Fyctia

Je m’apprête à sortir de la salle de bain quand j’entends un gros « boom » suivi d’un « putaiiiiiihan », et je manque d’éclater de rire. La maladresse légendaire de Sam. C’est déjà la troisième fois ce matin, et je suis quasi sûre qu’il s’est cogné trois fois au même endroit ! Son radar à obstacle est complètement grillé. Aujourd’hui sans doute plus que d’habitude s’il a dormi autant que moi. On est sorti hier et même si je suis rentrée bredouille, on a dansé une bonne partie de la nuit. Ça m’a fait un bien fou.

Quand j’arrive dans la salle de vie, il est en train de se frotter la tête en grimaçant vers le placard suspendu au-dessus de l’évier. Pauvre Sam, en plus d’être aussi habile qu’un manchot, il est immense. Il se tourne vers moi et cette fois, c’en est trop : j’explose de rire. Ce sont les nerfs qui me tiennent ce matin, il ne m’en faut pas beaucoup, mais là, il m'offre du grand Sam.

— Hé bien, hé bien ! dis-je d’un ton moqueur. Ton goal d’hier soir n’y a pas été de main morte à ce que je vois, t’aurais au moins pu changer de t-shirt !

Comme il ne saisit pas, je pointe du doigt son estomac. Sam baisse vivement la tête et découvre avec horreur son haut maculé de yaourt. Il a encore loupé sa bouche, comme d’habitude.

— Mais merdehannn ! il tape du pied comme un gamin en pleine crise de nerfs.

J’explose à nouveau de rire. Oui. Je suis une amie de merde apparemment. Pendant qu’il tente de nettoyer son t-shirt, je fais couler deux cafés. Puis il me rejoint sur son petit bar, arborant une auréole mouillée sur l’abdomen, vestige de l’éjaculation de son yaourt. Cette fois, je me contiens, mais quand même… C’est dur.

— Tu n’es pas sérieuse là ?! lance-t-il en me toisant de haut en bas.

— Quoi ? je m’offusque en observant ma tenue.

— Tu as oublié que tu allais certainement recroiser Mister Star Canon ? il fait des vagues avec son cou, façon diva.

— Ah. Ça ? Si, je suis sérieuse. Et non, je n'ai pas d'amnésies, seulement une grosse gueule de bois.

Il secoue la tête de dépit. Ma réponse ne lui plaît pas.

— Tu t'enflammes pour rien. Je lui ai juste confirmé que je ne lui file pas le train, il doit être soulagé, j’élude.

Bon en vérité, j’ai fait bien plus que ça. La diva doit carrément me détester à l’heure qu’il est. J’ai croisé un nombre incalculable de mecs du staff dans l’escalier, blindés de paillettes ! Ils râlaient et moi, je me retenais de rire à m’en faire mal au ventre.

Mais Sam n’en démord pas. Ses grands yeux marron me lancent des : « c'est cela oui ». Il est persuadé que je devrais tenter de me taper cet acteur, alors je ne compte pas ajouter de l’eau à son moulin en lui parlant de l’enveloppe piégée. Mon ami prendrait ça pour des préliminaires.

— Rhaa ! C’est du gâchis !

Je ris en secouant la tête. Adorable. Ou ridicule, au choix. Il me surestime largement. Je ne joue pas dans la ligue hollywoodienne.

— Mais bien sûr ! Ce mec peut s’envoyer tout ce qui bouge sur cette planète et même aux rayons star et déesse. Je dois l’intéresser à peu près autant que ma grand-mère, je raille.

— Ah ça… ! C’est vrai que depuis qu'il n’est plus avec Kylie Keen ! On n’a pas parlé de lui que pour ces films, si tu vois ce que je veux dire, il s’esclaffe.

Sam est très friand des potins de stars contrairement à moi. Je déteste les potins (tout court) pour en avoir fait les frais quand j’étais ado. Il sort son téléphone et tape le hashtag de l’acteur dans Instagram. Je le sais, c’est mal, mais je ne peux m’empêcher de jeter un œil curieux. Sur chaque post, Eden est avec une femme différente. Mannequin, chanteuse… Elles sont toutes sublimes, et sûrement toutes célèbres, même si je n’en reconnais pas la moitié. Ce qui me marque le plus c’est que ce ne sont que des photos volées. Ce gars ne peut rien faire sans que le monde entier soit alerté.

— Quelle vie de merde ! je murmure, en grimaçant.

Je m’attarde sur les photos et un autre détail me frappe.

— Ces images ne lui rendent pas justice. Je veux dire, on l’a vu en vrai ! Ce mec est canon. Là, il ressemble à une rock star en dépression. Regard égaré, style débraillé…

Sam acquiesce avant de me raconter le scandale de sa récente rupture.

— C’est vraiment… horrible d’être connu, je conclus.

Je ne suis pas sa plus grande fan, mais je ne souhaiterais ça à personne.

— Ouais, et la presse s’en est donné à cœur joie. Toutes les théories possibles sur la cause de l’infidélité de son ex-fiancée sont sorties. Sa bogossitude a pris un sacré coup dans l’aile à cause d’elle. Il s’est terré quelque part pendant un mois, et d’un coup il s’est mis à faire la fête et à s’envoyer toutes celles qu’ils croisaient comme dans un buffet à volonté.

— Hum… réaction classique, non ?

J’ai à peu près fait pareil d’ailleurs. OK, ce n’était pas exactement pour les mêmes raisons, mais une trahison reste une trahison, peu importe de quelle manière on nous l’inflige.

Même si la baise n’est pas top, on n’est jamais trompé par un coup d’un soir. Seule une vraie relation peut vous déchiqueter le cœur. Je parle d’expérience. La différence, c’est qu’un humain lambda n’est pas pris pour cible par les paparazzis.

— Exact ! Donc, tu as toutes tes chances ! il persiste.

J’explose de rire.

— Donc ta théorie c’est qu’étant donné qu’il tape dans tout ce qui bouge, je suis une bonne candidate ! Sympa.

Son regard me confirme que j’ai visé juste. Je rigole de plus belle.

— OK, mais tu as oublié un détail. Toutes ces nanas sont issues d’un buffet quatre étoiles. Pourquoi irait-il bouffer au putain de Flunch ?

Il fronce les sourcils en m’observant, visiblement perplexe.

— Et donc, ce serait toi, le Flunch ?

Je lève les bras en l’air.

Ben ouais ! Comparée à tous ces avions de chasse !

— Max ! Tu as vu les avants/après des stars ? Tu es une bombe ! La seule différence entre toi et ces starlettes, c’est que tu ne portes pas de Chanel ou de Jimmy Choo.

— Je ne saurais pas marcher avec des Jimmy Choo, je rétorque.

— Hors sujet !

Sa voix part dans les aigus et il tape du pied.

— Mais ! C’est toi qui…

— Bref, il me coupe. Là où je veux en venir, c’est qu’il a des yeux et une queue comme tous les mecs. Et toi, t’as un cul et des boobs d’enfer, chérie. Sauf que ce jean mom de merde ne te rend pas justice !

Je repars en fou rire, faisant fi de son avis.

— Gâchis ! il boude.

— Franchement ma poule, qui aurait envie de faire la une juste pour avoir tiré un coup ? Sans déc’ ?

Il hausse les épaules et incline la tête, dubitatif. Évidemment qu’il serait partant. Rien ne l’arrête quand il s’agit de s’envoyer en l’air. Mais rien ne prouve que Son Altesse baise bien. D’expérience, les plus canon sont souvent les pires partenaires. La liste des prétendantes est si longue qu’ils se préoccupent plus de recevoir que de donner.

— Hé ben PAS MOI ! je proteste. Vivons heureux, vivons cachés. Un fantasme est un fantasme. Une queue est une queue. Comme tu le dis si bien, tous les mecs en ont une, et elles n'ont pas besoin d’Oscars pour fonctionner ! Point.