Fyctia
40.2 Fond de bouteille / Max
— C’est urgent Madame Malone ! Je viens de la part de Monsieur Turner.
Mon sourire se fane. Les yeux de Billie semblent sortir de leurs orbites.
— Menteuh ! Allez-vous-en ! c’est une popiyété pivée ici !
— Je comprends que vous soyez méfiante, on voulait vous prévenir, mais vous êtes difficile à joindre mademoiselle Malone.
Ce mec jacte comme un bourge ! Je t’en foutrais des madame, mademoiselle, et nia nia nia ! Qu’est-ce qu’il me veut ?
— Max ! Eden s’inquiète pour toi ! Ouvre-lui ! chuchote Billie en me poussant par à-coups.
— Hum. Vous avez une cate de visite ou un tuc comme ça ?
— Bien sûr.
Je me relève avec peine et tangue jusqu’à l’entrée. J’entrouvre la porte, chope la carte qu'il me tend et lui claque au nez sans même l’apercevoir. Je demande à Billie de vérifier l’identité de ce Gregory Valois, apparemment attaché de presse, sur le site internet de la société indiqué sur le papier pendant que je file me rincer le visage. J’enfile un peignoir par-dessus mes vêtements ridicules et retourne dans le salon. Billie me fait signe que tout est OK. Je l’envoie se nettoyer à son tour tandis que je stoppe YouTube et bois un grand verre d’eau.
Beurk. Il a du mal à passer.
Quand Billie est de retour, la peau nette et fraîche, on se dirige vers l’entrée pour accueillir l’intrus.
L’homme avance de quelques pas. Comme j’ai oublié d’enlever mes baskets compensées, je fais deux têtes de plus que lui. Il paraît riquiqui. Il me regarde le cou plié en deux.
— Bonjour mademoiselle Malone. Gregory Valois, se présente-t-il.
Son ton semble moins déconcerté que l’air qu’il affiche en me détaillant.
— Bonjou, Massine Malone. Billie, ma PIC, dis-je en désignant mon amie.
Je ne sais pas pourquoi j’ai abrégé Partner In Crime, l’alcool sans doute. Le gars ne relève pas mon invention, mais la concernée me mate de travers. Elle n’a pas capté l’insigne. J’envoie notre invité s’installer au bar de la cuisine pendant que je l’explique à mon amie en chuchotant.
— Ça fait pique-assiette, elle boude.
— N’impo’te quoi ! Ça fait badass, genre bodyguade qui a des piques dans sa manche si on fait chier sa p’otégée.
— Hann ! elle sourit.
On s’apprête à repartir vers le bureaucrate, mais elle me retient par le bras en pointant le dessus de ma tête.
— Au fait, ça, c’est badass ou pas ?
Je tâte mon crâne et découvre avec stupeur mon bandeau de maquillage. Celui avec des putains d’oreilles de lapin. Je l’arrache aussi sec en jurant.
On rejoint le pauvre gars aux cheveux grisonnants qui doit se croire dans un squat d’ados junkie. Il pose son trench-coat sur le dossier puis s’assoit sur un tabouret.
— Un café ? je propose.
Il secoue la tête une première fois, puis une deuxième lorsque je lui offre du calva.
Pas fun.
— Comment allez-vous ? s’inquiète-t-il en remontant ses lunettes rondes.
Il ne lui manque plus qu’une moustache pour un total look de détective privée. J’espère qu’il n’essaye pas de m’enfumer.
— Bof.
— Je comprends, c'est assez écrasant cette popularité soudaine. N'est-ce pas ?
— Hum, je hoche la tête.
Billie hoquète. Vieux Dupont déglutit les yeux en hibou et poursuit :
— Bradley Cotton, l’agent de M. Turner, m'a appelé à la rescousse pour tenter d'apaiser ce buzz rapidement.
Mon palpitant s’anime en même temps qu’un vent d’espoir. Je dessaoule d’un niveau. S'il a quelque chose dans son chapeau magique, je suis preneuse ! Il doit savoir quoi faire, lui.
— Vous connaissez le passé récent d’Eden ?
— Mouais, à peu près.
— Je vais vous faire un bref résumé alors, si vous le voulez bien ?
Je hausse les épaules et l'invite à poursuivre d’une main. Il peut bien me raconter ce qu’il veut, tant qu’il me sort de cet enfer.
— Comme vous le savez sans doute, il y a environ huit mois, Kylie, l'ex-fiancée d’Eden a été surprise dans une situation compromettante. Avec un autre homme. Et quand il s'agit d'un scandale d'adultère avec photos à la clé, c'est le jackpot pour la presse people.
Je ne réponds que par de vagues onomatopées pendant son monologue et mon éloquence morne semble l’agacer. Mais il ne m'apprend rien et je ne vois pas en quoi cette histoire d’infidélité me concerne. Et puis je n’aime pas trop y penser. Au fait qu’Eden était fiancé il y a peu, je veux dire.
— Oui, c’était moche, lâché-je tout de même.
S’il a besoin d’un peu de pommade pour me secourir. Pas de problème. J’en ai tout un stock (enfin plus sur le visage).
— Effectivement. Et ça a terni leur image à tous les deux. Malheureusement, le comportement… comment dire… volage et fêtard d’Eden qui a suivi n'a pas aidé à redorer son blason. Des photos de lui en mauvaises postures sont devenues virales et…
Je lève la main pour l’interrompre. Je n’ai aucune envie d’entendre ses frasques avec d’autres nanas.
— Bon. Eden a noyé son chagrin dans les femmes et l’alcool, tout le monde le sait. Je ne comprends pas bien le but de cet historique.
Tiens, je parle moins le sanconsonnes tout à coup.
— J’allais y venir, madame Malone, il soupire.
Madame, mademoiselle, il faut qu’il se décide !
— Eden est sur la sellette. Il a perdu des contrats. La débauche ne fait plus vendre aujourd’hui. Les producteurs et les marques n’investissent plus sur les célébrités instables. Ils craignent qu’il dégénère et éclabousse leur film ou leur réputation. Ce tournage en France était l'occasion idéale pour qu’on l’oublie un peu, qu'il se recentre sur sa carrière.
D’où les soirées jeux vidéos. Et la présence de ce mec ici. Il n'a pas été envoyé pour savoir comment je vais. Ni pour me sortir de ce bourbier. Il n'est là que pour sauver les miches d’Eden. J’aurais dû m’en douter.
La déception m’envahit. Une seconde, j’ai pensé qu’Eden s’inquiétait un peu de mon sort. J’avais tort.
— Ça commençait à porter ses fruits. On ne parlait plus de lui jusqu’à…
— Moi, je finis à sa place. Je vois, les producteurs n’ont pas apprécié le remake de Oops !... I Did It Again, c’est ça ?
Il acquiesce.
Quoi ? Vieux Dupont a saisi la réf à Britney ? C’est un anachronisme à lui tout seul ce gars.
— Ne vous en faites pas, je balaye en me levant. Je n'ai pas de photo de lui et je n’avais pas l'intention d'étaler ma vie dans la presse de toute façon.
— Et c'est tout à votre honneur, mais je ne suis pas là pour ça. Les clichés de vous deux font déjà la une, mais ils ne sont pas compromettants.
Je me retourne comme une flèche. Une vague de chaleur s’empare de mes tempes.
Pas compromettants pour qui au juste ?
— Pour le moment, ajoute-t-il.
Pour le moment ? Ça peut être pire que ça ?
7 commentaires
Louisa Manel
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Il y a 2 mois