Thalie C Protection rapprochée et (em)bûches sous le sapin 2 Décembre 2024 - Partie 1

2 Décembre 2024 - Partie 1

Le reste de la journée d’hier s’est déroulé dans une atmosphère plus légère. J’avais besoin d’un changement de sujet pour arrêter de ressasser ces souvenirs tenaces qui refusent de me quitter. Je n’y pense pas tous les jours, je ne peux même pas donner le rythme précis de leurs assauts. Ce que je sais, en revanche, c’est qu’ils sont toujours là, tapis dans l’obscurité de mon esprit, à attendre un mot, un regard, qui viendra les nourrir.


Je soupire et m’étire dans mon lit. En rentrant, sur les coups de seize heures, j’ai filé sous la douche pour chasser l’impression d’avoir été à nouveau salie, puis je me suis blottie dans mon lit pour regarder ma série préférée. Celle qui recolle les morceaux de mon cœur peu importe les blessures qui lui ont été infligées. Friends.

Leur fonctionnement de groupe me fascine, m’inspire. J’envie leur complicité depuis le premier épisode que j’ai vu, au lycée. Je me suis toujours demandé ce que cela faisait d’avoir un groupe d’amis aussi soudés et présents, en dépit des disputes. Bien sûr, j’en ai détesté certains, parfois, et mon allégeance a changé de camp au fur et à mesure de leur évolution, et de la mienne certainement. J’ai voulu adopter un chimpanzé aussi, mais j’ai dû me montrer raisonnable et abandonner ce projet. De toute façon je compte sauver le pingouin de Lise, maintenant. Il est hors de question de le laisser seul sur sa banquise.


Sept heures trente, je me laisse rouler hors de mon lit avec la grâce d’une otarie en pleine représentation artistique. L’envie de me rendre au travail n’est pas tout à fait là, mais pas totalement absente non plus. Elle est à l’image d’un lundi de décembre, quand les fêtes de fin d’années pointent le bout de leur nez mais se font encore désirer. Je trépigne d’impatience à l’idée de faire notre soirée de Noël entre amis, la veille de mon départ chez mes parents.

Cette année, on va devoir fêter l’anniversaire de Lise avec un jour d’avance. Alors pour marquer le coup, Lucas a proposé de décorer le bar en véritable chalet, avec visite du Père Noël et tout le tralala. Bien sûr, on s’est tous bien gardé de la prévenir de cet invité surprise et des activités prévues. Le bar sera bien évidemment ouvert au public, mais j’ai cru comprendre que notre cher barman s’était payé le luxe d’embaucher un videur pour être plus sélectif sur la clientèle. Il y a des limites à la gêne que peut encaisser mon amie, même si elle a fait énormément de progrès ces deux dernières années.

La grande nouveauté cette année, c’est que Lucas me laisse carte blanche pour trouver le dessert. Je suis un peu déçue de ne pas avoir l’honneur de déguster une nouvelle fois l’une de ses créations, mais je suis trop heureuse de pouvoir retrouver ma meilleure excuse pour gouter tout un tas de nouveaux desserts. Et puis, il est hors de question que je lui avoue que ses gâteaux sont les meilleurs que j'ai mangé. Lise se charge déjà bien assez de flatter son ego en salivant devant sa forêt noire carré et sans cerise.

Pour l’instant, mon cœur balance entre une bûche vanille-passion et une tour de macarons aux saveurs de Noël. Marrons, chocolat épicé, orange-cannelle. Je crois que je vais devoir retourner à la boutique pour les départager. Caroline me supplie de la laisser m'accompagner mais j’aime créer la surprise chez tous le monde, pas seulement pour Lise. Je vais y réfléchir.


En quittant mon appartement pour rejoindre le tram, ce que je fais chaque jour depuis deux ans, une boule d’angoisse se forme dans ma gorge. Je ne peux pas m’empêcher de regarder frénétiquement à gauche, puis à droite, en me demandant si l’homme du marché de Noël est caché quelque part.

Si je devais être rationnelle, je dirais que ce n’est pas possible. Il doit bien avoir une vie avec des choses plus importantes à faire que se planquer devant chez moi en attendant que je pointe le bout de mon nez. Mes talons claquent sur le trottoir dans un silence mesuré. Le bruit des voitures, les conversations téléphoniques des passants. Tout est normal. Ils font partie de mon quotidien. Je ne peux pas m’empêcher de regarder discrètement derrière moi, dans le reflet d’une vitrine. Personne ne me suit. Je relâche l'air que je retenais dans mes poumons.


— Non Jérémy, maintenant ça suffit tu la laisse tranquille.


Je sursaute en entendant ce prénom. Ce n’est pas mon Jérémy. Une mère est en train de gronder son fils, qui tire les cheveux d’une petite fille devant lui. Le soulagement m’envahit, mais les larmes me brouillent la vue. Ce n’est pas la vie que je m’étais imaginé mener. Il y a deux ans, je ne m’inquiétais pas du regard d’un homme sur moi. Je l’appréciais. Je le savourais. Et si l’envie m’en disait, je m'approchais en jouant la fausse timidité, pour m’offrir un moment de plaisir. Je ne me demandais pas si je devais surveiller chaque ruelle, chaque renfoncement.

Je me dis que j’ai la chance de ne pas avoir été agressée sauvagement, comme on le voit souvent dans les films. Il n’y a pas eu de main sur ma bouche, sortie de nulle part pour m’empêcher de crier, pas de couteau ou arme à feu. On ne m’a pas menacée de représailles. Je relativise à ce sujet, parce que les matins comme aujourd’hui, quand mon hypervigilance est à son maximum, je me demande ce que ce serait si j’avais été agressée dans un lieu public, quelque chose qui se rappellerait à moi tous les jours.


J’accélère le pas en voyant approcher le tram. J’aimerais éviter de patienter seule jusqu’au prochain. Je ne suis pas en proie à la paranoïa, mais je reconnais que la conversation que nous avons eu hier sur l’homme qui pourrait me suivre n’est pas totalement innocente à mon appréhension.


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67

67 commentaires

Soäl

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Il y a 2 jours

J’ai impression qu’elle tente de garder la face vis à vis des ses amis, mais en réalité elle en a gros sur le cœur

Thalie C

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Il y a 2 jours

Oui elle est fragile sous ses airs

Origami

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Il y a 14 jours

Ce clin d’oeil jaune que lui fait la vie tend a lui rappeler que ce prénom est commun et qu’elle est constamment sur ses gardes.

Debbie Chapiro

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Il y a 15 jours

J'aime bien qu'elle partage ses peurs, les gestes de contrôle. Je trouve cette constante veille très réaliste.

Aline Puricelli

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Il y a 17 jours

Tu arrives à moduler tes chapitres en nous faisant passer par un million d'émotions, c'est fort

Thalie C

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Il y a 17 jours

😊🥰 merci, j'aime faire passer des émotions dans mes écrits

Sarael

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Il y a 20 jours

On sent bien que ce Jeremy l'a brisé, qu'il a brisé sa légèreté et son sentiment de liberté...

Farahon

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Il y a un mois

Tina mérite tellement d'amour la pauvre bichette 🧡

Thalie C

-

Il y a un mois

❤️

Justine_De_Beaussier

-

Il y a un mois

J'ai envie de la serrer dans mes bras...
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