Cara Loventi Pop-Corn ! Avec, ou sans paillettes ? 10.2 Eden

10.2 Eden

— Comment vous est venue votre passion pour la comédie ?


— Vous n’avez pas lu toutes mes interviews, alors ? je ricane. C’est une question récurrente.


Son sourire en coin me dit qu’elle a dû s’en farcir un paquet.


— J’aimerais la version brute, non édulcorée.


Cette femme est clairvoyante, je parie qu’elle connait déjà la réponse qu’elle cherche.


— J’ai commencé par le football en fait, mais la rigueur que ça demandait m’a vite lassé. Les régimes, les entraînements, les courbatures. Et, honnêtement, je le faisais surtout pour les filles. Un jour, la secrétaire de mon père s’est trompée en m’inscrivant à un camp de vacances. Il n’y avait pas de sport à part la danse, alors j’ai tenté le théâtre, je hausse une épaule. J’ai tout de suite aimé entrer dans la peau d’autres personnages, changer de rôle le jour suivant, et encore celui d’après. Ce côté éphémère, où rien n’est définitif. Où l’on peut toujours modifier le scénario jusqu’à ce qu’il soit parfait et nous convienne. Les gens ne meurent pas pour de vrai. Encore moins les gentils. Enfin, vous voyez, j’ai une préférence pour les happy-ends.


Elle prend des notes, ponctuées de petits « hum hum » et de hochements de tête.


— Et qu’est-ce que ça a donné, pendant ce camp de vacances ?


— Il s’avère que j’étais naturellement doué. J’ai été choisi pour le rôle principal sans trop me fouler. À la rentrée suivante, j’ai lâché le foot pour le théâtre. Finalement, il n’y avait pas moins de groupies, et j’ai obtenu le premier rôle presque chaque année. Bref, je n’ai pas perdu au change.


— Donc, on vous a choisi chaque fois.


Je pose ma joue sur poing.


— Apparemment…



***



— Pourquoi couchez-vous avec toutes ces femmes ?


Je me racle la gorge, c’est assez direct.


— Parce que je suis jeune, beau et riche ? je m’esclaffe.


Elle éclate de rire alors que je chasse des plis imaginaires sur mes vêtements.


— Je dirais plutôt que c’est la raison pour laquelle, elles couchent avec vous.


Pas faux.


— Mais c’est intéressant, elle ajoute.


— Vraiment ? je fouille dans mes cheveux.


— Vous m’avez donné quatre arguments, et aucun ne signifiait « parce que j’en ai envie ».


— Bien vu. Et donc, vous en déduisez quoi ?


— Est-ce que Kylie vous manque ?


C’est une manie chez elle de répondre à une question par une autre.


Je réfléchis. En fait, j’ai eu tout le temps de ressasser ces dernières semaines, avec cette solitude imposée, et la conclusion reste toujours la même.


— Pas vraiment. Je ne me rappelle même plus pourquoi on s’était fiancé. On s’était éloigné depuis un moment. Elle était devenue un peu trop… diva, si vous voyez ce que je veux dire. Elle rendait fous ces assistants, ils démissionnaient les uns après les autres. C’était le mien qui prenait le relais entre deux. On ne pouvait aller nulle part sans être escortés par des paparazzis. Je ne sais pas si ça venait d’elle ou de mon assistant, mais ça ne la dérangeait pas, au contraire.


— Et vous ?


— Si, mais je m’étais habitué, je crois. Je suppose que je pensais que c’était mieux que d’être seul, il faut bien faire des concessions dans un couple. Enfin, c’est ce que tout le monde dit. Et trouver une partenaire qui ne jouerait pas les princesses dans mon milieu me paraissait utopique. Je le pense toujours d’ailleurs. La course aux followers, à la popularité, c’est… une obsession pour certains.


Elle acquiesce d’une telle façon que je devine qu’elle doit avoir un paquet de patients dans ce cas.


— Et donc pourquoi couchez-vous avec toutes ses femmes ?


« Couchais » au passé, ai-je envie de la corriger.


— Je ne sais pas trop… je soupire, je n’ai jamais été ce genre de gars. À coucher pour coucher. D’une certaine manière, j’avais peut-être la sensation d’avoir repris le contrôle. Mais ce n’était jamais si satisfaisant que ça.


— C’était sans doute plus satisfaisant que de passer pour un homme bafoué.


— Sans doute.



***



— Vous gribouillez quoi sur votre carnet ? je demande. Est-ce que je vais avoir une note sur cent à la fin pour mesurer à quel point je suis pathétique ?


— C’est ce que vous pensez de vous ?


Je regarde en l’air en posant la main sur mon menton.


— Eh bien, si j’additionne mes conclusions sur chaque sujet abordé, je résumerais à : gamin blessé et égocentrique en mal d’amour. Comprenez que mon égo n’était déjà pas au top ces derniers temps.


Elle esquisse une moue désolée.


— Bon, je vais vous montrer les choses sous un autre angle, OK ?


— Allez, soyez cash ! Je suis prêt, je m’esclaffe pour cacher mon trac.


— La vie n’a pas été assez clémente avec votre mère. Votre père n’a pas assez de fibre paternelle. Kylie n’a pas eu assez de courage pour vous quitter quand ça n’allait plus. Votre ami réalisateur n’a pas assez réfléchi avec son cerveau, trop avec sa queue. Et, votre assistant n’a sans doute pas assez pensé avec son cœur, mais trop avec sa calculette.


J’acquiesce en silence, la gorge serrée comme dans un étau.


— Vous voyez, Eden ? Ce n’est pas vous qui n’êtes pas assez. Chacun a ses failles et blesse les autres sans mesurer les conséquences. L’ennui pour vous, c’est que la presse n’a jamais assez de scandales à publier. Et qu’elle vous dresse chaque jour un portrait déformé sous le nez, vous faisant passer pour un mauvais garçon.


Mes joues sont trempées. Apparemment, je n’étais pas si prêt que ça.


— Mais Eden, poursuit-elle, vous avez réagi comme la majorité de la population masculine l’aurait fait après une humiliation de cette ampleur. Ce n’est pas la meilleure manière, mais vous n’êtes pas un robot, vous êtes un humain qui a aussi le droit de commettre des erreurs. Vous en avez tiré des leçons et mis en place des boucliers. Ce n’est pas une si mauvaise chose, vous devez seulement les ajuster.


Comme je suis incapable d’émettre le moindre son, je hoche la tête.


— Regardez où vous en êtes, Eden. Vous êtes assez. Je suis certaine que la majorité pense comme moi. Pour ceux qui restent ? On s’en fiche, on ne pourra jamais plaire à tout le monde. Le plus important c’est que vous puissiez vous regarder dans un miroir en vous disant « je suis assez ».

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32 commentaires

Juliette Delh

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Il y a 3 mois

Ces séances de psy font mouche à chaque fois ! C'est étonnant comment tu parviens à les rendre justes, sans qu'elles soient pour autant prévisibles > et je parle ici en particulier des prises de parole de Miranda. De par ses questions et ses remarques, elle parvient à pointer du doigt tous les sujets importants. Son discours est résolument positif : elle ne valide pas les excès de Eden, mais ne les condamnes pas pour autant, car elle comprend ce qui a entrainé ces actes. Je pense qu'au-delà d'Eden, ce genre de discours peut apporter beaucoup à tes lecteur.ices qui, à mon avis, peuvent se reconnaître en partie dans le personnage d'Eden (le fait de se sentir abandonné, de ne pas être assez). C'est très beau :-)

Louisa Manel

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Il y a 3 mois

Peut-être que des indications temporelles seraient bienvenues pour une meilleure compréhension ? Quand ont lieu ces séances (avant ou pendant la rencontre avec Maxine?) et à quelle fréquence ? En tout cas, si toutes les psy étaient comme elle, le trou de la sécu se reboucherait petit à petit ! XD

M.G. Margerie

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Il y a 3 mois

C’est tellement drôle leur manière de se chercher ! on dirait deux gamins XD j’ai peur que ça aille très (trop ?) loin ces histoires de blagues à ce train-là. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils ne sont pas dans la séduction. La partie avec la psy est également très intéressante, elle permet d’en savoir plus sur le passé d’Eden et sur ses blessures. Le fait qu’il se sente mieux quand il joue un rôle montre que son apparente confiance en lui est plus une armure qu’un véritable trait de caractère.

EvaBerry

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Il y a 4 mois

J'admire ta capacité à alterner humour et côté plus profond dans cette histoire : je me régale ! Allez Fyctia, ce texte doit être coup de pouce !!!! 🤞🤞🤞

Cara Loventi

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Il y a 4 mois

Oh merci ! ça me touche énormément 🥹

Justine_De_Beaussier

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Il y a 4 mois

J’aime beaucoup la psy : elle est très pertinente et permet d’approfondir le personnage d’Eden. J’ai lu les commentaires et effectivement peut-être que les infos pourraient être distillées au fur et à mesure parce que là il résout beaucoup de choses en une séance 😉

Cara Loventi

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Il y a 4 mois

Oui, en fait, ce sont des bribes de plusieurs séances mais j’ai complètement échoué à le faire comprendre 😅. Je vais restructurer ça ;) ce sera plus simple de les distiller sans ces blocage de chapitres !

Isabel Poppy

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Il y a 4 mois

Alors, je lis les commentaires à propos de ce chapitre et je ne suis pas d'accord avec les autres avis. On sent qu'Eden lâche du leste. Les conversations avec sa psy est le seul moment où il n'est pas en représentation, ou jugé, et tout ce qu'il a cumulé depuis des années se bouscule à la porte des confidences. Ce flot d'informations parlent de ce trop plein émotionnel d'Eden, qui n'a jamais su trouver la personne ressource dont il avait besoin. Et justement la psy lui fait voir son histoire sous un autre angle, un peu moins culpabilisant. Je le trouve très percutant ce chapitre. Très green flag aussi. Bravo.

Cara Loventi

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Il y a 4 mois

Merci Poppy !

Muratori Megg

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Il y a 4 mois

Je suis un petit peu du même avis qu'Emma. Jusqu'ici on avait une bonne harmonie entre dialogue, action et description. Là on se mange un tas d'info en pleine poire d'un seul coup Ca a beau rendre eden encore plus attachant je me demande si ça ne fais pas beaucoup d'un coup ... À voir avec la suite 😊
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