Fyctia

De la couleur des murs à celle des draps, leur matière et les carreaux de la salle de bain, j’ai droit à tous les détails. Pendant une demi heure elle me raconte sa nuit et je retrouve l’engouement de l’adolescente qui est devenue ma meilleure amie il y a des années. Les relations naissantes l’ont toujours rendue prolixe.

- Il est extrêmement attentionné c’est dingue, je vais vite devenir accro à ce rythme là. Enfin surtout avec sa langue, d’une impressionnante agilité, d’une dextérité déroutante…

Revoilà l’afflux de superlatifs, mais ce qui me fait sourire c’est l’air heureux qu’elle affiche alors qu’elle revit sa nuit en même temps qu’elle me la raconte. Je suis heureuse pour elle mais les remarques de Marc m’inquiètent.

- Tu le revois quand ?

- Je ne sais pas encore, c’est ça qui est bien aussi avec lui. Je ne sais jamais où ni quand. C’est toujours surprenant !

- Et il fait quoi dans la vie ?

- Il est informaticien indépendant. Il vadrouille à droite à gauche pour son boulot. C’est d’ailleurs ce petit côté geek qui m’a séduit. J’ai toujours été sensible aux clichés tu sais, le mec sexy avec ses lunettes.

Je rigole et décide d’être optimiste. Marc se fait assez de soucis pour deux. Et puis elle est si heureuse que je n’ai aucune envie de lui mettre en tête des idées qui pourraient se révéler totalement erronées. Je n’ai pas spécialement foi en la gent masculine de base, merci Gabriel, mais pour Rose, je veux y croire.

- En tout cas, ce mec a le don de te donner une énergie débordante.

- Grave ! Bon, tu veux faire quoi aujourd’hui ? Je pensais aller à la plage, tu sais celle dont je t’ai parlé.

Rose suit mon regard, la tempête s’est calmée mais le ciel reste menaçant.

- Le temps que je prenne une douche le ciel bleu sera là, fais-moi confiance. Alors ça te tente ?

- La plage avec ma meilleure amie, quelle question ? Evidemment andouille. Allez file !

Après une petite heure de voiture nous arrivons sur un parking de sable.

Des dunes sauvages s’étendent de tous les côtés. Rose m’a parlé de cette plage plusieurs fois, me disant qu’elle faisait des kilomètres de long, que le sable y était blanc et fin et que les algues n’étaient que peu présentes.

Sur toutes les plages Bretonnes, ou presque, le sable est épais et les algues pullulent à foison, ce qui n’est pas forcément l’idéal pour se baigner. Alors j’ai hâte de découvrir cette plage ovni pour la région. D’autant que, selon ma meilleure amie, cette plage est peu fréquentée.

Rose avait raison, le soleil est revenu et l’été avec lui.

À grand renfort de crème solaire, de lunettes et chapeau, nous nous dirigeons vers l’unique chemin menant au rivage. Serpentant entre les dunes couvertes d’herbe séchée couchée dans le sens du vent, nous progressons et j’aperçois bientôt la fameuse plage.

Je prends une grande respiration, emplissant mes poumons de l’oxygène iodé que j’affectionne tant.

La plage est immense et, pourtant, la marée est haute. Certaines plages se voient presque totalement privées de sable lorsque la marée est haute mais pas celle-ci.

Je tourne la tête à gauche, à droite. La plage ne semble avoir ni début, ni fin. Elle court sur des kilomètres. Comble du bonheur, elle n’est pas bondée. Il y a du monde mais elle est si grande que nous pouvons aisément garder plusieurs mètres de distance entre chaque groupe de serviettes.

Armée de mon bouquin, notre installation terminée, je suis prête à lézarder. J’envoie une petite photo à Guillaume pour lui prouver qu’en Bretagne, il ne pleut pas tout le temps. J’omets évidemment de lui parler de la mini tempête matinale, puis je m’allonge en poussant un soupir de satisfaction pendant que Rose m’étale de la crème dans le dos.

C’est en sentant du sable atterrir sur mon ventre et mes jambes que je me rends compte que je me suis assoupie. J’ouvre les yeux, hébétée, pour repérer d’où vient l’agression sablée. Je constate que Rose aussi s’est endormie à mes côtés, en position du foetus, elle semble rattraper les heures de folie de sa nuit.

Le soleil est toujours là et je sens que ma peau est brûlante.

Je m’avance vers la mer qui s’est considérablement éloignée depuis notre arrivée. Deux gamins courent sur la plage depuis la mer vers leurs serviettes. Ils construisent un château de sable non loin de Rose et moi. J’en déduis que ce sont eux les coupables. Il y a, honnêtement, peu de choses aussi désagréables que du sable collé sur un corps crémé.

Une petite brise agréable rend la chaleur du soleil plus supportable, j’avance jusqu’à tremper mes orteils dans les faibles vagues de l’océan calme. Le contraste entre la chaleur et la température de l’eau me fait gémir. Couiner serait plus exact. La température de l’eau doit avoisiner les 22 degrés, mais j’ai l’impression qu’elle est glacée, surtout au vu de la chair de poule qui s’étend sur tout mon corps. Tant pis, j’y vais quand même. Nager me réchauffera.

Je plonge la tête la première et j’entame un crawl tranquille. Plutôt que de m’enfoncer au large je longe la plage mais je reste suffisamment éloignée du bord pour éviter les enfants. J’adore les enfants mais, soyons honnêtes, à la plage, ils se transforment en monstres agressifs. Si on n’y prend pas garde, on se retrouve fouetté par le sable, aspergé d’eau fraîche, ou éclaboussé des deux à la fois. Un grand bonheur que je préfère éviter.

Un peu essoufflée par ma nage intensive, je me retourne sur le dos dans ma position favorite : la planche. Les yeux fermés, je me laisse dériver tranquillement quand je reçois un projectile en pleine tête. Un peu étourdie je ne mets cependant pas beaucoup de temps à trouver l’objet coupable.

Un ballon. Je viens de me prendre un ballon en pleine tête alors que je n’ai rien demandé à personne. C’est tout moi ça. À moitié énervée je récupère le ballon, prête à le renvoyer à grand renfort de regard tueur lorsque je me retrouve face à lui.

Deux yeux sombres et une expression perdue entre l’excuse et la moquerie.

Encore lui.