, nous avons reçu beaucoup d’offres de la part de producteurs internationaux. Il nous reste à retenir l’un d’entre eux.

— Les sociétés sont françaises ?

— Exclusivement, comme tu l’as exigé, confirme-t-elle. Nous devrons faire notre choix à la fin de la journée. Par contre, je viens de me souvenir qu’il faut encore que je réserve mon vol ! Bon, je te laisse ! Et pitié, écris plus vite !

— À bientôt, Bill.

Sur un bruit de baiser, qui m’explose le tympan, la communication s’interrompt. Je repose le portable sur la table et reste interdit quelques secondes.

Une semaine.

Sept jours pour écrire un minimum de cent cinquante pages.

Soit vingt pages par jour.

Inhumain.

À moins que je ne dorme plus que quatre heures par nuit et que j’écrive une page par heure… Ou comment se tuer la santé en moins d’une semaine ! Ça ferait un bon titre d’article.

Je jette mon stylo sur les feuilles et engloutis mon croissant.

Mon premier roman qui a été classé dans la catégorie « développement personnel » portait sur l’histoire d’un homme qui ne trouvait plus de sens à la vie et décidait de tout plaquer pour partir faire le tour du monde. Un récit d’aventures, engagé en faveur de la préservation de la planète, où mon héros faisait des rencontres incroyables parmi des cultures totalement différentes, mais tellement enrichissantes. La critique a salué les messages d’altruisme et d’écologie. Malgré son succès, beaucoup ont été déçus de ne pas y découvrir un fond de romance. Il est question d’amour et de tolérance, mais pas l’amour tel que les lecteurs l’entendaient. Celui avec un grand A.

Mes éditeurs ont donc rapidement exigé un second tome : « Dans les mêmes vibes, Odin, mais ajoute un peu de sexe pour que ce soit plus vendeur ! » m’ont-ils dit. J’avais répliqué qu’« un best-seller, c’était déjà pas mal ! ». Mais, quand il s’agit de business, ceux qui paient ont toujours le dernier mot : « Justement ! Imagine avec de la romance ! ».

Que pouvais-je répondre à cela ? C’était clairement rhétorique.

Seulement, le succès, l’exigence des éditeurs, l’attente des lecteurs… On en rêve et lorsque cela arrive tel un raz de marée, ça vous submerge. De nouvelles idées ont germé, mais les lier à une histoire d’amour ? Je n’y parviens pas. L’héroïne finit toujours par se faire rouler dessus par un bus.

Et j’ai mes raisons pour que l’histoire finisse toujours mal.

Une expérience personnelle qui a laissé quelques séquelles. Aujourd’hui, ma confiance en l’espèce féminine est proche du néant.

Replonger dans mon passé me rend brutalement mélancolique. J’avale la dernière gorgée de café froid, rassemble mes affaires, puis salue Fatou avant de quitter son café.

Je rebrousse chemin vers mon appartement, la brise hivernale fouettant mes joues. Je peux d’ores et déjà présager la suite de mon week-end (et des sept prochains jours !) : assis à mon bureau, entouré par mes précieuses bibliothèques en chêne, et croulant sous des piles de carnets. Plusieurs litres d’or noir seront bus, des soupirs contenus et je maudirai mon manque d’imagination durant les cent-soixante-huit heures à venir.

Durant une dizaine d’années, cela a été le meilleur programme de ma vie. Aujourd’hui, j’ai perdu l’envie d’écrire tant l’exercice ressemble davantage à une corvée. Et je me sens misérable de penser ainsi, alors qu’un film se profile à l’horizon. Le rêve de tout bon écrivain !

Être auteur, c’est essayer d’écrire sur des montagnes russes : vous ne savez jamais quand l’encre touchera le papier et si cela arrive, vous n’êtes pas certain du résultat.

Il me faut une inspiration et… qu’elle soit bonne ! À ce stade, ça relève du miracle. Mis à part une idée de génie qui serait envoyée par la grâce divine, je ne vois vraiment pas ce que je vais pouvoir raconter dans ce quatrième livre !

Tu as aimé ce chapitre ?

8

8 commentaires

Lauralyna

-

Il y a 22 jours

Dur dur le métier d'écrivain !

Sonia J. SAM

-

Il y a 22 jours

J’en sais quelque chose 😆 (même si j’avoue que je n’ai pas le syndrome de la page blanche, ouf !)

Bellaa

-

Il y a 24 jours

Moi j’ai une p’tite idée 😏

Sonia J. SAM

-

Il y a 24 jours

Ahhh je serai curieuse de connaître tes théories ! 😍

Tmxaddictbooks

-

Il y a un mois

J'ai une petite idée concernant ce miracle 🙄

Sonia J. SAM

-

Il y a un mois

Tu crois ? 😄

la-mahie

-

Il y a un mois

De longues journées en perspective . Décidément ils ont plus de point communs qu il n y paraît

Sonia J. SAM

-

Il y a un mois

Ils sont fait pour se rencontrer !! 😍✨
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.