Sonia J. SAM PS : Je serai ton fiancé pour Noël ! Chap 4. Le silence est d'or

Chap 4. Le silence est d'or

Après l’avoir saluée d’un hochement de tête, je m’installe à la petite table ronde proche de la vitrine, ainsi je profite pleinement de la vue sur la rue passante. Une source inépuisable d’inspiration pour un auteur tel que moi. Une fenêtre ouverte sur le monde, sur d’infimes détails auxquels personne ne prête plus attention, mais qui, pourtant, accaparent toute la mienne. Je fais partie de ces auteurs qui aiment se tenir à distance des gens, qui préfèrent les observer plutôt que de converser avec eux. C’est d’ailleurs grâce à cela que j’en apprends le plus. Mon mutisme les fait parler. L’humain déteste le silence, il se sent obligé de le combler par des bavardages incessants. Si vous voulez découvrir les secrets d’autrui, ne dites rien et il vous les livrera tous.

— Un café allongé sans sucre et un croissant, comme d’habitude, annonce Fatou en se penchant vers moi.

Tout en la remerciant, je regroupe mon carnet, mon stylo ainsi que les feuilles annotées que j’ai éparpillées un peu partout sur la table. Puis Fatou dépose un plateau garni d’une jolie tasse en porcelaine vert sauge au liseré doré, et d’une petite assiette similaire contenant la viennoiserie. La propriétaire ne semble pas vouloir s’éloigner tandis que son regard inquiet vagabonde vers l’extérieur. Ses jolis cheveux noirs retenus par un bandeau fleuri assorti au tablier qu’elle a noué autour de ses hanches fines et ses iris sombres lui confèrent une beauté particulière, originale et pleine de charme. Si j’étais aussi à l’aise avec des crayons que je le suis avec les mots, je la dessinerais certainement pour en faire l’héroïne d’un album jeunesse. J’ai toujours rêvé d’en écrire, mais pour le moment, je dois me concentrer sur ce quatrième roman qu’exigent les éditeurs. Mon agente, Billie, me met suffisamment la pression chaque jour pour que je ne l’oublie pas ! Mon troisième livre, sans que je ne comprenne pourquoi, s’est hissé au rang de best-seller dès sa sortie en Angleterre. En quelques mois, il a été salué de nombreuses fois par la critique et sera bientôt adapté au cinéma.

Un succès inattendu qui m’a terrassé.

Après la surprise et la joie, l’argent et les opportunités, est venu le temps des indiscrétions. Les médias ont voulu s’emparer de mon histoire : ce jeune Français débarqué cinq ans plus tôt à Londres et qui vivait ce qu’ils aiment nommer le « British Ideal ». Seulement, il ne s’agissait pas de mon idéal de vie. Évidemment que je souhaitais que mes romans soient lus par le plus grand nombre, mais en signant avec une maison d’édition, je n’avais pas signé pour que des photographes volent des fragments de ma vie.

Soudain, un profond soupir me tire de ma rêverie.

— Encore une journée avec peu de visiteurs, se lamente Fatou.

Quand je vous disais que le silence faisait parler…

— La journée ne fait que commencer, tenté-je de la rassurer.

Ses bras se croisent sous sa mine déconfite. Un haussement d’épaules nonchalant prouve que mes mots n’ont pas eu l’effet escompté.

— Vous ne restez ici qu’une heure ou deux, mais je vous assure que l’affluence est la même de l’ouverture à la fermeture.

— Cela dure depuis combien de temps ?

— Depuis la pandémie, déclare-t-elle d’un air las.

J’imagine que c’est une réponse qu’elle répète régulièrement. Fatou poursuit :

— Avant ça, les clients affluaient, mais c’est comme si cette interruption les avait conditionnés à ne plus sortir de chez eux. Je voulais que cet endroit soit un lieu de rencontres, d’échanges, tout ce qu’il ne fallait pas faire durant le confinement. Ça a marqué les esprits. Et même si le café a survécu à la fermeture, je ne pense pas pouvoir tenir encore longtemps à ce rythme-là.

— Je comprends. Ce fut une période difficile, mais je suis certain qu’avec un peu de communication, votre clientèle reviendra.

Je dégaine mon téléphone et clique sur une application.

— Vous avez un compte Instagram ?

Son nez se retrousse dans une moue gênée.

— Oui, au nom du café : « Le Marais Secret », mais il est peu suivi. Si secret qu’il est invisible, bougonne-t-elle avant d’ajouter : je ne suis pas très à l’aise avec les réseaux sociaux.

— Quelqu’un pourrait s’en occuper pour vous.

— Je ne me verse pas de salaire, j’aurais bien du mal à payer quelqu’un pour ça.

— Un étudiant pourrait s’en charger.

Fatou prend le temps de la réflexion.

— En effet, c’est une idée. Je n’y avais pas vraiment songé. Merci ! lance-t-elle avec un sourire.

Ses pupilles se détournent de mon visage pour se poser sur mon travail.

— Et vous, qu’écrivez-vous sur toutes ces pages ?

Une excellente question que je me pose chaque matin.

— Un condensé de pensées et d’idées. Que j’ai bien du mal à mettre en ordre !

— C’est en lien avec votre travail ?

Je hoche la tête. C’est ce qui m’a fait fuir Londres, je n’ai donc pas très envie de m’étendre sur le sujet.

— Bon, je ne vous dérange pas plus longtemps, et buvez-le tant qu’il est chaud ! me conseille-t-elle en indiquant le café.

— Merci, soufflé-je en portant la tasse à mes lèvres.

Fatou regagne son comptoir et j’observe mes notes. Beaucoup de mots raturés, de gribouillages dans la marge, de débuts d’histoires avortés. Rien de bien satisfaisant généré par un trop-plein de frustration. Mon portable, abandonné sur le coin de la table, se met à vibrer. Le prénom « Billie » s’affiche.

Je décroche ? Je ne décroche pas ?

Mes doigts glissent sur mon front plissé par l’anxiété.

Si, il faut que je réponde. Je ne peux pas la laisser ainsi. C’est un accord entre nous : Billie m’a donné son approbation lorsque j’ai souhaité m’exiler vers la France, bien que ma carrière soit à son apogée, à l’unique condition que je réponde toujours à ses appels. Aussi, d’un geste rapide et mécanique, mon pouce glisse sur l’écran, déverrouillant l’appareil. Après cinq ans à l’étranger, mon cerveau switch naturellement sur le mode bilingue pour échanger en anglais.

— Oui ?

— J’ai bien cru que tu ne me répondrais pas ! s’esclaffe mon amie.

Car au fil du temps, elle est devenue bien plus que mon agente. J’ai toute confiance en elle, et dans le monde du business, qu’il s’agisse de livres ou non, être soutenu par des personnes honnêtes et bienveillantes est aussi vital que de pouvoir respirer.

— J’avoue, j’ai hésité, réponds-je avec franchise.

— Tu sais que je viendrai te chercher jusqu’à Paris si tu ne daignes pas décrocher ?

— Je le sais. C’est pour ça que l’on discute en ce moment même !

Son rire est communicatif, mes lèvres s’étirent. Je passe une main dans mes cheveux qui s’ébouriffent, puis je change de posture, mon dos se collant contre le siège du fauteuil.

— Alors, dis-moi Billie, que souhaites-tu savoir ?

— Parce que tu n’en as pas une p’tite idée ? s’amuse-t-elle bien que son ton soit légèrement tendu. Je te pose la question chaque jour depuis bientôt six mois. J’espère simplement que la réponse sera différente aujourd’hui.

— Navré de te l’apprendre, mais non. Ma réponse est identique : ça avance.

— « Ça avance » ? répète-t-elle. Sérieusement, Odin ?!

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4 commentaires

Tmxaddictbooks

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Il y a un mois

Il a besoin d'aide pour trouver l'inspiration :p

Sonia J. SAM

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Il y a un mois

Et il va la trouver sa muse 😏

la-mahie

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Il y a un mois

Il s adoucit le bonhomme

Sonia J. SAM

-

Il y a un mois

Et oui, ne jamais se fier à la première impression ^^
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