Fyctia
6.2 Eden
Je m’aventure sur le palier pour profiter d’un peu de calme pendant ma pause. Une jeune femme descend l’escalier de notre étage au même moment. Elle vient certainement de l’appartement d’en face, pourtant sa silhouette m'est... familière. Une impression de déjà vu. Elle porte une robe longue à fleurs, cintrée juste ce qu’il faut pour mettre en valeur ses courbes. Sa crinière ondulée, tout en nuances de blond et de châtain, danse jusqu’au creux de ses reins. De dos, elle est carrément sexy.
Quoi ? J’ai quand même le droit de regarder !
Je me décale discrètement pour apercevoir son visage au prochain virage et…
Merde ! Qu’est-ce qu’elle fout là ?
C’est la fanatique du Grand Rex ! Ce cinéma a beau être mythique, il n'en est pas moins vieux et vétuste. Les toilettes des loges étaient HS, j’ai dû me rendre dans celles du public. Comme si ça ne suffisait pas, une fille — cette fille ! — était dans le coin des hommes. John, l’a repérée et bloquée le temps que je pisse, histoire que je ne me retrouve pas avec une fan sur le dos ou pire : un paparazzi ! Comme si j’avais besoin de ça en ce moment.
Et la voilà ici, encore. Coïncidence ? Je commence sérieusement à penser qu’elle est journaliste. Comment pourrait-elle en savoir autant ? Elle connaît le prénom de mon garde du corps et maintenant elle est sur mon lieu de tournage ? À croire que c’est elle qui a saboté nos toilettes.
Ces vautours sont prêts à tout.
Ils ne me lâcheront jamais. J’en ai assez !
— Hé vous ! je l’interpelle.
Elle fait trois pas de plus avant de s’arrêter net au premier palier. Elle se retourne lentement vers moi. Je descends les quelques marches pour la rejoindre Je pensais qu'elle serait surprise que je la prenne la main dans le sac, c’est de l’agacement que je lis sur son visage. Elle fronce les sourcils et croise les bras sur sa poitrine, l’air plus agacé que paniqué.
— C'est bizarre, j'étais persuadée que l'équivalent de « bonjour » existait aux États-Unis… Je tombe des nues !
OK, drôle d’entrée en matière pour une journaliste.
— Bref, que puis-je faire pour vous aujourd’hui, Votre Altesse ? souffle-t-elle exaspérée.
De mieux en mieux…
— Désolée de vous décevoir, il n’y a pas de toilettes où vous pourriez me séquestrer dans cette cage d’escalier, renchérit-elle pleine de sarcasmes.
Soit elle cache bien son jeu, soit elle est carrément schizophrène. Avec ma veine…
— Pourquoi vous me suivez ? je rétorque sèchement.
— Pardon ?
Ses joues deviennent roses, et ses yeux semblent vouloir sortir de leurs orbites. Je commence à douter. Peut-être que…
— C’est la meilleure celle-là ! elle s’emporte. Je ne peux pas pisser tranquille et maintenant je VOUS suis sur MON lieu de travail… pardon, j’ai dû rater le mémo !
Elle travaille ici ? C’est quoi ce bordel ?
— Hein ? Quel mémo ?
Elle incline la tête, hausse une épaule.
— Que vous aviez privatisé cette putain de ville.
Sa jambe bat la mesure de son impatience. Je suis de plus en plus dubitatif sur mes intuitions. Si elle jouait si bien la comédie, je l’aurais déjà croisée à Hollywood.
— Vous n’êtes pas journaliste ? je tente malgré tout.
Elle souffle en l’air avant de secouer la tête.
— Ni une fan donc ?
Elle m’adresse une moue dégoûtée.
— Franchement ? J’ai l’air d’une groupie ?
Non.
Je hausse les épaules, le regard fuyant. J’ai l’impression de m’enfoncer dans des sables mouvants. J’aurais dû m’excuser et partir depuis un moment.
— Bon ! reprend-elle d’un ton sec. Je vais abréger pour vous, Votre Altesse. Je ne vous suis pas. Point. Mais, je suis sûre que la paranoïa se soigne très bien de nos jours.
Ouch ! Elle ne mâche pas ses mots…
Je me gratte le crâne. J’avais tout de même de bonnes raisons de la suspecter au départ… Qui étaient…
— Et pour John, alors ? je la pointe du doigt.
— Qui est John ? elle arque un sourcil.
— Mon garde du corps.
— Oh !
Elle gonfle ses joues en se retenant de rire avec son poing.
Qu’est-ce que j’ai dit de drôle ?
— Votre tronc d’arbre s’appelle vraiment John ?! s'esclaffe-t-elle.
Tronc d’arbre ? Mais qu’est-ce qu’elle raconte ?
Au même moment, j'entends des pas approcher dans mon dos. Je baisse la tête par réflexe.
— Ça va Max ? lance une voix.
Je retiens son prénom, ça peut toujours servir. L’interlocutrice descend une marche de plus, elle est juste derrière moi maintenant. Je commence sérieusement à baliser.
Où est John quand on a besoin de lui ?
— Oui, j’allais me chercher à manger, tu veux que je te ramène quelque chose ? répond-elle soudain beaucoup plus amicale.
— C’est gentil, mais j’ai un rendez-vous. Tu as vu le recettage d’Anna ?
— Oui oui, je m’en occupe aujourd’hui.
— Parfait, je file, je serai de retour en fin d’après-midi pour la réunion, approuve-t-elle l’air satisfait.
La dame reprend sa route sans m’accorder un regard.
D’accord, pas de journalistes. Max travaille ici. Personne ne me suit.
Je pourrais me réjouir… mais je viens de passer pour un gros con. Moi qui déteste qu’on me prenne pour une diva, c’est raté. Merde. Tout semblait pourtant indiquer qu’elle me suivait. Il ne manquerait plus qu’elle raconte ça sur les réseaux. Avec ma réputation du moment, les tabloïds se feraient une joie de m’enfoncer. Je vois déjà les gros titres : « Eden Turner, le serial harceleur ».
Quand je relève la tête, elle me toise d’une mine victorieuse : bras croisés sur torse bombé, hanche sur le côté et sourire en coin. Moi ? J’ai des sueurs froides.
— Ça n'a pas l’air d’aller Votre Altesse ? ricane-t-elle. Vous êtes un peu pâlot, en manque de paillettes, peut-être ?
Je ne sais pas quoi dire. J’ai l’air d’un idiot et elle s’en délecte.
— Bon ben… bon tournage. Il faut que je file si je veux manger avant de reprendre mon TRAVAIL, elle insiste sur le dernier mot.
— Merci, et désolé…
— Vraiment pas de quoi, elle me coupe. Vous avez refait ma journée !
Elle repart en éclatant de rire. Elle se retourne encore une fois alors que je n’arrive toujours pas à bouger.
— Tu te débrouilles pas trop mal en statue de sel, mais décrispes un peu ton visage ! On dirait que tu as une crampe, se moque-t-elle en mimant une grimace. Tu vois ? C’est pas terrible.
La garce ! Elle se fout de ma gueule avec un malin plaisir, c’est presque indécent. Tellement, qu’aucune réplique ne me vient. J’ai plutôt l’habitude des courbettes…
Réagi Eden, on dirait un gamin qui vient de se chier dessus !
Au fait ! Elle est passée de « vous » à « tu » d’un coup, non ?
— Ah, et si tu pouvais dire à ton John Coffey de ne pas me séquestrer encore quelque part, ce serait… comment dire ? Euh… civilisé ?
John… Coffey ?!
Je percute d’un coup. C’est vrai que mon John lui ressemble mais… sérieux ? Tout ça n’était qu’un putain de quiproquo ?
Elle ne pouvait pas se contenter de Monsieur ?
Le feu me monte aux joues. On l’a foutue dehors pour rien, et là je viens encore de l’accuser à tort.
Bravo, Eden, belle performance.
Il faut que je prévienne John tout de suite avant que ça dérape pour de bon !
46 commentaires
Juliette Delh
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Il y a 3 mois
Louisa Manel
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Il y a 3 mois
Cara Loventi
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Il y a 3 mois
EvaBerry
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Justine_De_Beaussier
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Muratori Megg
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Emma Chapon
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laurence.auderlin
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Pjustine
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Il y a 5 mois