Fyctia
20. Eden
— Euh… non, répond-elle, interloquée.
Merde. Qui est ce putain de « Loulou » ?
Je ne me suis pas dit une seconde qu'elle pourrait être en couple. Est-ce que je me fais des films ? Suis-je le seul à ressentir ce je-ne-sais-quoi ? Ce magnétisme qui m’empêche de regarder ailleurs.
Et comme un con, j’ai demandé « As-tu des enfants ? », au lieu de « As-tu un mec ? » ! Maintenant, elle semble perdue dans ses pensées, les sourcils froncés. Une brèche, peut-être ?
— Si ce Loulou te cherche des noises, je peux te prêter John, plaisanté-je.
— Hein ?!
Elle pivote sa tête vers moi comme une flèche, les yeux écarquillés.
— J’ai l’impression qu’il t’a contrarié… je bredouille.
Elle glisse ses lunettes sur le bout de son nez et m’observe avec un sourire en coin. Je me sens fébrile tout à coup.
— Oh ? Tu t’inquiètes pour moi, c’est mignon, me taquine-t-elle.
— Évidemment, je me soucie de ma nouvelle amie, je feins en haussant les épaules.
Un air espiègle se dessine sur son visage.
— Alors on passe directement d’inconnus à amis alors ? elle plisse les yeux.
— On est plus des inconnus depuis un moment, c’est toi qui l’as dit ! je riposte.
— OK, c’est vrai, me lance-t-elle avec son clin d'œil habituel. Bon, il faut qu’on y aille, ajoute-t-elle en regardant sa montre.
Déjà ? Merde, j’étais bien là…
En plus, je ne suis pas plus avancé sur ce « Loulou ». La suite au prochain épisode donc. Sauf qu’elle peut repartir à tout moment. Ce soir, demain ? Ça ne va pas me simplifier la tâche. Pourquoi elle ne vit pas à Paris, sérieux !
Puis, je me remémore la conversation avec mon frère « Tu n'as pas pris son numéro ? ». Et je risque bien de me retrouver dans la même situation si je ne lui demande pas très vite. J’ai passé un bon moment, c'est agréable et facile de traîner avec elle. Je n’ai pas l’impression de devoir jouer un rôle. Elle ne me hisse pas sur un piédestal comme ils le font tous.
Mes collègues sont sympas, mais je n’accroche pas avec eux. Ils agissent comme si j’étais un être suprême et qu’il leur fallait une autorisation pour me parler. En plus de me mettre mal à l’aise, ça ajoute une pression supplémentaire. La star internationale ne peut pas se planter. Ils devraient être mieux placés que quiconque pour savoir que nous ne sommes que des humains. Je ne sais pas comment me comporter avec eux, et depuis le début du tournage, je n’arrive pas encore à me lâcher. Tobias est le seul avec qui le courant passe facilement. Il est naturel, a beaucoup d’humour et n’hésite pas à plaisanter avec moi. Malheureusement, on a peu de scènes ensemble.
Cécile, quant à elle, je préfèrerais qu’elle soit plus timide. Elle a une fâcheuse tendance à confondre le scénario et la vraie vie. Oui, je suis convaincant en amoureux transi dans le film. Elle est un peu trop tactile en dehors du plateau et minaude sans cesse. Ça m’agace. Du coup, je l’évite autant que je peux. Elle n’est pas méchante, mais très collante. Enfin, j’espère qu’elle finira par comprendre.
— Tu rentres quand chez toi ? C’est loin ? je m'empresse de la questionner.
— Non, une heure et demie à peu près. Ce soir.
Ce soir ? Fait chier.
Je vais à nouveau me retrouver seul comme un con.
Je me sens bien mieux avec elle qui me vanne toutes les cinq minutes qu’avec n’importe qui au studio. Elle m’apaise autant qu’elle me chamboule en me forçant à sortir de ma zone de confort.
Mais est-ce réciproque ? Roxy n’est pas clémente avec mon égo et elle met plus de passion que moi à garder mon anonymat. Cache-t-elle quelque chose ? Elle a peut-être un mec ou un amant parmi ses collègues. La plupart des nanas feraient tout pour être vues avec moi, plus pour leurs cinq minutes de notoriété qu'elles vont en tirer que pour moi-même, je ne suis pas dupe. Mais Max se fiche de la gloire. Que cherche-t-elle alors ?
À Hollywood, rares sont les gens qui font preuve de pur altruisme, ils cachent souvent un objectif. Le fait qu’elle ne baigne pas dans cette mascarade me donne l'espoir que mon intuition soit bonne et qu’elle soit telle que je la vois. Gentille, généreuse et désintéressée, pas fausse et cupide. Elle m’a même offert mon déjeuner. Ça ne signifie peut-être pas grand-chose pour certains, mais dans mon cas, si. La plupart en auraient profité pour m’emmener dans le resto le plus branché et le plus cher du quartier. Et ce n’est pas ce qui doit manquer dans cet arrondissement huppé. J’ai la sensation que ça doit être sympa d’avoir une Roxy dans sa vie. On ne doit pas s’ennuyer. Je ne peux pas nier qu’elle m’attire, mais je serais prêt à beaucoup pour l’avoir juste en tant qu’amie.
Bref, j’aurais bien aimé d’autres déjeuners comme celui-ci.
— Ah ? Je n’aurais pas cru que c’était si proche de Paris la Normandie.
— Oui, le sud de la Normandie c’est vite fait en train ou en voiture.
— D’accord.
— Tu ne connais réellement rien de la France, hein ? Alors, c’est quoi ton secret ? Tu es doué pour les langues ?
— Ma mère était française, je souffle sur un ton triste.
Max s’arrête net en posant une main sur mon bras.
— Mince, je suis désolée Eden. Je ne voulais pas…
— Ce n’est rien, je la coupe avec un sourire en coin. Tu ne pouvais pas savoir.
En fait, si. Ça figure sur ma fiche Wikipédia. Mais c’est vraiment agréable de se découvrir comme des gens lambdas, pour une fois je ne suis pas le seul à être dans l’ignorance.
Nous arrivons bientôt à notre immeuble, car je vois l’Opéra trônant fièrement à l’autre bout de l’avenue.
— Tu restes combien de temps en France ? Tu comptes faire un peu de tourisme ? elle s’enquiert.
— Je ne sais pas. Le tournage à Paris va durer encore quelques semaines, après je serais en vacances. J’aimerais bien visiter un peu pour une fois, mais pfff… comme tu t’en doutes, c'est compliqué pour moi. Et en solo, ce n'est pas très motivant…
— Hum, elle grimace. Je comprends. Tu n'as pas un ami ou de la famille qui pourrait le faire avec toi ?
— Non, je suis venu seul. Enfin avec John, mais bon.
Quand bien même, à part mon frère, je n’ai personne qui ressemble de près ou de loin à un véritable ami.
Pathétique.
— Effectivement, il n’a pas l’air d’être très loquace, elle ricane. C'est marrant, je pensais que les stars dans ton genre étaient tout le temps overbookées avec mille personnes autour d'eux.
Ce n’est pas un mythe. Mais depuis le scandale, ces connards ont tous déserté. Ce n’est pas vendeur de s’afficher avec le cocu du siècle. Un sujet que je préfère éviter…
— Ouais, ces quatre dernières années c'était le cas. J'ai tourné dans beaucoup de films qui ont eu pas mal de succès. Ce sera mes premières vraies vacances depuis longte…
Elle me stoppe avec son bras en jurant.
— Quoi ?! je m’étonne.
Elle zieute partout autour de nous.
— Où est John ?
La panique brille dans ses yeux. Elle m’attrape brusquement la main et me tire en arrière.
— Il y a une foule de paparazzis devant notre immeuble !
23 commentaires
Juliette Delh
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Il y a 3 mois
M.G. Margerie
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Il y a 3 mois
Cara Loventi
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Il y a 3 mois