Fyctia

1h30 que nous roulons, et je commence à avoir mal aux jambes. Milo lui continue de chanter ses chansons préférées à tue-tête, et j’avoue que je le rejoins de temps en temps.

— Tu veux qu’on s’arrête pour manger un bout ? Lui demandai-je au bout d’un moment.

— Non ça va.

— Tu es sur ? Il ne faudra pas te plaindre si jamais tu as faim quand on sera là où il n’y a aucun restaurant.

— Oui oui je suis sur. Dit-il en regardant à travers la vitre de la voiture.

*

2h30 que nous sommes partis de la maison, et je commence à reconnaître légèrement le paysage. Mi désert, mi verdure. Assez atypique.

Il nous reste encore une demi heure de route, environ. J’ai hâte d’arriver à destination, surtout pour me reposer après le trajet. Pourtant j’appréhende les « retrouvailles » avec mon frère. Il est pourtant très différent de mes parents, selon mes souvenirs, et les quelques échanges que j’ai eu avec lui, mais je ne sais pas. Et puis mes pensées dérivent vers Isaac. Oui, il me fait peur je l’avoue.

Sam a beau m’avoir dit qu’il avait changé, il n’en restait pas moins que j’avais peur de le revoir. Il me faisait stresser comme personne n’arrivait à le faire.

Mon frère n’avait jamais eu droit aux moqueries incessantes d’Isaac. Pour dire vrai, cet énergumène faisait pratiquement parti de son cercle d’amis à l’époque. Je n’ai d'ailleurs jamais réellement compris comment c’était possible. Mais bon, tout cela fait parti du passer, et aujourd’hui est un jour nouveau.

Je vais renaître de mes cendres tel un phénix ! Je vais recommencer ma vie, oublier le passer, et…

— C’est pas vrai !!

Je stoppe la voiture au beau milieu de la route. Milo dort paisiblement, je ne vais pas le réveiller.

Je sors de la voiture pour vérifier que je ne rêve pas, et non. Nous venons d’arriver dans la ville de mon enfance. Je viens à peine de dépasser le panneau m’indiquant que j’arrive à Monroe, que je vois une banderole au loin, accroché en l’air entre deux bâtiments.

Pitié ! Faites qu’il n’ai pas fait ce à quoi je pense !

Je remonte dans la voiture, et Milo s’est réveillé entre temps.

— Qu’est-ce qu’il se passe maman ? On est arrivé ?

— Rien. Espérons. Chuchotais-je pour la deuxième partie. Et pas tout à fait, mais bientôt ne t’en fait pas.

Il se recale contre le fond de son siège, et je continue d’avancer.

Les mots sur la banderole sont de plus en plus lisibles. J’ai envie de faire demi-tour dès maintenant.

Je m’arrête juste devant la banderole, mais également devant les quelques personnes qui attendent. Et dans le lot, j’aperçois mon frère, un grand sourire aux lèvres.

— Maman ?

— Tu m’attends là deux minutes ?

Milo hoche la tête en guise de réponse.

Je me force à sourire, prends une grande inspiration, et sors de la voiture.

Je relève la tête vers la banderole. « Bon retour à la maison Nathanaëlle ! » est inscrit en énorme dessus. Il a osé !

— Nathy !

Mon frère saute littéralement dans mes bras.

— Ça fait tellement plaisir de te revoir ici. Me dit-il à l’oreille.

Quand il se sépare enfin de moi, je lui dis :

— Tu m’expliques tout ça. Dis-je en montrant la banderole et les personnes qui m’attendent.

— A dire vrai, ce n’était même pas mon idée.

Je le regarde incrédule. Puis je vois quelqu’un sortir de la mini foule à quelques mètres de nous, et s’approcher. Une boule au ventre s’installe quand je vois de qui il s’agit.

— Isaac ?

— Salut Nathanaëlle. Pour répondre à ta question, c’était mon idée de marquer l’évènement de ton retour ici. Dit-il avec un petit sourire en coin.

Je suis bouche bée face à cette déclaration. Je dois être en train de rêver, je ne vois pas d’autre explication possible.

Je reprends le contrôle, et dis bonjour à toutes les personnes présentent. Je le cache comme je peux, mais ça me fait quand même un bien fou de revoir toutes ces têtes que je connais depuis toute petite !

Le rêve se termine bien trop vite quand Isaac dit le truc qu’il ne faut pas, en regardant dans ma voiture. Heureusement, Milo ne l’entend pas depuis là.

— Ta fille ne sort pas ?

Je lui lance un regard noir. Il semble complètement perdu face à ma "réponse". Je regarde Sam, il comprend ce qu’il se passe, et voit que j’ai perdu toute ma gaîté du jour.

Mon frère a dû lui parler de Milo. C’est obligé. Ou alors a-t-il oublié ?

Quoi qu’il en soit, je ne suis plus d’humeur à faire la « fête ».

— Merci à tous pour cet accueil chaleureux. Ça fait plaisir de tous vous revoir. Vraiment. Le trajet m’a pas mal fatigué, moi et mon FILS. Dis-je en insistant bien sur le dernier mot. Je vais donc aller à la maison. Mais merci encore pour tout ça !

Je dis au revoir à tout le monde, remonte dans la voiture, mets le contact, et commence à rouler jusqu’en direction de la ferme familiale.