Fyctia
Chap 2: Lettre du futur
Si j’ouvre la bouche, un sanglot va jaillir. Je sens ma gorge se serrer et devenir extrêmement douloureuse. Réfléchis et dis quelque chose, vite !
— Sauriez-vous me dire… où je peux trouver une coupe ?
Sérieusement ?!
— Au buffet peut-être ? Même s’il serait temps de se calmer sur le champagne, Méline ! se moque Arnold de son accent british. Ah, ces Françaises !
Le petit groupe part dans un éclat de rire et trinque à cette boutade ! Et comble de l’humiliation, je me joins à eux, sauf que je n’ai rien entre les mains pour me noyer dedans. J’acquiesce même pour remercier mes patrons sans oser regarder dans la direction d’Arsène, qui ne dit rien.
— Et donc Alison, vous êtes en mission pour Sky One, mais quels sont vos projets pour la suite ? enchaîne mon N+2.
Celle-ci se dandine en posant sa main sur la veste de mon chef.
— Arsène et moi nous installons ensemble à Paris, déclare-t-elle la mine réjouie. Ça a toujours été un rêve de vivre dans la ville de l’amouuur !
Pitié, que le sol se dérobe sous mes pieds.
Un serveur passe avec un plateau, je m’empresse de saisir un verre pour l’avaler d’une traite. Le liquide pétillant irrite ma gorge, mais j’essaie difficilement de ne rien laisser paraître. Quant au regard d’Arsène, il me brûle la peau. Que peut-il bien se passer dans sa tête actuellement ? Se réjouit-il de ma détresse ? Alison continue de bavasser sous les oreilles attentives de mes boss, mais je n’entends plus ses paroles. Elle est en train d’exprimer à haute voix tous les rêves que j’avais dans le cœur.
Un cœur littéralement en miettes que mon sourire de façade cherche à cacher.
— Mais, au fait, vous ne seriez pas son assistante ? m’interpelle la voix féminine.
— Pardon ? demandé-je en revenant dans l’instant présent.
— « Méline », vous êtes l’assistante d’Arsène n’est-ce pas ? répète Alison.
— Oui, en effet… acquiescé-je en toussotant.
— C’est vous qui avez proposé le scénario « l’atelier des rêves », n’est-ce pas ? L’histoire de Clara et de Ingvar m’a conquise ! Cette idée de légendes et de traditions qui prennent vie dans les Alpes, offrant une chance de guérison et de transformation personnelle. C’était profond et très touchant !
— Merci, je…
Mon regard passe d’elle à Arsène. Mon teint doit être livide. Ce moment est tout simplement irréel.
— Veuillez m’excuser, je viens de me souvenir que du travail m’attend.
— Méline, m’interpelle Arnold. Profitez de la soirée, vous allez avoir quelque chose à fêter !
Je garde le silence car il se tourne vers le buffet et invite Scarlett Murphy, une autre assistante scénariste, à nous rejoindre. Quand ma concurrente se poste à ma gauche, notre N+2 lève sa coupe et nous annonce :
— J’espère que vous n’aviez rien prévu d’autre pour Noël, car vos scénarios ont été retenu, félicitations ! Prévenez vos conjoints et préparez vos valises, nous partons dans trois semaines pour Chamonix !
— Ô merci Monsieur, je suis très honorée ! déclare ma rivale au style vestimentaire hyper travaillé.
Sa frange rebondit sur son front tandis qu’elle déborde d’enthousiasme et tape entre ses mains.
— Oui, merci beaucoup, m’entends-je murmurer.
— Quand le choix final sera-t-il décidé ? l’interroge-t-elle.
Scarlett est connue dans la boîte pour avoir les dents longues. Ses remerciements à peine formulés, qu’elle se jette déjà tête la première dans l’arène ! Pour ma part, je peine à me concentrer sur cette discussion tant mon cœur saigne. Mon regard est braqué sur le pouce d’Arsène qui forme des petits ronds sur la taille d’Alison.
— Le productrice, Siana Issa, donnera son verdict à la fin du séjour, confirme Arnold. Vous savez comment ça se passe avec nous, les Anglais, tout est une question de feeling. Et si je peux me permettre un conseil, mesdames, Siana est une femme attachée aux valeurs traditionnelles et familiales.
Le sous-entendu est clair bien qu’il ne soit pas prononcé à haute voix : la collaboratrice avec une famille donnera une meilleure opinion d’elle-même et gagnera des points. C’est courant dans les entreprises et cette pression sociale m’exaspère au plus haut point !
— Je vais prévenir Todd immédiatement ! s’exclame Scarlett qui a très bien saisit la stratégie à adopter. En plus, nous adorons le Mont-Blanc, il va être ravi d’y retourner.
— Vous serez accompagné, Méline ? s’enquiert Arnold d’un ton que je ne saurai qualifier.
Toutes les paires d’yeux se braquent sur moi. C’est à se demander si le DJ ne va pas mettre sa playlist sur pause pour que tout le monde puisse entendre ma réponse. Je m’arme de courage et sans trop savoir ce qui me passe par la tête, je réponds :
— Oui ! Tout à fait, acquiescé-je. Mon fiancé sera présent.
Le regard d’Arsène, que j’ose affronter, se plisse brusquement et me scrute pour savoir si je dis vrai. Mais avant qu’on ne m’interroge sur cet homme mystère, j’ajoute :
— Il me reste un tas de dossiers à clôturer avant le départ, si vous voulez bien m’excuser.
Mes talons se tournent difficilement, et mes pieds avancent. Je ne sais pas bien comment… Quand le bras de Priya se glisse sous le mien pour me soutenir.
— Je veux rentrer, déclaré-je les dents serrées et les larmes au bord des yeux.
— Évidemment, souffle-t-elle. Sarah est partie récupérer tes affaires. On va te raccompagner.
— J’ai mon vélo, ça va aller…
— Il fait nuit et tu n’es pas en état. Tu le récupéreras demain.
Je ne réponds pas, je me contente d’avancer tel un robot tandis qu’elle me guide vers l’ascenseur. Je suis en pilotage automatique, mon cerveau est en surchauffe, il ne cesse de rejouer la dernière scène. C’est surréaliste. Je m’engouffre dans l’appareil comme si ma vie en dépendait, Priya sur les talons. Mon dos se colle aux parois glacées tandis que ma meilleure amie s’énerve sur les boutons et barre la route à trois collègues :
— Situation d’urgence, on a besoin d’espace !
Devant leurs airs médusés, les portes se referment. Elle se poste à mes côtés sans un mot, et les numéros des étages défilent lentement devant mes yeux qui s’embuent. Sa main vient rencontrer la mienne et j’entrelace mes doigts aux siens. Nous gardons le silence, je lui en suis reconnaissante. Ce seul contact suffit à me faire tenir jusqu’à ce que nous regagnons le souterrain, puis sa petite citadine blanche. Priya m’ouvre la portière et je m’empresse ici aussi de me glisser sur le siège.
Son véhicule quitte le parking à vive allure et cette fois, je ne commenterai pas la conduite sportive de mon amie. Au contraire, aujourd’hui, j’aimerais qu’elle écrase encore davantage la pédale de l’accélérateur. Seulement, la route est verglacée et elle semble prudente. Cela ne lui ressemble pas, peut-être que ma tristesse est si lourde qu’elle la contamine et l’empêche d’avancer plus vite…
C’est un cauchemar.
Je vais forcément me réveiller.
— Est-ce que je viens réellement de voir Arsène… avec une autre femme ?
Je reconnais à peine ma voix, ce n’est qu’un murmure qui se répercute dans l’habitacle.
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Bellaa
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Il y a 24 jours
Sonia J. SAM
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Il y a 24 jours
loup pourpre
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Sonia J. SAM
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vic.mlr
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