Fyctia

Quelques jours se sont écoulés depuis notre arrivée à ce camps de vacances. Les autres sont tous plutôt gentils.

Tous sauf un.

Les jours passent et les activités s’enchainent. Avec Rose on s’éclate comme des folles et on s’est entourées d’une bande de potes aussi cinglés que nous. Étant donné que nous faisons partie des plus âgés des vacances, les mono nous laissent carte blanche le soir et nous en profitons. Nous sortons, nous nous promenons au gré du paysage sauvage Breton.

Nous savourons cette liberté que nous n’avons pas en temps normal auprès de nos familles respectives.

À mon grand étonnement, on dirait que j’intéresse plusieurs garçons. C’est agréable de sentir qu’on plait.

Pourtant ça avait plutôt mal commencé. Ce premier jour, lors de la partie de cartes avec Timothéo - Théo -, Gabriel, Irène et Rose, j’ai longtemps cru que j’avais fait quelque chose de mal.

Je ne comprenais pas pourquoi Gabriel s’acharnait sur moi. Durant toute la partie, pas un sourire, pas un mot. Il s’évertuait seulement à tout faire pour que je perde.

Les jours qui ont suivi je l’ai soigneusement évité jusqu’à ce que je m’aperçoive que finalement je déployais beaucoup d’efforts pour rien. Pas besoin de l’éviter, dès que j’arrivais quelque part, il partait aussitôt. Très agréable.

À force d’entendre Rose me répéter que je n’avais rien fait de mal, j’avais fini par comprendre que c’était effectivement Gabriel qui avait un problème.

Cependant, je ne m’expliquais pas le fait que, malgré tout, où que je sois, peu importe avec qui, je le surprenais régulièrement en train de m’observer avec son air aimable. Au bout d’une semaine j’avais même fini par savoir lorsqu’il me regardait, sans même avoir besoin de confirmation visuelle. Chaque fois que son regard se posait sur moi, j’avais une sorte de chair de poule.

Rose s’était moquée de moi lorsque je lui en avais parlé mais ça l’amusait tellement qu’elle m’a mise au défi. Une journée pour la convaincre. Au bout de cette journée, sa passion était née. Nous en discutions, posées dans notre chambre.

- L’esprit humain est incroyable Cam tu ne te rends pas compte !

- De quoi tu parles ? Des ténèbres qu’un être humain peut abriter et qui transparaissent dans ses yeux ?

- Euh… Oui, aussi, mais surtout du fait que ton esprit voit mieux que tes propres yeux !

- J’avoue que c’est assez flippant.

- Non ce n’est pas flippant, c’est extraordinaire. Ce qui est flippant en revanche c’est le temps que Gabriel passe à te regarder.

Je sentais mes joues chauffer malgré moi à cette remarque de ma meilleure amie.

- Je ne le comprends vraiment pas Rose, il est…

- Il a un pet au casque oui !

- Qui a un pet au casque ?

J’avais sursauté en entendant Irène. Je n’avais pas fait attention qu’elle était revenue dans la chambre.

- Oh personne… Tu le connais bien Gabriel ?

J’étais devenue blanche. Rose et sa discrétion.

- Rose ! Arrête, l’avais-je suppliée.

- Gabriel ? C’est le meilleur ami de Théo, qui est mon cousin, donc oui je le connais bien. C’est lui qui aurait un pet au casque selon vous ?

Nous avions passé pas mal de temps avec Irène cette semaine et on s’entendait bien, mais pas de là à parler ainsi de Gabriel devant elle.

- Non Irène, oublie on…

- Carrément ! Avoue qu’il est un peu anti-social. M’avait coupé ma meilleure amie.

Merci Rose chérie…

Irène s’était assise sur mon lit, à mes côtés face à Rose.

- On passe toutes nos vacances avec lui, donc je suis habituée à sa personnalité un peu renfermée mais j’avoue que cette semaine je le trouve particulièrement…

- Antipathique ? N’avais-je pu m’empêcher de lâcher.

Heureusement pour moi, Irène l’avait pris à la rigolade. Après avoir cessé de rire, elle avait semblé réfléchir.

- Je sais qu’il a eu une année compliquée. Théo n’a pas voulu entrer dans les détails mais ça pourrait expliquer qu’il soit si peu bavard.

- Si peu bavard ? M’étais-je écriée. Si ce n’était que son silence encore ça irait, mais il a un regard si excédé. On ne le voit jamais, il ne participe à aucune activité, on croirait un fantôme.

Irène avait paru étonnée mais avant qu’elle ajoute quoi que ce soit, Rose en rajoutait une couche.

- C’est vrai, le mec on dirait un ninja. Je l’ai observé aujourd’hui Irène, je t’assure que c’est flippant. Il n’est nulle part et pourtant il est toujours là. Il observe, il ne lâche jamais Camille des yeux. Rassure-moi, il n’a pas des tendances de psychopathie ?

Irène avait éclaté de rire, un son cristallin qui allait parfaitement avec sa petite carrure.

- Gabriel, psychopathe ? T’es trop drôle. Je ne connais personne d’aussi doux et gentil que lui.

- Attends, attends. On parle bien du même gars ? Moi je parle du brun qui se la joue ténébreux et mystérieux.

- Rose, je t’assure que tu fais fausse route. Je ne sais pas pourquoi il se comporte comme ça cet été, mais je le connais bien et ce mec ne ferait jamais de mal à une mouche. Camille, avait-elle ajouté en se tournant vers moi, il t’observe autant que ça ?

Mal à l’aise, je hochais la tête pour lui confirmer.

- Mais je me trompe peut-être… avais-je nuancé.

- Non tu ne te trompe pas, je l’ai constaté aujourd’hui. Irène, c’est à un tel point que Camille a développé une sorte de don qui fait que dès qu’il l’observe maintenant elle le sait, elle le sent, sans avoir besoin de le voir !

- Sérieux ? Je peux lui en parler et lui dire d’arrêter si…

- Non !

Rose et Irène avaient vivement tourné la tête vers moi après que j’avais crié un peu plus fort que voulu. Un sourire commençait à poindre sur la bouche de ma meilleure amie. Avant qu’elle n’ait pu dire quoi que ce soit, je m’étais empressée d’ajouter :

- Laisse le tranquille, ça ne me dérange pas tant que ça et s’il traverse une période difficile je ne veux pas en rajouter.

- Comme tu veux, mais demain je prêterai quand même plus attention à vous deux. Je n’avais pas remarqué et ça me rend curieuse.

- Tu n’as rien remarqué parce que Sébastien accapare toute ton attention, avoue…

Et voici comment Rose avait détourné l’attention d’Irène. Nous avions passé le reste de la soirée à discuter du coup de coeur d’Irène qui, manifestement, semblait réciproque. J’avais activement participé à la conversation et je me demande encore comment j’avais réussi la prouesse d’écouter et interagir alors qu’une seule question tournait en boucle dans ma tête « Qu’est-il arrivé à Gabriel cette année pour que le gentil garçon décrit par Irène se transforme en ce glaçon des enfers ? ».