Fyctia

Enfin il s’était arrêté mais je ne voulais plus qu’il me lâche.

Hors de question de plonger dans cette eau glacée. Il avait alors tenté de me remettre sur mes pieds et, dans une prouesse qui m’étonne encore aujourd’hui, j’avais accroché mes jambes autour de sa taille et mes bras à son cou. Comme un petit singe accroché à sa branche.

- Si tu m’envoies dans l’eau, tu seras obligé d’y aller avec moi. Je plonge, tu plonges.

L’eau semblait suffisamment froide pour que cette menace le dissuade.

Une vibration avait alors résonné dans ma poitrine, elle-même collée à son torse.

Gabriel riait.

Je n’en revenais pas.

Pour voir ça de mes propres yeux, j’avais légèrement desserré mon étreinte.

Il rayonnait, plus beau que jamais, son sourire éclairait tout son visage. J’en avais eu le souffle coupé et mon coeur avait raté un battement. J’aurais voulu attraper ce sourire, le mettre dans un bocal et le garder juste pour moi.

Il m’éblouissait complètement.

Toujours en riant, il avait ensuite baissé la tête tout en la secouant légèrement de droite à gauche jusqu’à poser son front contre le mien.

Sa main, plongée dans l’eau la seconde d’avant, venait me caresser la nuque dans un geste qui n’était pas sans me rappeler celui que ma maman me prodiguait étant petite avant que j’aille me baigner.

- Je n’imaginais pas les choses autrement, m’avait-il répondu.

Le seconde suivante, l’eau nous engloutissait. Le choc thermique était terrible.

Par réflexe, j’avais relâché mon étreinte pour remonter à la surface et sortir de l’eau au plus vite. Je courrais aussi vite que me permettait la résistance de l’eau mais l’instant d’après je volais dans les airs et replongeais dans l’eau. Il m’avait balancé comme un vulgaire sac de patate. L’enflure ! L’eau froide commençait à anesthésier mes muscles mais la morsure du froid se faisait moins forte.

De nouveau sur mes jambes je cherchais furieusement du regard Gabriel. Il se tenait derrière moi, son visage étrangement impassible comme d’habitude. J’étais hors de moi. À cause de ce qu’il avait fait mais surtout de ce que je ressentais. Il avait beau se comporter comme un connard fini, je le trouvais toujours attirant, si ce n’est plus. Et je ne parvenais pas à me sortir de la tête ce sourire qui était apparu un peu plus tôt. Je m’étais avancée vers lui et maintenant je le poussais de toutes mes forces, mes deux petites mains plaquées contre son torse puissant. J’y mettais tout ce que j’avais et c’était à peine s’il bougeait.

- Non mais ça va pas ? T’es complètement cinglé ! Je suis trempée ! L’eau est gelée ! J’ai pas de maillot !

Plus je parlais plus je hurlais.

Je n’obtenais aucune réaction de sa part si ce n’est sa mâchoire contractée. Il ne me regardait même pas dans les yeux. Suivant son regard je percutais : pas de maillot, pas de soutien-gorge rembourré. Sous mon débardeur, ma poitrine affichait elle aussi son mécontentement face à l’eau froide.

Rouge de honte je croisais les bras et, en poussant un rugissement de rage, me retournais pour sortir de l’eau.

- Ne t’avise pas de recommencer !

Au lieu de me répondre, Gabriel s’était mis à courir comme si l’eau n’était pas un élément dérangeant pour se déplacer alors que moi je galérais comme pas possible pour garder l’équilibre, d’autant plus avec les bras croisés pour cacher mes seins tendus.

Comment était-il possible qu’il puisse m’agacer autant qu’il me fascinait ? J’enrageais contre moi-même.

Arrivant enfin à hauteur de ma serviette, plongée dans mes pensées, je n’avais pas vu que cette dernière n’était plus là.

Non… Il n’aurait pas osé. Si ?

Rose qui, en bonne meilleure amie, était pliée de rire, m’avait fait signe de me retourner.

Gabriel était derrière moi et avait ma serviette.

Si un regard pouvait tuer il serait mort dix fois. Alors que je me préparais mentalement à devoir me battre pour récupérer ce fichu bout d’éponge, ses bras s’étaient écartés. Il me tendait la serviette de sorte à ce que je me rapproche et vienne m’enrouler dedans.

J’avais bien trop froid pour m’y opposer.

Mes dents claquaient pendant que Gabriel refermait ses bras et la serviette autour de moi. Il me frictionnait. Gabriel. Me. Frictionnait.

Tout était normal.

Le froid devait empêcher mes neurones de fonctionner correctement puisque je ne réagissais pas, je le laissais faire, les yeux sur le médaillon qui pendait au bout de sa chaîne. C’était un arbre.

Le médaillon, pas Gabriel. Évidemment.

Un très bel arbre de vie.

Le vent soufflait de plus en plus fort et, si mes dents ne claquaient plus, celles de Gabriel claquaient pour nous deux. Je cherchais à présent sa serviette des yeux mais impossible de la trouver. Il n’y avait plus d’affaires, plus personne.

Quoi ?

- Mais… Où…

Ma questions mourrait sur mes lèvres tandis qu’une autre se formait dans mon esprit : combien de temps étais-je restée ainsi blottie dans ses bras ?

Je pouvais voir la colonie au loin sur le chemin du retour.

Gabriel tremblait mais n’esquissait pas le moindre mouvement. Luttant contre ma timidité et contre ce que pouvait éventuellement impliquer ce geste de ma part, j’avais ouvert la serviette et les bras, l’invitant à se réchauffer contre moi.

Une grande inspiration et le parcours d’un regard brûlant sur mon corps plus tard, je me prenais une grosse claque.

- Garde ta serviette. On ferait mieux de rentrer.

Et comme ça, sans plus me regarder, il s’était mis à trottiner pour rejoindre les autres.