Fyctia
Gagnants
Je retourne près des tables de billard, fière d’avoir envoyé Gabriel balader.
Il voulait me parler, me présenter des excuses ? Et puis quoi encore ! Comme si ça pouvait m’intéresser, surtout après tout ce temps.
À mon retour, Marc me jette un regard interrogateur et ses paroles me reviennent aussitôt en tête.
« Quelque chose me dit que s’il est à nouveau sur ta route, il faut que tu saisisses l’opportunité pour, je ne sais pas, vider ton sac. Tu ne penses pas ? »
Il avait raison mais faire face à ses yeux sombres dix ans après m’empêchait de relativiser, toute la souffrance que j’avais ressenti remontait à la surface.
Je hoche la tête et souris à mon ami pour le rassurer.
La soirée continue et mon équipe remporte la partie. Vincent propose une revanche que j’accepte à contre-coeur, uniquement parce que c’est la soirée de Marc et qu’il semble s’amuser comme un fou.
- On garde les mêmes équipes ou on change ? Demande Rose.
- On change !
- On reste comme ça, impose Gabriel en parlant en même temps que moi. Si on change ce n’est plus une revanche, précise-t-il en me regardant.
Je serre les mâchoires.
La soirée va être longue.
Un peu plus tard, pendant que Julien se prépare à jouer et réfléchit intensément au meilleur endroit où se positionner et comment faire entrer sa boule, en mauvaise posture actuellement, sans en toucher d’autres, Gabriel s’adosse au mur à côté de moi.
Son bras à quelques millimètres de mon épaule me déclenche la chair de poule.
Traitre de corps.
Il reste silencieux, ça m’intrigue et je lève les yeux dans sa direction.
Son regard est fixé sur la table de billard alors j’en profite pour détailler son profil.
Du dessin parfaitement carré de sa mâchoire contractée à ses pommettes saillantes.
De la courbe de ses sourcils, qui augmente l’intensité déjà folle de son regard bordé de cils épais et courbés, à son nez droit.
De sa bouche pulpeuse et gourmande à son menton couvert d’une légère barbe.
On dirait que ce mec a été taillé dans du marbre. Sentant dans mes tripes un pincement endormi depuis longtemps je baisse immédiatement les yeux et tente de me concentrer sur la partie quand le son de sa voix grave résonne discrètement.
- Tu as fini ton examen ? Ce que tu vois te plait ?
Je ne lui réponds pas et me concentre de toutes mes forces pour qu’aucune rougeur n’inonde mon cou ou mes joues.
- Ne m’ignore pas Camille.
C’est l’hôpital qui se fout de la charité !
Rester de marbre me demande des efforts considérables.
- Tu as toujours la même odeur, ce doux parfum… murmure-t-il en inspirant doucement près de mon oreille.
On dirait un psychopathe pourtant la chair de poule redouble d’intensité sur mon bras et envahit mon dos.
Putain ! Je déteste constater qu’il a toujours ce pouvoir.
Rose ne loupe rien de ce qu’il se passe et je trouve dans son regard la force nécessaire pour continuer d’ignorer Gabriel.
Julien fait finalement entrer sa boule dans le trou et nous le félicitons tout en narguant l’équipe de Rose, Marc et Vincent.
C’est au tour de Gabriel de jouer.
J’ai toujours été étonnée qu’un homme aussi grand et imposant que lui se déplace si gracieusement. On dirait un félin, chacun de ses mouvements est tout à fait maîtrisé, contrôlé, faisant rouler des muscles travaillés sous son t-shirt tendu sur ses bras qui maintiennent la queue qu’il fait coulisser entre ses doigts agiles.
Ce jeu est malsain sérieux on n’aurait pas pu inventer d’autres mots pour qualifier ce avec quoi on joue ?
Je souffle pour me remettre les idées en place mais j’ai dû y aller trop fort car toute la troupe tourne la tête dans ma direction. J’écarquille les yeux de surprise et leur renvoie un sourire d’excuse.
Tout le monde est concentré sur le tour de Gabriel. Il doit faire trois bandes pour entrer sa boule, ça s’annonce compliqué.
Je vois qu’il s’apprête à tirer et je retiens ma respiration. S’il marque, nous avons de nouveau gagné.
Ses yeux se relèvent soudain pour rencontrer les miens et il m’offre un sourire éclatant qui fait s’envoler un papillon dans mon ventre.
Il va marquer, je le comprends immédiatement.
La seconde suivante nous gagnons la revanche.
Emportée par la liesse je saute de joie avec Julien qui me prend dans ses bras puis, avant que je ne comprenne ce que je suis sur le point de faire, je me retrouve dans les bras de Gabriel.
Tout mon corps se tend contre le sien, ferme comme la pierre.
- Déjà il y a dix ans tu as décidé que j’étais le plus grand connard que la terre ait porté, et tu recommences encore aujourd’hui, me murmure-t-il à l’oreille. Ne m’oblige pas à te donner raison et rejoins-moi dehors dans cinq minutes.
Puis il me repose à terre et tape dans les mains des autres, comme si de rien n’était.
- On est obligés de s’incliner là je crois, abdique Marc dans mon dos.
- Aller je paie ma tournée aux perdants ! Annonce Julien.
- En voilà un bel esprit ! Commente mon ami. Venez, la table là-bas s’est libérée.
Tout le monde se dirige vers l’endroit indiqué par Marc et Rose en profite pour me parler discrètement.
- Si tu veux qu’on rentre on s’en va de suite.
- Ça va aller. Marc est content, je ne veux pas lui gâcher sa soirée. Et je dois dire que Vincent et Julien sont super sympas.
J’attrape ensuite le bras de Rose et l’emmène un peu à l’écart. Je lui explique ce que vient de me dire Gabriel.
- Mais pour qui il se prend ? Monsieur décide et je dois obéir ? Suis-je en train de m’énerver.
- Je ne sais pas Cam… Votre histoire remonte maintenant et, même si je sais que tu as beaucoup souffert, je pense que ce serait bénéfique, salutaire même, que tu prennes le temps de l’écouter.
- Je sais ! Je sais… Mais…
- Écoute ma puce, ajoute-t-elle, le lien que tu avais avec lui était si fort que ça t’a marqué au fer rouge. Encore aujourd’hui tout ce que tu fais est guidé par cette expérience. C’est le moment où jamais de t’en délivrer.
- Mais Gabriel est si… n’arrivé-je pas à terminer ma phrase.
- Cam, tu as fini par faire de cette histoire avec lui une sorte de doudou. Tu vis avec cette souffrance, tu la chéris, tu la gardes contre toi la nuit. Tu en as fait une excuse pour ne pas t’engager, pour ne plus tomber amoureuse, pour ne plus vivre à cent pour cent. Ta peur de souffrir à nouveau t’accompagne depuis trop longtemps. Arrache-moi ce putain de pansement et vas le retrouver dehors. Il vient de sortir et il attend.
Je hoche la tête, surprise par la justesse de ses propos, et décide d’écouter ma meilleure amie, pour une fois.
J’ai trop bu pour avoir les idées claires, sans compter que la présence de Gabriel me brouille le cerveau. Mais Rose a raison, je dois écouter ce qu’il a à me dire, peut-être qu’après, enfin, je pourrais tourner la page sur notre histoire.
Pourquoi mon coeur se serre à cette idée ?
23 commentaires
Salma Rose
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Il y a un an
Anaïa Auteure
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Il y a un an
Aime Kha
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Il y a un an
Laure-Thonon
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Aime Kha
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Etoile noire
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Aime Kha
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JulieDauge
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Aime Kha
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Mayana Mayana
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Il y a un an