Fyctia
Douche et révélation, partie 1
- Gabriel.
- Camille.
Le ballon encore dans les mains, j’observe son torse. Il est toujours aussi large mais plus nerveux et des poils se sont invités histoire de donner encore plus de virilité à cette statue grecque ambulante. C’est injuste. Il n’aurait pas pu, je ne sais pas moi, s’empâter ? Le voir comme ça m’énerve encore plus.
- Tu veux bien me rendre le ballon, s’il te plait ?
- Oh, mais c’est que Gabriel a finalement appris la politesse, raillé-je en lui envoyant le projectile agressif.
- Ne confonds pas politesse et amabilité Camille.
Pincez-moi je rêve. Il ne manque pas de culot. Il n’en avait jamais manqué à bien y réfléchir.
- Ce sont, de toute façon, deux qualités dont tu es dépourvu, Gabriel.
Il fallait que je m’en aille. Rapidement.
- Pense ce que tu veux. En attendant… il fait une pause et un sourire prétentieux vient éclairer son visage, arrête de me suivre Camille.
Suite à quoi, il ose me faire un clin d’oeil. Non mais je rêve !
La bouche grande ouverte, outrée, je n’arrive pas à réagir. Trop tard, il est reparti avec sa bande de potes. Je me ficherai des claques !
Quand je suis de retour sur ma serviette, je suis encore plus essoufflée qu’avant. J’ai dû enchainer quelques kilomètres de crawl histoire de calmer mes nerfs. Ce mec est dangereux pour ma santé mentale mais manifestement pas pour ma forme physique.
Bon, voyons le point positif : Rose ronfle encore ce qui signifie qu’elle n’a pas assisté à cet affligeant échange et que je n’aurais donc pas à lui raconter, analyser, ou quoi que ce soit d’autre. Ne reste qu’à faire comme si rien ne s’était passé.
Je mets mes écouteurs et laisse la musique m’apaiser. Mon regard évolue sur la plage, observant tour à tour des familles s’amuser, des enfants jouer, des jeunes faire les intéressants. Finalement mon regard trouve Gabriel et sa bande de potes. Les mêmes qu’il y a deux jours au bar, à une exception près : une exception blonde, avec un corps à se damner. Comme par hasard.
C’est plus fort que moi, je les observe à l’abri derrière mes lunettes de soleil effet miroir. Je sais que personne ne peut voir ce que je regarde, ça me donne des ailes.
Je ne me gène pas et observe blondie jouer de ses charmes sur ces messieurs mais quand je la vois approcher Gabriel et lui caresser le bras, mes poils se hérissent automatiquement. Gabriel ne réagit pas, il se contente de… me regarder ? Merde.
Je baisse vivement la tête, prise en flagrant délit.
Mais non, mais qu’est-ce que je raconte ?
Il ne pouvait pas savoir que je le regardais sauf que, maintenant, avec cette réaction puérile, il sait. Oh je me déteste ! Je me déteste !
Il faut que je me change les idées, je récupère mon portable dans mon sac et vérifie mes messages et mails.
Guillaume m’a répondu « profite bien ». C’est sympa. Je lui renvoie un smiley bisou-coeur.
Je ne suis pas surprise de n’avoir aucun mail de mon boulot. Soulagée même.
Cette année j’ai eu la brillante idée de poser les mêmes congés que mes patrons. C’est parfait !
J’aurais pu faire autre chose qu’assistante mais j’ai étrangement vrillé juste après mon retour de vacances il y a de ça… dix ans. J’ai failli louper mon bac et les études m’ont semblé hors de portée. Je me suis débrouillée comme j’ai pu et lorsque j’ai sorti la tête de l’eau et commencé à m’intéresser à mon avenir, j’étais déjà engagée dans une routine métro - boulot - dodo. J’avais un appartement et des charges à payer. Oui, ça m’a pris autant de temps que ça. Le retour en arrière pour faire des études et habiter chez mes parents n’était pas envisageable.
Je me suis accrochée et j’ai mis de côté mon égo. Aujourd’hui je suis à un bon poste, dans une entreprise qui valorise mes compétences et qui paie bien. Ça n’a pas toujours été facile mais je suis fière d’être là où j’en suis et, malgré leurs lubies ponctuelles, mes patrons sont des personnes agréables.
J’ouvre ensuite mon Insta et constate que Rose a publié une photo de nous deux sur la plage à notre arrivée ce matin « Plage de Magouëro avec ma parisienne adorée ». Je mets un coeur et scroll un petit moment jusqu’à ce que Rose s’éveille enfin.
- Bonjour la belle au bois dormant !
- Oh je suis désolée, j’ai fait une petite sieste.
- Une petite sieste de quatre heures oui, ça t’a fait du bien ?
- Quatre heures ? Tu déconnes ? J’ai seulement somnolé.
- Somnolé en ronflant, me moqué-je. Tu as les marques de la serviette sur la joue ma puce.
- La loose…
- Aller va te baigner vite fait pour bien te réveiller et je t’invite à manger une gaufre pour le gouter, ça te va ?
- Ça va pas aider ma ligne ça…
- Mais qu’est-ce que tu racontes, on n’a même pas mangé ce midi !
- C’est vrai, mais je me demande ce qui est le mieux : déjeuner de façon équilibrée, ou sauter le déjeuner parce que viennoiseries à volonté le matin et gaufre au goûter ? Tu as conscience qu’on n’a plus 12 ans ?
- Et toi, tu as conscience que tu es rabat-joie ?
- C’est qu’elle mordrait !
- Et la prochaine fois n’amène pas de viennoiseries si tu veux surveiller ta ligne cocotte.
Mais je parle dans le vide, Rose est déjà en train de courir pour se jeter dans l’eau avant même d’y avoir trempé un orteil.
Elle est comme ça Rose. Tout en contradiction, à profiter et foncer dans le tas puis réfléchir ensuite. Elle fonce à la boulangerie et pense aux calories après avoir englouti deux pains au chocolat. Elle plonge dans l’eau et en ressort comme si elle avait le feu aux fesses.
- La vache ! Elle est gelée !
- Reste un peu dedans, elle est meilleure ensuite, lui conseillé-je.
- Pas la peine, je suis bien réveillée et tu m’as vendu du rêve avec ta gaufre. J’ai faim, on y va ?
Je jette un dernier regard en arrière avant de quitter la plage. C’est sans surprise que je croise un regard noir surmonté de sourcils froncés et, cette fois, c’est sur mon visage que s’affiche un sourire suffisant.
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BlueMoon72
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