Fyctia
35.2/2 Champagne ! / Maxine
De la fumée semblait sortir des oreilles de la mégère, elle ne devait pas avoir l’habitude qu’on lui tienne tête.
— Quoi ? On peut toujours rêver, lâchai-je devant l’absence de réaction.
L’inconnue numéro deux leva finalement les yeux de son écran pour intervenir.
— Votre non-désir d’enfant est définitif ou ce n’est pas le bon moment pour vous ?
Sa voix était douce, ma gorge se serra soudainement. C’était bizarre qu’on me pose enfin une question qui avait du sens.
— Définitif.
— Dans ce cas, vous pourriez envisager une ligature des trompes ?
Les orbites de la méchante s’arrondissaient, elle devait se demander pourquoi on me proposait une vraie solution.
— Je n’ai pas encore trouvé de volontaires. Je suis trop jeune à ce qu’il paraît.
La gentille hocha la tête, semblant ne pas ignorer l’habitude de refuser cette chirurgie aux femmes de moins de trente-cinq ans qui n’ont pas daigné pondre. Votre corps, votre choix, mais tout est relatif, hein.
— La vasectomie est plus accessible pour les hommes, moins invasive aussi. Peut-être que vous pourriez en parler à votre conjoint ?
À l’évocation de Mike, la boule dans ma gorge enfla encore. Je ne lui avais rien dit. Ni pour cette grossesse ni pour celle d’avant. Rien qu’à l’idée de lui cacher un truc si gros me tordait le ventre. Mais qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ?
On avait eu une dispute éclair sur le sujet des enfants 6 mois plus tôt, à cause du plan de notre future maison qui manquait selon lui d’au moins deux chambres. C’est comme ça que je m’étais rendu compte que Mike doutait. Je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir. À chaque repas dominical, ma belle-mère nous martelait la tête avec ses désirs de petits-enfants, en insistant sur le fait que notre vie serait nulle, vide de sens, qu’on le regretterait tôt ou tard. Et à force de taper sur un clou, même quand la surface est dure, il suffit d’une microfissure pour que le doute s’insinue sous votre crâne.
J’étais au 36e dessous, il avait le droit de devenir père, même si la seule issue pour nous, c’était la rupture. Mais, contre toute attente, il avait débarqué le lendemain, un genou à terre et une bague brandie vers moi pour me demander de l’épouser en affirmant que tout ce qu’il voulait dans la vie, c’était moi.
Il ne cessait de me le prouver depuis. Je ne pensais pas qu’on pouvait être encore plus amoureux l’un de l’autre avant qu’on se fiance, je me trompais. Ma vie ressemblait à un vrai conte de fées, c’était un homme nouveau. Un homme dont rêvent toutes les femmes. Ces derniers mois, tout était parfait.
Tellement, que je ne pouvais pas risquer de tout foutre en l’air en mettant une IVG sur le tapis. Même ma belle-mère m’avait enfin lâché la grappe. J’avais besoin de soutien, pas qu’on me bassine pour le garder.
Devant mon silence, l’infirmière plissa le front en répétant sa suggestion.
— Il ne veut pas qu’on « touche à ses couilles », dis-je d’un ton désespéré.
Oui, j’avais tout de même évoqué l’idée après mon premier passage ici. Seul accroc de cette « lune de miel » d’ailleurs, donc je n’avais pas insisté.
Elle acquiesça, peu surprise par le cliché du mâle, et continua d’inspecter mon dossier avec une attention inquiète.
— Quelque chose a changé dans votre vie depuis ces six derniers mois ? me demanda-t-elle.
Non. Si. Je me suis fiancée ?
Comme ça n’avait aucun rapport, je secouai la tête, pensive. Je ne voyais pas où elle voulait en venir alors j’essayai de visualiser mon frigo.
Est-ce qu’elle parle d'alimentation ?
— Avez-vous changé de marque de préservatif par exemple ?
Ah. Plus logique, en effet…
Je haussai les épaules et fis signe que non, à nouveau.
— Pardon, reprit-elle. J’aimerais comprendre. Je vois que vous êtes active depuis vos seize ans, donc à priori, vous savez bel et bien comment gérer la contraception.
Elle glissa un œil entendu à sa collègue qui se renfrogna dans son siège et poursuivit :
— Et je vois que vous avez le même partenaire depuis trois ans, les accidents arrivent malheureusement, mais que ça arrive deux fois de suite après tant d’années sans embûche m’interpelle. Si ça vient d’un élément extérieur, j’aimerais vous aider à l’identifier afin que vous ne vous retrouviez pas une troisième fois dans cette situation.
Mon nez me picota subitement et mes yeux s’embuèrent. Rien que de songer que ça pourrait recommencer me donna envie de crever sur le champ.
— Hum, merci, je m’étranglai.
— Alors, réfléchissez bien, est-ce que quelque chose a changé ?
Je me concentrai, le menton baissé sur mes cuisses où je triturais mes mains.
J’avais beau ressasser ces six derniers mois, tout ce que je voyais, c’était cette bague à mon annulaire qui brillait de mille feux sous les néons aveuglants. Cette demande sortit un peu de nulle part, juste après notre plus grosse dispute. Cet anneau avait tout changé. L’attitude de ma belle-mère. Celle de Mike. Billie trouvait ça bizarre, mais j’étais trop heureuse pour m’en soucier, je n’allais pas cracher dans la soupe.
Je me remémorais toutes les escapades improvisées, les fleurs, les cadeaux, le Champagne… Mike n’avait jamais été aussi attentionné. Même à nos débuts. Il me préparait carrément un dîner romantique une fois par semaine. Mike qui n’avait jamais touché une poêle avant ça.
Et plus je ressassais tous ces changements, plus les alertes de Billie me revenaient, plus ma gorge se serrait.
Tout me paraissait si étrange soudainement. Irréel. Utopique.
— Des dîners romantiques hebdomadaires organisés par mon fiancé ? émis-je d’une voix mal assurée.
L’infirmière sourit, mais elle ne comprenait pas. Mes mains commencèrent à trembler. Ma belle-mère, Mike, ces petits-déjeuners au lit, ces dîners au Champagne. Mike le macho n’était pas un romantique. Catherine n’aurait jamais lâché l’affaire à l’idée d’avoir des petits-enfants avant que mes ovaires soient nécrosés.
Que lui avait-il dit ? Pourquoi ça ne m’avait pas frappé avant ? Depuis quand j’étais aveugle ?
Les larmes se mirent à dévaler mes joues comme un torrent. On ne pouvait plus m’arrêter.
Ces putains de dîners aux chandelles.
Ce Champagne qui me montait chaque fois à la tête en moins de deux coupes.
Chaque fois, on finissait ivres et euphoriques au lit, bien avant le dessert. Parfois, je me souvenais à peine de ce qu’on y faisait, mais je me taisais de peur de le vexer.
Et chaque réveil était atroce. Chaque fois, je mettais ça compte de la fatigue ou de l’alcool.
Moi, la fêtarde. Cuitée avec deux coupes de Champagne ?
Soudain, une sueur froide s’emparait de mon corps.
Il ne m'a pas fait ça, hein ?
J'écartai le col de mon pull en cherchant de l'oxygène, j'étouffai.
Non… C’est absurde... aussi absurde que… que ces deux grossesses successives ?
Un vertige me saisit l’estomac, et sous le regard effaré de la mégère, je dégueulai son contenu dans la poubelle.
— Ah bah bravo ! balança-t-elle. Vous êtes bonne pour reprendre le premier cachet !
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NICOLAS
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laurence.auderlin
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