Fyctia
Chap 2-1: Lettre du futur
— C’est un putain d’enfoiré ! rugit Priya. J’aurais dû lui jeter mon verre à la tronche ! Tu sais, je peux encore faire demi-tour… ? Et on va crever les pneus de son cabriolet !
Je ferme les yeux et mon visage se niche entre mes paumes. Priya continue de pester contre notre responsable, mais mon esprit n’entend plus ses mots.
Deux ans.
Deux ans que je l’idolâtre.
Deux ans que son sourire de parfait commercial me fait rougir.
Six mois que ses baisers me font espérer et miroiter un avenir qui n’existera jamais.
Des images de nous deux défilent sur mes paupières closes. Au détour d’un couloir, Arsène m’emprisonne de ses bras, m’embrasse dans le cou, me fait sourire…
Pendant tout ce temps, tout n’était que mensonges ?
J’étais, quoi… ? L’amante ?
Comme ce mot est détestable. Il symbolise ce que j’exècre le plus : le mensonge, l’hypocrisie, la tromperie ! Comment peut-on être dépourvu de tous scrupules ? Comment réussissait-il à m’embrasser en sachant qu’il était engagé auprès de cette femme ?!
Six mois qui viennent de voler en éclats.
Un poids comprime ma poitrine. J’ouvre la vitre pour essayer de respirer quand je me rends compte que nous sommes arrivées chez moi, dans le quartier du Marais. Perdue dans mes pensées, je n’ai rien vu du trajet. Mes yeux s'attardent sur la façade beige de mon immeuble aux fenêtres blanches, ainsi que sur la montagne de lierre qui les entourent. Priya se gare le long d’une petite place où les décorations de Noël sont déjà nombreuses, et où des touristes, installés en terrasse, se réchauffent en buvant une boisson chaude.
— Est-ce que tu veux que je reste avec toi ?
Je détourne mon regard pour le reporter sur ma meilleure amie. Sa ride du lion va imploser si elle ne défronce pas les sourcils.
— Non, j’ai besoin d’être seule, dis-je en ôtant ma ceinture. Merci de m’avoir ramenée.
— Tu es sûre ?
Au même moment, Priya jette un coup d’œil dans son rétroviseur et m’informe :
— Sarah vient de se garer derrière moi. On peut aller chercher une bonne bouteille à l’angle, "chez Ben", et réfléchir à la façon dont on va se venger !
— On ne va rien faire, répliqué-je en ouvrant la portière. J’ai juste… besoin d’être seule.
J’entends ma meilleure amie soupirer lorsque je sors de sa voiture.
— Je t’assure que je vais bien, insisté-je.
C’est littéralement un exploit, je ne mens jamais. Priya n’est pas dupe, elle sait très bien que je ne vais pas bien. Cependant, ce soir, j’ai envie de me terrer dans mon appartement et de broyer du noir. Seule.
Ma meilleure amie acquiesce, car elle me connaît suffisamment à présent pour savoir que j’ai besoin d’espace et de solitude. C’est ainsi que je gère le raz-de-marée d’émotions qui me submerge en ce moment. Je lui adresse un petit signe de la main, active mes zygomatiques pour feindre l’assurance et rejoins le véhicule de Sarah pour récupérer mes affaires. Je la remercie et après l’avoir également rassurée, je vois leurs voitures s’éloigner en direction du 5ème arrondissement. Priya vit dans le quartier latin, qui se trouve de l’autre côté de la Seine, nous nous y rejoignons souvent après le travail pour décompresser.
Plus rien ne sera jamais comme avant. Je lève le regard vers le ciel blanc qui se trouble sous l’affluence des larmes. Mon cœur se serre un peu plus. Un courant d’air froid me saisit, me rappelant à l’ordre. Je passe mon manteau ainsi que mon écharpe et décide d’aller chercher les fameuses bouteilles dont a parlé mon amie. À l’angle de la rue, un ami rencontré à la fac, nommé Benoît a totalement changé de voie pour ouvrir son bar-restaurant auquel il a donné son surnom. Je m’y rends sans plus attendre avant de me transformer en glaçon.
Ben est un véritable nounours : grand, poilu, trapu, et sans surprise, passionné par son métier, enfin surtout par la bonne chère ! Chaque soir, il fait salle comble, mais cela ne l’empêche pas de quitter les cuisines pour venir m’enlacer.
— Comment tu vas mon chou ?! lance-t-il joyeusement.
Tout. Absolument tout se rapporte à la nourriture avec lui.
— J’ai besoin de réconfort, dis-je en resserrant mon manteau.
— Ah, à ce point-là, souffle-t-il avant de demander : une ou deux ?
— Ce sera suffisant pour oublier ?
— Peut-être pas, mais je t’ordonne de le déguster. Attends-moi ici.
Il me laisse seule quelques secondes pour rejoindre la réserve et en revient avec une bouteille de vin blanc.
— Laisse-moi deviner, réfléchit-il en glissant la bouteille dans un sac en kraft, l’origine de ton malheur se nomme Arsène ?
Mon menton tressaute. Le sablier de ma retenue est sur le point de se fissurer. Je sens que je vais craquer d’une minute à l’autre, et je tiens à conserver le peu de dignité qu’il me reste. J’acquiesce, m’empare du sac et lui tends ma carte.
— Pas question, c’est cadeau de la maison. Tu mérites tellement mieux, soupire-t-il en me raccompagnant vers la sortie. C’est le coup de feu, mais repasse-me voir ce week-end pour en parler, d’accord ?
— Merci, Ben, j’ai besoin d’un peu de temps, mais je te tiens au courant.
Il m’enlace en me frottant énergiquement le dos, puis me tient la porte.
— Et merci ! complété-je en désignant le sac.
Je lui adresse un dernier signe de la main et affronte le froid jusqu’à mon logement.
Après avoir poussé l’imposante porte verte, je parcours le corridor où se trouvent nos trois boîtes aux lettres pour ensuite traverser le rez-de-chaussée sobrement décoré. On y trouve seulement un tapis floral, un guéridon sur lequel repose un bouquet de fleurs séchées et quelques photographies du vieux Paris suspendues au mur. Je marche sur la pointe des pieds, car Susanne, la proprio, a une ouïe très développée. Au moindre craquement, elle rapplique. Et ce soir, je n’ai clairement pas l’énergie de répondre à son interrogatoire, surtout avec un tel contenu entre les bras.
Mission accomplie, me voilà sur les premières marches.
Je tiens ma nouvelle meilleure amie fermement contre ma poitrine, pas question de la faire tomber ! J’ai trop besoin d’elle pour anesthésier mon esprit qui répète la même phrase dans une lente litanie.
Je déteste Arsène.
Je déteste Arsène.
Je le déteste !!!
En haut des escaliers, alors que le palier du premier étage apparaît enfin, une paire de chaussures marron vernies semblent m’attendre. Je lève le nez pour découvrir mon voisin. S’il y a bien un homme qui peut réussir à vous faire relativiser sur les températures frigorifiques Parisienne, c’est lui ! Odin Bjornsson est un véritable iceberg, aussi froid que méprisant. En réalité, il ne m’attend pas du tout, je lui bloque le chemin et ma présence semble l’horripiler. L’escalier n’est pas très large, et je ne suis pas très fine, mais quand même ! Il lui suffirait de pivoter de quelques degrés pour pouvoir descendre et passer à mes côtés. Mais c’est comme s’il cherchait à maintenir un maximum de distance possible avec moi.
14 commentaires
vic.mlr
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Il y a 19 jours
Sonia J. SAM
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Il y a 19 jours
Bellaa
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Il y a 24 jours
Sonia J. SAM
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Il y a 24 jours
Lauralyna
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Il y a un mois
Sonia J. SAM
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Il y a un mois
Eva Baldaras
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Il y a un mois
Sonia J. SAM
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lovelover
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Il y a un mois
Sonia J. SAM
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Il y a un mois