Fyctia

Je me retourne et fais face à Gabriel. Me souffle se coupe, il est à tomber.

Ses cheveux sont savamment décoiffés, sa barbe de trois jours a disparu, révélant une mâchoire carrée, comme taillée dans du marbre. Il porte une chemise blanche dont les manches sont relevées sur ses avant-bras musclés, et un jean bleu foncé simple mais qui tombe parfaitement bien. Je le découvre pour la première fois portant autre chose qu’un simple t-shirt et je dois avouer que la chemise lui va comme un gant. Elle met parfaitement en valeur son torse et accentue encore sa virilité. Je me sens ramollir à mesure que je le détaille quand l’image de Guillaume s’impose dans mon esprit et me remet les idées en place.

Il ne sourit pas, n’esquisse pas le moindre geste dans ma direction toutefois il ne me quitte pas des yeux.

- Gabriel, soufflé-je.

- Camille.

Le groupe entame une nouvelle chanson, une reprise acoustique d’une chanson connue. Le violon commence, suivi par la guitare et le piano.

La bras de Gabriel se tend et il me propose sa main.

Ce simple geste fait bondir mon coeur.

Ma main se pose au creux de la sienne, il referme ses doigts et m’attire à lui. Il commence à bouger lentement, suivant le rythme délicat de la mélodie. Le monde autour de moi disparait, mon esprit est submergé par l’odeur de Gabriel. Je plonge dans les abîmes de son regard noir et m’y noie avec délectation. La chair de poule s’étale sur mon dos et mes bras lorsque son autre main vient se poser sur mes reins. Je sens sa chaleur se répandre à travers le tissu fin de ma robe et envahir chaque parcelle de mon corps. J’ai comme l’impression que c’est sa façon de me dire au revoir.

« Après ce soir, tu ne me verras plus. Je disparaitrais. »

Mon monde s’arrête de tourner. Je suis dans les bras de Gabriel, en sécurité, et nous dansons, plus rien d’autre n’a d’importance. Le temps est suspendu.

Il y a des moments comme ça dans la vie, vous savez, où vous sentez que vous êtes exactement là où est votre place.

Trop vite à mon goût, la douce mélodie s’arrête et les basses pulsent à nouveau dans le village. Gabriel ne me relâche pas tout de suite et, alors que les gens autour de nous dansent en rythme, nous restons immobiles l’un contre l’autre, sa tête posée sur la mienne.

Je le sens inspirer profondément et je sais qu’il va se détacher alors, avant qu’il n’esquisse le moindre mouvement et que mon courage disparaisse, je me lance.

- Je suis désolée.

Son corps se tend et il se recule pour me regarder.

- De ?

- D’avoir été une putain de relou, je suis désolée. Je ne… me coupai-je pour inspirer, me donner le courage de laisser sortir la suite. Je ne veux pas que tu disparaisses Gabriel.

Il ferme les yeux puis relève la tête vers le ciel en prenant une longue inspiration, avant de me regarder à nouveau.

- Viens.

Sa main toujours dans la mienne m’entraine à travers la foule déchainée. C’est étrange, je ne sens pas mes jambes me porter, pourtant je le suis et marche derrière lui.

Nous sortons de la piste de danse, dépassons les tables et nous éloignons de la place centrale.

Marcher avec des talons hauts sur les pavés du village n’est pas aisé mais je ne dis rien. Je le suis, peu importe où il nous emmène.

Nous arrivons dans une petite ruelle déserte et calme, éclairée par les lanternes disposées là pour la soirée.

Il lâche ma main et s’arrête de marcher. J’attends, silencieuse, le coeur prêt à sortir de ma poitrine.

Il se tourne enfin vers moi, le regard sévère.

- Je me suis longtemps demandé si je devais venir ou pas, m’avoue-t-il.

- J’ai cru que tu ne viendrai pas.

- Je suis venu uniquement pour te dire au revoir.

Je baisse la tête et m’entoure de mes bras, comme pour me réconforter.

- Tu pars ?

- Non. Seulement je ne peux pas te forcer Camille, si tu ne veux plus me voir, si c’est vraiment ce que tu veux, je ferai en sorte de ne plus te croiser avant ton départ.

- Je…

- Donc je suis venu pour te dire au revoir. Et là, tu me dis que tu ne veux pas que je disparaisse finalement. Je ne sais pas sur quel pied danser Camille. Il va falloir que tu me dises ce que tu veux.

Ma respiration s’accélère, je relève la tête et plonge dans un regard noir rassurant et chaleureux.

- Je ne veux pas que tu partes.

- Je ne t’ai pas demandé de me dire ce que tu ne voulais pas, réagit-il en s’approchant de moi. Qu’est-ce que tu veux ? Articule-t-il.

- Je… suis terrifiée Gabriel.

- Par ?

- Par ce que je veux.

- Et qu’est-ce que tu veux ? dis-le, j’ai besoin de l’entendre.

Gabriel est suffisamment proche de moi maintenant pour que son odeur vienne encore chatouiller mes narines. Il tend son bras et dégage une mèche de mes cheveux pour la placer derrière mon oreille. Son contact m’électrise et me pousse à faire taire mes peurs et à me lancer.

- Je veux que tu restes, avoué-je en n’osant pas le regarder. Avec moi. Je veux qu’on passe encore du temps ensemble.

Son index relève mon menton, sa tête s’approche de la mienne. Mon coeur est sur le point de court circuiter mon cerveau quand ses lèvres s’écrasent tendrement sur mon front. Mes yeux se ferment pour savourer ce simple geste.

Il me prend ensuite dans ses bras et me serre, fort. Le souffle que j’avais inconsciemment retenu s’échappe enfin de mes poumons et je lui rends son étreinte. Les bras autour de son corps puissant, la tête posée sur sa poitrine, j’écoute le rythme des battements de son coeur faire écho aux miens.

- Demain matin, je passe te chercher vers 10 heures, m’annonce-t-il au bout de quelques minutes. Envoie moi ton adresse par message.

- Tu as prévu quoi ?

- C’est une surprise.

- Mais, c’est l’anniversaire de Rose demain.

- J’ai son accord.

- Mais quand ?! Tu n’as…

Gabriel pose alors un index sur mes lèvres. Le message est clair.

- Ok, accepté-je d’abandonner.