Cara Loventi Pop-Corn ! Avec, ou sans paillettes ? 35.1/2 Champagne ! / Maxine

35.1/2 Champagne ! / Maxine

(TW)

Deux ans plus tôt.


Assise sous les néons blafards de la salle d’attente, je cogitai en fixant les fissures du faux plafond grisâtre. J’avais beau tourner et retourner toutes les semaines qui venaient de s’écouler dans ma tête ; je ne comprenais pas comment je pouvais encore me retrouver ici.


C’était ironique, au mieux absurde.


Encore deux jours plus tôt, mon neveu s’était pris le gadin du siècle, j’avais tourné de l’œil pendant que sa sœur de 3 ans courait lui chercher des glaçons. En gros, j’avais l’instinct maternel d’une moule.


Oui, je savais bien que ça existait ce truc d’instinct ou de désir viscéral qui te prend aux tripes du jour au lendemain. Malheureusement, je ne faisais pas partie de la secte. Quand mes copines s’extasiaient devant leur bambin avec leur pull à l’envers, les cheveux en l’air et des valises sous les yeux aussi noirs que des coquards, elle me faisait penser à des camées qui vantaient les mérites du crack.


Voilà à quel point l'amour inconditionnel me tentais. Pas si inconditionnel d’ailleurs, si on me demandait mon avis. Rien n’est gratuit dans la vie. Et cet amour-là, aussi grandiose soit-il, ressemblait dans mon esprit à un pacte avec le diable. Exigeant et sacrificiel. Encore plus si vous êtes une femme. Vergetures, chatte coupée en deux, tétons en chou-fleur, temps libre, sommeil, hobbys, carrière, angoisses, culpabilité sans bornes… le pack complet.


Avais-je envie de me dévouer corps et âmes pour une dose journalière de cette drogue apparemment géniale ? Non.


Avais-je envie d’en prendre pour vingt piges d’horaires et de calendriers scolaires ? Toujours pas.


Mon cerveau était doué pour les calculs improbables et ma logique implacable : ce qu’on ne connaît pas ne peut nous manquer.


Voilà, je n’avais jamais souhaité faire partie du club « Maman ».


Alors que je me retrouve là, au milieu de tous ces ventres ronds, pour la seconde fois en moins de quatre mois, était totalement absurde. Grotesque. À croire que l’univers me punissait pour mes choix de vie « anormaux ». Ou bien, ma belle-mère m’avait jeté un sort. Ça expliquerait pourquoi elle était devenue si gentille depuis nos fiançailles. Ouais, ça aussi, c’était improbable.


— Madame Malone ?


Une infirmière me héla, me tirant de mes réflexions. Je me levai pour la suivre, et le regard mauvais qu’elle m’envoya me fit soupirer de désespoir.


C’est reparti pour un tour…


***


— Vous êtes sûre de votre choix ? m’interrogea le docteur.

— Oui, sûre.


Je répondis sans l’ombre d’une hésitation. Je ne m’étais pas tapé autant d’aller-retour et de rendez-vous infâmes pour changer d’avis maintenant. Ma dixième prise de sang m’avait enfin autorisée à effectuer une écho pelvienne pour vérifier que ce n’était pas une grossesse extra-utérine. Je pouvais désormais prétendre au cachet. Celui qui sauve et qui tue à la fois.


Le médecin me fit signer un tas de papier de consentement. Puis un autre document, énumérant tous les cas obscurs où ça pouvait mal tourner. Flippant. Je validai le tout sans broncher et il me délivra enfin le Graal, aka le médicament d’interruption de grossesse, que je gobai devant lui.


Ensuite, il m’accompagna dans un second bureau où deux infirmières m’attendaient pour me confier celui qui déclencherait (non sans souffrance) l’expulsion du truc dans 48 h. Et aussi pour me faire la morale. Oui. Je n’avais pas encore eu le temps d’oublier la chanson. Le doc me planta là, avec un bref « Au revoir ». Pas d’encouragements, pas de mots rassurants. Non, rien de tout ça.


Je ne tenais plus le compte du nombre d’inconnus à qui j’avais dû faire face pour répondre à leurs questions indiscrètes. Et en somme, souvent hors de propos. « Combien avez-vous eu de partenaires ? », « Êtes-vous dans une relation sérieuse ? », « Vous vous protégez à chaque rapport ? », « Depuis quand êtes-vous sexuellement active ? ». Comme si l’une de mes réponses pouvait être une contradiction quelconque à l’IVG. Spoiler : aucune. Donc quel était leur but ? Me regarder de biais quand ce n’était pas conforme aux bonnes mœurs ? Récolter des informations sur cette espèce étrange qui se retrouvait dans cette situation délicate ? Comme une sorte d’étude de laboratoire ? C’est vrai, qu’être ici, subir ce choix n’était pas assez dur. Il fallait en ajouter une couche pour que vous n’ayez jamais envie de revenir, parce que bien sûr, vous l’aviez fait exprès la première fois. Une expérience si plaisante à vivre, alors pourquoi pas réitérer, n’est-ce pas ?


Tout cet enchaînement de rendez-vous n’avait pas de sens. Que je sois encore ici n’avait pas de sens. Mike mettait des capotes. Toujours. Il y avait eu un loupé une fois, OK, ça arrive. Deux fois de suite avec une fenêtre de tir d’environ 48 h dans un cycle de 28 jours, ça n’avait pas de putain de sens.


Je m’assis en silence dans ce semblant de tribunal austère, priant pour que les moralisatrices soient plus compréhensives que la fois précédente. Mais j’avais récidivé en pleine période de sursis. Alors, j’avais peu d’espoir. La juge de droite inspectait les papiers fournis par le médecin ainsi que son écran d’ordinateur. Tandis que l’autre infirmière s’impatientait sur son siège en me fixant d’un regard dédaigneux. Elle m’avait reconnue. J’allais prendre cher. Elle tapa avec son stylo sur leur bureau comme s’il s’agissait d’un maillet. L’audience était ouverte.


— Madame Malone, vous ne pouvez pas avorter tous les quatre matins.


Un pour la mégère, zéro pour la compassion, elle tirait à balle réelle, directe. Même si je m’étais préparée, ma tension monta d’un cran dans la seconde.


— Vraiment ? C’est si agréable pourtant, je me tâtais à prendre un abonnement.


L’infirmière envoya balader mon sarcasme sans préambules :


— Comment est-ce arrivé cette fois ?


J’inclinai la tête en me rappelant d’ajouter cette question de merde au compteur.


Si je le savais, j’aurais pris la pilule du lendemain…


— Désolée, dis-je avec un sourire pincé, mon livre de Kamasutra a dû rester dans ma bagnole.

— Bon, Mademoiselle Malone, elle haussa le ton et mon pouls s’emballa encore, il va peut-être falloir songer à un contraceptif digne de ce nom, maintenant.


J’expirai fort. Bien sûr, à part ma tronche, cette bonne femme ne se souvenait pas de mon cas. Ou elle s’en foutait, pour ce que j’en savais.


— Sans façon, merci.

— Pardon ?

— Très bien… répétons alors : je ne supporte pas les hormones artificielles. Une fois, j’ai pris 10 kg en deux semaines et mon visage ressemblait à une pizza prépubère. Une autre fois, je suis devenue dépressive et mes entrailles semblaient vouloir s’enfuir de mon corps. Pour finir, le stérilet en cuivre me fait à peu près le même effet, les hémorragies en plus. Donc que reste-t-il ? Les capotes ! Oui, sauf qu’apparemment, ce n’est pas aussi fiable qu’annoncé ces derniers temps. Alors quoi ? C’est normal de souffrir, c’est ça ? Ou je rentre dans les ordres ? Ou encore mieux ! je tapai dans mes mains. Ils ont enfin inventé la contraception masculine ?

Tu as aimé ce chapitre ?

19

19 commentaires

lili41

-

Il y a 2 mois

L'amour inconditionnel me tentait (t).

Justine_De_Beaussier

-

Il y a 3 mois

Un chapitre dur à lire mais nécessaire <3

Cara Loventi

-

Il y a 3 mois

Oui et il n’est pas fini 😔

Louisa Manel

-

Il y a 3 mois

Ce chapitre est une claque. Je ne sais pas ce que tu comptes faire de ton histoire mais elle a un potentiel énorme ! Et sache que je te suivrai, fidèle comme une ombre, jusqu'à destination.

Cara Loventi

-

Il y a 3 mois

🫶🏼

Laurie Lecler

-

Il y a 3 mois

Mais cette pauvre 😱

Cara Loventi

-

Il y a 3 mois

Oui, elle n'a pas été épargné :(

Laurie Lecler

-

Il y a 3 mois

Mais il m'a tendu ce double chapitre 😤

Juliette Delh

-

Il y a 3 mois

Wow ! Je ne peux que te féliciter pour ce chapitre ! Ce n'est pas du tout un sujet facile à aborder et c'est aussi un sujet très clivant alors bravo, mille fois bravos pour ce chapitre, et merci aussi ! Car c'est important que toutes les femmes comme Maxine puissent se reconnaître en lisant ton texte et que les personnes qui n'ont aucune idée de ce que c'est que de ne pas désirer d'enfant ou de vouloir recourir à l'avortement puissent comprendre que si, ça existe, c'est normal. Ce qui n'est pas normal en revanche, c'est toute la maltraitance autour de ça... Ton chapitre est superbe, il sonne juste du début à la fin et il fait un bien fou !

Cara Loventi

-

Il y a 3 mois

Merci Juliette ! J'espérais que ce chapitre résonne en toi ;)
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.