Fyctia

Je monte sur le toit avec un léger retard. J’espère que Son Altesse ne m’en tiendra pas rigueur surtout que visiblement, j’ai des choses à me faire pardonner. Mais je devais au moins de remettre un peu d’ordre dans mon chignon informe. Pas très concluant, cela dit. Je ne ressemble à rien aujourd’hui. J’entends Sam m’engueuler d’ici. Jean Mom de merde et gnagnagna… Tant pis, je me suis résignée avec mes pauvres heures de sommeil.

Deux voix me parviennent du salon, à chaque pas mon cœur tambourine un peu plus fort contre mes côtes.

Comment s’attend-il à ce qu’on se dise bonjour ? Un check ? Une bise ? Un signe de la main ? Plus ?

Je ne pensais plus devoir me poser ce genre de question. Ça me rappelle les années collège. Plus ça va, plus je régresse ! Tout mon sang s’est logé dans mon cerveau, j’ai chaud et mes membres semble en coton. T’es tellement une looseuse, Max !

Je respire à nouveau en découvrant Eden en visio sur son téléphone.

C’est bien ça. Très très bien même.

Je m’installe en silence hors du champ de sa caméra avec un petit signe de main.

C’est parfait le signe de main. Parfait.

Le bras en l’air, il décale son appareil pour me rendre mon salut et je m’efforce de ne pas loucher sur ses veines alléchantes, ses muscles, cette bouche… Ce déjeuner s’annonce comme mon enfer personnel. Je brûle déjà à l’intérieur et serre les cuisses alors qu’il m’achève avec son sourire de culotte killer.

Applaudissez Max bien fort ! Elle aura tenu deux secondes et demie.

Pourquoi est-il aussi canon ? Et charmant ? Et gentil ? Et aussi… Arf ! Je suis foutue…

— Je vais te laisser Noah, Max est arrivée.

— Ah cool ! Salut Max !

Hein ?!

J’écarquille les yeux alors qu’Eden tourne l’écran dans ma direction.

— Euh… salut ? je bafouille, les joues en feu.

— C’est mon petit frère, ton plus grand fan.

Mon cœur tombe en chute libre.

Okay, Houston, I believe we've had a problem here.

Il parle de moi avec sa famille ? Dans quelle dimension j’ai atterri, encore ?

Incapable de sortir un son, je hoche la tête avec un sourire pincé en observant son cadet. Pas d’erreur sur la marchandise, ce blond aux yeux bleus est bien un Turner. Mêmes boucles, même nez, même sourire bright. Ken solaire et Ken ténébreux. Ying et Yang. Pile et face. Tic et Tac.

— Alors à ce qu’il paraît, tu en fais baver à mon frère ?

Je zieute Eden en piquant un fard. Qu'est-ce qu'il lui a raconté ?

— Je note toutes tes pranks pour mes bizuts, elles sont extras ! il ajoute.

Ah ! Ça !

Soulagée, je soupire discrètement, puis hausse une épaule avec une assurance de façade.

— Bande de petits joueurs, je lance d’un ton espiègle.

— Oh ! Oh ! Oh ! il éclate de rire. OK, Eden, je comprends mieux maintenant !

Qu’est-ce qu’il comprend mieux ? Allô Houston ?

Eden tousse en étouffant un rire.

— Ouais. Bon, je te rappelle plus tard.

Je reste interdite pendant qu’ils se disent au revoir. Quand il raccroche enfin, un ange passe, Eden m’observe avec un sourire en coin. Un sourire de gagnant. Les planètes ont dû s’inverser. Je chasse une poussière sur mon haut.

— Sympa, mon plus grand fan, je le sonde.

Sans se démonter, Eden s’accoude sur ses cuisses et ancre ses yeux aux cils indécents dans les miens. Je déglutis.

— Je suis bien obligé de me plaindre à quelqu’un, avoue-t-il d’une voix rauque.

Il incline la tête en se léchant la lèvre inférieure. Des frissons me traversent l’échine. Ses billes sombres toujours braquées sur moi, semblent me dire : j’adore ce qu’il y a sous ton jean Mom de merde.

Il fait une de ces chaleurs aujourd’hui !

— On avait fait la paix, Roxy. Tu m’as trahi…

Je sais. On a fait bien plus que ça même. Et la vérité, c’est que je me sens de moins en moins fière — appelons un chat, un chat — de mon subterfuge de lâche.

— C’est vrai, excuse-moi. Allez ! C’est moi qui invite pour la peine, je tente. Tu veux manger quoi ?

— Trop tard, c’est déjà commandé. Et de toute façon, tu ne t’en serais pas tirée comme ça.

Sa fossette droite se creuse, mon cœur s’emballe. Je flaire un piège dans lequel je suis engluée malgré-moi.

— Comment puis-je me faire pardonner, alors ? je m’enquiers.

— Ah ! Ça tombe bien que tu me le demandes…

Il se redresse sur son siège et pose un pied sur son genou. Une posture tout à fait décontractée alors que je suis raide comme un piquet. Je flippe. Grave. Je ne maîtrise absolument plus rien !

— J’ai justement ce truc demain soir, il poursuit, et comment dire… je n’ai pas tellement envie d'y aller, mais j’y suis obligé. Ce serait bien plus supportable si tu venais avec moi.

Il veut que… QUOI ?!

— Quel truc ? je m’étrangle.

Ma tension monte en flèche. Je ne sais pas si je suis plus paniquée ou plus touchée qu’il me le propose. Les deux ?

— Une soirée de cohésion. Privée, il précise. Blake trouve qu’on ne ressemble pas assez à une équipe.

Son sourire s’agrandit, comme si le chat avait coincé la souris entre ses pattes.

— Et il s’en aperçoit seulement maintenant ? je plisse les paupières.

— On n’avait pas besoin d’être complice avant, au contraire.

— Mais je ne fais pas partie de l’équipe.

— Ce n’est qu’un détail ça, il balaye de la main. Le programme c’est : restaurant, Laser Game et ensuite on ira boire un verre, danser.

Hum, il a l’air beaucoup plus enthousiaste d’y participer que ce qu’il raconte. Je lui offre un sourire forcé :

— C’est gentil, mais non merci.

Il arque un sourcil et pivote pour tendre l’oreille.

— Pardon ? Je crois que je n’ai pas bien entendu.

— Non non non, je secoue la tête. Négatif !

— Allez s’il te plaît, Roxy, tu m’en dois une ! Ne m’oblige pas à employer la manière forte…

De quoi parle-t-il ? Un sourire narquois ourle ses lèvres alors qu'il brandit lentement notre échange de tout à l'heure et s'évente avec.

Salopard !

J’essaie de le choper au vol, mais il m'esquive sans mal en éclatant de rire. Toutes mes tentatives échouent, il est trop grand ! Comme si ça ne suffisait pas, il commence à me chatouiller de sa main libre. Je m’égosille de rire. Qui l’a rencardé ? C'est insoutenable.

— Bon OK, OK ! je capitule. Mais tu me le payeras.

— Bien sûr, il raille en rangeant soigneusement la lettre dans sa poche arrière.

Mauvaise perdante, je croise les bras, boudeuse.

— Vous avez privatisé un centre ? je vérifie. C’est toi qui as choisi le Laser Game ?

— Oui et oui, Roxy.

Il sourit en me lançant un clin d’œil, l’air de me dire que… qu'il l'a choisi pour faire plaisir à la geek que je suis.

Un sourire naît sur mes lèvres malgré-moi.

Tu délires, Max…

— D’accord, je participe au Laser Game, mais je ne promets rien pour la suite.

— Et le resto alors ? il s’offusque.

— C’est mon dernier mot.

Il s’approche (très prêt) de moi pour me tendre sa main. Les effluves de son parfum me montent au nez et je m’efforce de ne pas sniffer.

— Deal ?

Je le darde en glissant ma paume dans la sienne. La chair de poule se répand jusqu’à ma nuque, je lâche avec peine :

— Deal.

Chips. Chips. Chips.