Fyctia

Nous avions entamé la dernière semaine de notre séjour. La question de ce qui était arrivé à Gabriel me trottait toujours dans la tête sans que, pour autant, aucun éclaircissement à ce sujet n’ait été apporté.

Rose et moi nous amusions, comme tout le monde. Gabriel, lui, restait dans son coin. Rien de bien nouveau si ce n’est qu’Irène avait effectivement constaté que le comportement de ce dernier était étrange mais elle n’y avait trouvé aucune explication logique.

Après nous avoir fait courir en tous sens dans la bourgade de Plouhinec lors d’une chasse au trésor la veille, les animateurs avaient trouvé judicieux de nous faire passer une journée à la plage pour se reposer et se détendre.

L’idée aurait été parfaite mais la météo n’était pas de cet avis. La veille nous crevions de chaud dans les rues de la ville à chercher nos indices sous un soleil de plomb mais aujourd’hui le ciel était chargé et nous avions perdu cinq ou six degrés. Pas un temps favorable à la baignade selon moi.

Pourtant la majorité de la colonie était en maillot et déjà les pieds dans l’eau.

Posée sur ma serviette, j’hésitais à remettre mon gilet. J’étais en débardeur et la chair de poule me faisait frissonner. À regarder les baigneurs je ne pouvais que constater que nous n’étions vraiment pas constitués de la même façon.

Rose aimait plaire et, pour son plus grand bonheur, avait vu sa poitrine enfler ces deux dernières années. Elle ne loupait donc jamais une occasion de la mettre en valeur et ce petit bikini rouge faisait totalement son office.

- Tu ne te baignes pas ?

- Rose t’es pas sérieuse, même toi tu as la chair de poule regarde ! Avais-je dit en pointant du doigts sa peau.

Avant qu’elle n’ait pu me répondre trois de nos copains l’avait soulevée de terre. Elle avait poussé un hurlement qui avait résonné sur toute la plage et deux minutes plus tard ils la balançaient dans l’eau.

Une percée bienvenue de rayon de soleil dans les nuages réchauffait mon corps.

Je me tordais de rire en voyant Rose tenter de se venger et les garçons courir dans tous les sens. Je pensais que les nuages avaient de nouveau caché le soleil en sentant la chaleur de ce dernier disparaitre mais en lieu et place de nuage c’était une ombre parasite.

Pas besoin de vérifier, avec la multiplication des frissons sur ma peau je savais parfaitement qui se tenait à mes côtés.

Je n’avais cependant pas pu empêcher mon regard de ledit parasite.

Il se tenait de bout mais ne me regardait pas. Il était juste là, à mes côtés, droit sur ses longues jambes, les mains dans son short de bain bleu, torse nu. Il affichait des muscles impeccablement dessinés mais pas gonflés. Une chaîne en argent pendait à son cou. Il avait la mâchoire contractée et les sourcils froncés derrière ses lunettes de soleil.

Me sentant minuscule assise sur ma serviette, je m’étais levée. Il était tellement grand que finalement ça ne changeait pas grand chose que je sois debout.

Suivant son regard, mes yeux se posaient sur nos amis qui s’ébrouaient dans l’eau.

- Tu ne vas pas te baigner ?

Entendre sa voix grave m’avait surpris. Je pouvais compter sur mes doigts le nombre de fois où je l’avais entendu parler depuis le début du séjour.

- Quel sens de l’observation. J’allais justement enfiler mon maillot, avais-je répondu avant de mettre mon gilet.

Je n’étais pas quelqu’un de sarcastique en temps normal mais c’était la première fois qu’il me parlait et j’étais perdue, sur la défensive.

- Je vois ça. Tu devrais le retirer. Où est ton téléphone ?

- Mon téléphone ?

Au lieu de me répondre il m’avait regardé avec un agacement à peine dissimulé. Je ne voyais pas où il venait en venir. Ni pourquoi il voulait que je retire mon gilet.

- Dans ma poche.

Mon coeur tambourinait fort dans ma poitrine. Vraiment, je ne comprenais pas les réactions que j’avais face à ce garçon.

Rose me regardait au loin avec un petit sourire au coin de la bouche, je savais qu’il fallait que j’enregistre dans les moindres détails ce que Gabriel me disait car, la connaissant, il faudrait que je lui raconte tout une fois que nous serons rentrées.

- Donne-le moi.

J’avais vivement tourné la tête et le regardais comme si une deuxième tête lui poussait. J’allais ouvrir la bouche pour lui demander pourquoi mais il m’avait devancé. Il s’était tourné vers moi, me surplombant de ses cent quatre-vingt-dix centimètres. Il avait retiré ses lunettes de soleil et son regard emprisonnait le mien. Tendant la main vers moi il avait répété :

- Ton téléphone.

Du coin de l’oeil je voyais nos amis sortir de l’eau et se diriger vers nous. Dans les yeux de Gabriel l’impatience commençait à poindre.

Avant de comprendre ce que je faisais, mon téléphone se retrouvait entre ses mains.

- Bien.

D’un geste vif, il l’avait balancé et mon pauvre smartphone gisait sur ma serviette.

- Gab, tu viens faire une partie ? L’avait hélé Théo qui se tenait un peu plus loin, un ballon de foot entre les mains.

- Plus tard.

Son ton était sans appel.

Théo avait haussé les épaules et était reparti en courant.

Rose n’en perdait pas une miette ainsi que la majorité des autres qui étaient tous à l’affut de ce que Gabriel allait faire. Il fallait croire que je n’étais pas la seule piquée de curiosité à son égard.

Une étincelle de malice avait brillé dans son regard et l’ombre d’un sourire satisfait s’était dessiné sur ses lèvres pleines mais le temps que je m’en rende compte, j’avais la tête à l’envers et mes pieds ne touchaient plus le sol.

À la vitesse de l’éclair il m’avait balancé sur son épaule et se dirigeait dangereusement vers l’océan. J’avais envie de hurler mais mon souffle était bloqué. Sentir ses mains sur moi, être contre son corps, le tout avec la tête à l’envers me paralysait.

Un peu plus loin, d’un geste agile, il m’avait reposé au sol, face à lui et les pieds dans l’eau. J’avais couiné parce que son contact m’avait rendu brûlante et que l’eau me semblait gelée.

Il avait pris une grande inspiration et comprenant ce qu’il s’apprêtait à faire j’avais immédiatement récupéré l’usage de la parole :

- N’essaye même pas Gabriel !

- Comme si tu pouvais m’en empêcher.

- Non, non, non, non, non !

J’étais de nouveau sur son épaule. Cette fois je gigotais, me débattais mais c’était peine perdue. Il était bien trop fort pour moi. Il continuait sa progression.

L’eau arrivait maintenant à sa taille et il continuait d’avancer. Mes longs cheveux caressaient la surface et je hurlais toujours à plein poumons.